Le jeudi 22 février à La Besseyre-Saint-Mary en Haute-Loire, Jean-Paul Celet, le préfet réfèrent loup et Claude Font de la Fédération nationale ovine (FNO) ont travaillé sur de nouvelles mesures de protection des troupeaux.
C'est au cœur du Gévaudan, à La Besseyre-Saint-Mary, le jeudi 22 février, que Jean-Paul Celet, le préfet référent du plan national loup, s'est rendu pour une réunion de travail afin de mettre en place des aides aux éleveurs pour protéger leur troupeau. Il était accompagné du préfet de la Haute-Loire, Yvan Cordier, du sous-préfet de Brioude, Emmanuel Fevre, du directeur départemental des territoires (DDT), Stéphane Le Goaster et, du côté de la profession, de Claude Font, en charge du dossier loup à la FNO et par ailleurs président de la FDSEA de Haute-Loire.
« Le loup n'a pas bonne presse, ici », indique Jean Pascal, le maire de la commune. Comme les éleveurs de la Margeride, haut plateau granitique du Massif central, il est encore empreint de l'histoire, pourtant vieille de plus de 120 ans, de la bête du Gévaudan. « C'est mon arrière-grand-père qui a tué le dernier loup », raconte l'un d'eux, alors qu'un autre montre à l'assemblée le lieu où a été terrassée la Bête, par un certain Jean Chastel. Tous n'ont qu'un souhait, « voir disparaître le loup ». "Il faudra limiter le nombre de loups, ou les éduquer, leur apprendre les bonnes manières ». Derrière ces mots, le maire exhorte les pouvoirs publics à « protéger les moutons et les bovins, indispensables sur ce territoire pour maintenir un paysage ouvert, et garder des agriculteurs ».
Sans mesures de protection, pas de tir de défense
Conscient de la situation dans laquelle vivent les éleveurs d’ovins de ce secteur, comme dans l'ensemble des départements français dans lesquels la présence du loup a été avérée, Claude Font, se veut pragmatique. « Le loup est là, il est protégé par la Convention de Berne, et, pour l'instant, il faut faire avec. » Loin d'être résigné, le responsable s'en tient aux faits et explique que le plan loup prévoit que dans les zones classées en cercle 2 (zones où des actions de prévention sont nécessaires du fait de la survenue possible de la prédation par le loup pendant l’année en cours), les éleveurs doivent mettre en place des mesures de protection de leur troupeau, et sans ces mesures le tir de défense n'est pas possible. Il insiste à plusieurs reprises : « sans mesures de protection, pas de tir de défense ».
C'est donc bien dans ce contexte, et parce que la seule mesure susceptible de protéger les élevages est le tir de défense, que le responsable, lui aussi éleveur de moutons, vient aujourd'hui sur le terrain (d'autres rendez-vous sont prévus sur d'autres départements) pour étudier, avec les représentants de l'État, des solutions. Deux points vont être étudiés : mettre en place des aides spécifiques pour permettre aux éleveurs d'installer les filets de protection sur leur exploitation et définir des zones de non-protégeabilité.
Une « brigade d’ouvriers »
Sur le premier point, le syndicalisme part d'un constat : poser des filets pour éviter l'intrusion du loup dans les troupeaux la nuit est fastidieux, gourmand en temps et en argent. Pourtant, c'est la seule solution, avec la présence de chiens patous, qui a été trouvée sur les exploitations prédatées ou plus largement les élevages confrontés à la présence du loup. C'est le cas du Gaec de la Drey, où s'est déroulée la journée, chez Béatrice Lèbre et Patrice Redon qui élèvent, entre autres, 450 brebis blanches du Massif central. Alors qu'un voisin a été prédaté en mai et juin 2023, ils ont mis en place des mesures de protection avec des filets et deux patous. « Avec notre système d'élevage, explique Béatrice, les brebis sont dehors d'avril à novembre. En été, quand il fait très chaud, elles avaient pour habitude de pâturer à la fraîche entre 5 h 30 et 9 heures le matin et 21 et 23 heures le soir. Le reste de la journée elles recherchent l'ombre. Alors comment faire aujourd'hui avec le loup ? Les parquer, les rentrer en bergerie ? » Pour ces éleveurs, comme pour leurs voisins venus en nombre, c'est une aberration, et ça ne correspond pas avec le type d'élevage de ce territoire. Et de citer d'autres complications : les problèmes de cohabitation entre les patous et les randonneurs nombreux sur le chemin de Compostelle qui traverse la Margeride, le coût des patous et les nuisances avec le voisinage, le gibier qui détruit régulièrement les filets…
Sans apporter « LA » solution, Claude Font propose une aide spécifique, avec une « brigade d'ouvriers » dixit le préfet Celet, pour aider à l'installation des filets sur les exploitations. Administration et profession ont budgété l'emploi de deux équivalent temps plein pour intervenir en appui aux éleveurs qui le souhaiteraient. Les modalités d'embauches sont encore à définir. De son côté, le préfet Celet s'engage à aller chercher du financement.
Définir des parcelles non protégeables
Autre mesure, la non protégeabilité de certaines zones. Attention, il n'est pas question de sanctuariser un département ou une petite région, mais bien de définir, au cas par cas, sur une même exploitation, des parcelles jugées non protégeables. Dans un premier temps, il est acté de réaliser un diagnostic de vulnérabilité à l'échelle départementale, puis d'affiner au niveau des exploitations. Ce diagnostic va permettre d'identifier des parcelles jugées non protégeables en tenant compte de divers critères : topologie, pente, proximité de chemins de randonnées, de cours d'eau, éloignement… Jean-Paul Celet insiste : « Il n'y a pas d'élevage intégralement non protégeable, mais on peut considérer que pour partie, une exploitation est non protégeable ». Et de préciser : « Notre approche est techno-économique, on ne peut pas vous demander d'équiper l'intégralité de vos parcelles ».
La finalité de cette mesure est très importante, selon Claude Font. Comme il l'a dit et redit « sans protection, pas de tir de défense, sauf si cette reconnaissance de non protégeabilité est effective. Dans ce cas, le tir de défense sera permis ». À l'issue de cette journée de travail, le Jean-Paul Celet est reparti avec pour mission de trouver des financements et continuer à travailler sur les autres axes du plan loup, et la profession s'est engagée à créer un groupe de travail avec la DDT, les organisations qui gravitent autour de l'élevage ovin et celles en charge de l'emploi, pour mettre en place au plus vite cette brigade d'intervention en appui aux éleveurs et réaliser les diagnostics de vulnérabilité. Le chantier est ouvert, et un calendrier préétabli
Suzanne Marion
Arrêté du 21 février 2024
Un arrêté du 21 février 2024 fixe les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup (Canis lupus), en vue de la prévention de dommages importants aux troupeaux domestiques.
Jean-Paul Celet, Le préfet coordonnateur du plan national loup, a présenté les grandes lignes de cet arrêté.
. Dans le cadre de la connaissance et la conservation de l'espèce, le plan engage une étude pour demander le changement de statut du loup dans la Convention de Berne et la Directive habitat.
. Des crédits supplémentaires - crédits d'État en plus de la Pac - seront dédiés aux moyens de protection des troupeaux.
. Les modalités de tirs ont aussi évolué. Aujourd'hui, pour le tir de défense simple, est autorisé un tireur pour un troupeau. Désormais, il sera possible de mobiliser deux tireurs voire trois par lots de brebis, et non par troupeau. Les conditions de tirs sont aussi facilitées avec une lunette à visée nocturne réservée aux louvetiers et agent de l'OFB. Les éleveurs et chasseurs pourront s'équiper de caméras thermiques.