INONDATIONS
Face aux intempéries, anticiper et stocker l’eau de pluie dans la vallée du Doux

Après les pluies torrentielles qui ont causé des dégâts dans la vallée du Doux, la FDSEA et les JA ont organisé ce mercredi 20 septembre, une visite au Gaec des Lilas, touché par les intempéries. De nombreux élus et acteurs du territoire ont fait le déplacement.

Face aux intempéries, anticiper et stocker l’eau de pluie dans la vallée du Doux
« L'urgence est de sécuriser les bords du terrain pour les enfants et pour les manœuvres en tracteur », explique Yohann Palisse. ©AAA_MMartin

Contre la force de l’eau, la terre n’a rien pu faire. Le terrassement qu’avait fabriqué Yoann Palisse sur son exploitation il y a deux ans n’a pu résister, face au déferlement de pluies du lundi 18 septembre. Le glissement de terrain a rejoint la rivière du Doux, une dizaine de mètres en contrebas.

« Il est tombé 250 millimètres entre 9 h du matin et midi », annonce abasourdie, Marie-Madeleine Palisse, installée en Gaec avec son fils, Yohann, sur la commune d’Arlebosc. « Ça a failli emporter la faneuse », révèle-t-elle. La machine agricole a pu être sauvée à temps par Yohann Palisse, tractant l’engin hors de la ravine.

Les semis également touchés

Le Gaec des Lilas n’est pas la seule exploitation dans la vallée du Doux, à avoir été touchée par les intempéries. Rémi Vernet, agriculteur à Lemps, a perdu environ 40 % des semis. « Cela correspond à une perte de récolte sur les Colza de 3 000 €. » Idem pour ses pommes de terre dont une partie de la récolte est partie dans les ornières. « L’assurance ne fonctionne pas sur les semis, il fallait que ce soit considéré comme une prairie », affirme un autre agriculteur à qui il est arrivé les mêmes déboires. « Les dégâts vont se répercuter sur le résultat d’exploitation pour 2024 », reprend Rémi Vernet. « Il faudra également que je cure mon lac, remplit de terre à cause des pluies », constate-t-il.

Une politique de gestion des risques pour se protéger

« J’attendais la pluie avec impatience mais là, j’ai eu peur d’être emportée et que tout s’éboule », confie Marie-Madeleine Palisse. « Il a plu avec intensité dans un temps très court. On n’est rien face à l’eau, maintenant j’ai un gros chantier à faire, sans la matière. La terre est partie en contrebas », glisse Yohann Palisse à la préfète, Sophie Elizéon, venue constater les dégâts. Au bord de la ravine créée par le glissement de terrain, la préfète, prend la parole : « Le sujet est de se protéger. Ces épisodes, on ne peut pas les prévoir, mais on peut se préparer au mieux pour qu’ils aient le moins d’impacts. C’est un phénomène qui s’accentue. Il faut qu’on soit engagé dans l’accélération de la feuille de route qui nécessite un engagement collectif », assure-t-elle. Adrian Grattessol, exploitant agricole dans la vallée du Doux rappelle de son côté : « Avant, il y avait des exploitations arboricoles, enherbées, ce qui ralentissait l’eau. Désormais, elle dévale et ravine, car l’arboriculture a été remplacée par des prairies et pâturages », déplore-t-il.

Gestion de l’eau et construction de lacs collinaires

Après une fin d’été marquée par la sécheresse, les agriculteurs attendaient donc une pluie salvatrice. Au lieu de cela, le déluge s’est abattu. Témoin du paradoxe du dérèglement climatique, la visite de terrain a été l’occasion d’aborder le sujet de la gestion de l’eau, rare et parfois diluvienne, et la question des lacs collinaires est revenue au centre des enjeux : « L’été, nous sommes en restriction des usages de l’eau, il n’y a rien de pire que de sauver sa récolte de la sécheresse puis de constater que de violentes précipitations s’abattent peu après. Il faut prévoir et être en capacité de conserver de l’eau pour la période estivale », martèle Benoit Claret, président de la chambre d’agriculture de l’Ardèche, face à la préfète Sophie Elizéon. « Quand on voit son outil de travail, la terre, partir, on ne peut rien faire. En construisant des lacs collinaires, on rendra bien des services pour l’agriculture, la biodiversité, en soutenant les niveaux des rivières l’été et pour les risques incendies également. S’il y avait eu ce type de retenue pour écrêter cet épisode intense, ça aurait été bénéfique pour tout le monde », résume Christel Cesana, présidente de la FDSEA.

