EXPÉRIMENTATION
Adapter la végétalisation des villes au changement climatique

Pauline De Deus
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Le projet Vegetadin, mené par l’institut du végétal Astredhor Auvergne-Rhône-Alpes, le lycée de Marmilhat (Puy-de-Dôme) et les professionnels de la filière horticole, a démarré en 2022 afin d’adapter la végétalisation des villes au changement climatique.

Adapter la végétalisation des villes au changement climatique
Pour l’implantation de plantes annuelles, Astredhor Aura teste trois méthodes d’irrigation différentes, dont des sondes capacitives. ©LR_Apasec

Chaque été, la région Auvergne-Rhône-Alpes et les territoires de l’Est de la France suffoquent. De plus en plus de collectivités font face aux restrictions d’eau. Dans ce contexte, l’institut du végétal Astredhor Auvergne-Rhône-Alpes et différents acteurs de la filière horticole (responsables d’espaces verts, producteurs horticoles, lycée horticole et expérimentateurs) ont formé un groupe de travail. De cette concertation est né le projet Vegetadin. « Son objectif est d’adapter les techniques de végétalisation des collectivités dans des conditions climatiques difficiles, de façon à maintenir une végétalisation esthétique dans les espaces urbains », détaille Bernard Darfeuille, responsable technique à Astredhor Aura. Un ambitieux projet d’expérimentation, suivi par de nombreuses collectivités de la région1.

Cent quatre-vingts espèces retenues

La première action menée par le groupe de travail a été de sélectionner cent quatre-vingts espèces en fonction de leur capacité à résister aux fortes chaleurs, aux conditions hivernales, au manque d’eau prolongé, tout en maintenant un aspect esthétique. Deux hauteurs ont été retenues : 1 m pour les plantes vivaces et 1,50 m pour les arbustes. Enfin, les sites d’Astredhor Aura (Rhône) et de l’EPL de Marmilhat (Puy-de-Dôme) ont été choisis afin d’évaluer ces nouvelles pratiques. « Nous allons traiter les données déjà acquises et étudier la résistance des espèces au froid (de -8 °C à -12 °C), au gel et à l’humidité », explique Juliette Mus, ingénieure stagiaire à l’institut du végétal Astredhor Aura, qui soumettra par la suite ses évaluations aux collectivités partenaires.

Plantes annuelles, vivaces et arbustes à l’essai

Actuellement, le jardin d’expertise d’Astredhor Aura étudie des plantes annuelles, des plantes vivaces, ainsi que des arbustes. Les plantes annuelles sont étudiées selon un système intensif, où plus de moyens et de main-d’oeuvre sont déployés. L’objectif est de déterminer les quantités d’eau optimales nécessaires pour maintenir une bonne floraison. Pour évaluer ces quantités, trois techniques sont à l’essai. La première est un système par fréquence horaire, durant lequel les irrigations sont déclenchées deux à trois fois par semaine grâce à un programmateur, puis coupées lors d’épisodes de pluie de plus de deux jours consécutifs. La seconde méthode utilise des sondes capacitives, afin d’évaluer l’humidité du substrat avant de déclencher une irrigation. Le dernier système consiste en une irrigation autonome grâce à des oyas en céramique microporeuse, d’une capacité de 6 litres. La surface irriguée est de l’ordre de 1,13 m et les oyas sont remis à niveau une fois par semaine.

Raisonner l’irrigation et faciliter l’entretien

Les plantes vivaces et les associations de plantes vivaces et d’arbustes sont cultivées, quant à elles, via un système extensif qui utilise moins d’intrants. L’irrigation se fait seulement durant la première année, sur les deux années d’expérimentation (2022 – 2024), et est déclenchée manuellement grâce à six bougies placées dans le sol. Lorsque la moitié des bougies indiquent une tension supérieure à 50 centibars, une irrigation est déclenchée. « L’objectif est de proposer des associations de massifs de pleine terre, permettant aux collectivités d’assurer un fleurissement dans des zones où l’irrigation est plus difficile à mettre en place, comme sur les ronds-points », précise Juliette Mus. Afin de correspondre aux attentes des collectivités, elle prend également en compte les stades phénologiques des plantes, leur bio attractivité et bio agressivité, leur entretien, ainsi que la compétition avec les autres plantes. Au bout des trois années d’expérimentation, le projet Vegetadin fera l’objet d’un catalogue. « Il aidera les collectivités à créer des massifs de pleine terre résistants au changement climatique et abordera le travail du sol et l’irrigation, comme un outil d’aide à la décision et de vulgarisation », assure Bernard Darfeuille. Il espère que ce projet dépassera plus tard le seul cadre de la région, afin de fédérer de nouvelles villes.

Léa Rochon

1. Villeurbanne, Lyon, Châtillon-sur-Chalaronne, Grenoble, Chambéry, Thoiry, La Motte-Servolex, Aix-les-Bains, ainsi que le comité intercommunautaire pour l’assainissement du lac du Bourget.
Juliette Mus, ingénieure stagiaire à l’institut Astredhor Aura, coordonne le projet Vegetadin. ©DR
Des bancs urbains végétalisés autonomes en eau
Les bancs végétalisés se remplissent d’eau de pluie grâce à des trous en forme de nid d’abeille qui ne gênent pas l’utilisateur. ©LR_Apasec

Des bancs urbains végétalisés autonomes en eau

S’asseoir sous un arbre en pleine ville, tout en admirant un bac végétal autonome en eau, c’est l’idée actuellement développée par l’institut Astredhor Aura. Chaque banc est composé d’une réserve d’eau de 350 litres, située en dessous de l’assise. Ces dernières disposent de trous en forme de nid d’abeille, qui servent à récupérer l’eau de pluie. L’idée est simple : allier mobilier urbain, végétalisation et économie d’eau. « Un principe capillaire qui capte l’eau est relié au bac végétal, ce qui garantit une redistribution autonome pendant un mois, détaille Bernard Darfeuille, responsable technique à Astredhor Aura. Ce test n’est pas intégré dans le projet Vegetadin, mais il a un lien direct avec notre réflexion autour de la végétalisation urbaine. » Plusieurs prototypes sont actuellement en test au sein du jardin expérimental de l’institut. Astredhor rendra ses observations au bout d’un an d’utilisation.

L.R.