La quantité de pluie qui a joint la rivière du Doux, en une journée, a atteint 8,5 millions de m3, « quand les agriculteurs utilisent 3,5 millions de m3 d’eau sur la vallée du Doux en un an », calcule Sylvain Bertrand, membre du bureau des JA Ardèche et vice-président de la chambre d’agriculture 07.

La préfète, attentive aux demandes des élus et des agriculteurs, entend bien poursuivre le travail enclenché par son prédécesseur avec les Assises de l’eau. « Nous sommes engagés dans une gestion économe de l’eau. L’installation d’un certain nombre de retenues est nécessaire », confirme-t-elle. Un avis partagé par la députée de l’Ardèche, Laurence Heydel Grillère : « les lacs limiteraient les crues, en stockant de l’eau intelligemment », conclut-elle.

Suite aux intempéries hors normes, à la demande de la préfète, le ministère de l’Intérieur a accepté le déclenchement de la procédure accélérée de reconnaissance de catastrophe naturelle. L’examen des dossiers ainsi montés par les communes a été présenté vendredi 22 septembre, tandis que le secteur était de nouveau en vigilance orange jeudi 21 septembre.

Marine Martin

Et après ?
©Ministère_Agriculture_souveraineté_alimentaire
INDEMNITÉS

Et après ?

Après les intempéries, la question de l’indemnisation est sur toutes les lèvres : « Tout le monde a eu des dégâts», signale le vice-président de la chambre d’agriculture de l'Ardèche, Sylvain Bertrand. « Si le sinistre est déclaré catastrophe naturelle, cela nous permettrait d’être davantage indemnisé pour, par exemple, les chemins d'accès. C'est un renfort pour ce qui n'est pas assurable. »

En effet, Groupama confirme que le foncier n’est pas assurable : « C’est à la DDT qu’il faut s’adresser dans un cas de glissement de terrain », informe Frédéric Bosquet, président départemental de Groupama. « Cependant, si les dégâts concernent la récolte, il faut tout d’abord que l’agriculteur déclare le sinistre à l’assurance, afin de réaliser une expertise pour estimer les dégâts. »

Sur l’exploitation du Gaec des Lilas, le glissement de terrain est donc plutôt du ressort de la DTT.

Fabien Clavé, en charge du service agriculture à la DDT spécifie : « Concernant une procédure pour la perte de fonds, la DDT peut indemniser en partie l’agriculteur entre 20 à 25 % par le fond des calamités agricoles dans le cadre des pertes de fonds. ». Pour rappel, les calamités agricoles pour les récoltes n’existent plus depuis la réforme en janvier 2023. « Les exploitants doivent faire remonter leurs dégâts. » Ainsi, l’expertise peut commencer son enquête sur le terrain, en analysant les dommages du sol, du chemin, la terre à remonter, ou encore la sécurisation des bâtiments à réaliser. « Après enquête, le dossier de reconnaissance est porté au ministère de l’Agriculture. À partir du moment où le phénomène climatique est reconnu comme exceptionnel, les dégâts constatés comme les glissements de terrains sont pris en charge en partie sur la base de factures auprès des prestataires. Le prochain délai pour faire remonter les dossiers est en novembre, ça nous laisse un mois », détaille Fabien Clavé.

Entre-temps, la procédure accélérée de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle a permis à une dizaine de maires de communes les plus impactées, dont la commune d’Arlebosc, de déposer leurs dossiers pour évaluation, auprès de la commission nationale, vendredi 22 septembre. Le verdict sera rendu dans les prochains jours. Néanmoins, il est trop tôt pour dire si les indemnités liées à une potentielle reconnaissance en catastrophe naturelle s’ajouteront à une indemnisation de la part de la DDT.

M.M.

Les élus sont venus soutenir l'agriculteur. ©AAA_MMartin
Face au trou béant laissé par les intempéries, « il est urgent d’accélérer la feuille de route », selon la préfète Sophie Elizéon. ©AAA_MMartin
« S'il y avait eu ce type de retenue pour écrêter cet épisode intense, ça aurait été bénéfique pour tout le monde », résume Christel Cesana, présidente de la FDSEA. ©AAA_MMartin