ASSEMBLÉE GÉNÉRALE
La surcharge administrative au cœur des débats
Comment un jeune plein d’ambitions peut voir son enthousiasme miné par l’administratif. C’est le thème choisi cette année par le canton de Tournon, organisateur de l’assemblée générale de Jeunes agriculteurs (JA) Ardèche, qui s’est tenue vendredi 23 février à Saint-Jean-de-Muzols.
Derrière une ambiance conviviale ponctuée d’éclats de rire de la part de jeunes agriculteurs heureux de se retrouver, l’heure est grave et la détermination sans faille.
Les mobilisations du mois dernier sont encore dans tous les esprits. Elles ont eu le mérite de mettre en lumière les difficultés du quotidien, rencontrées sur les exploitations ou lors du parcours à l’installation. Parmi les embûches, le volet administratif. S’il faut un an pour concrétiser un projet, les obstacles commencent dès le premier rendez-vous administratif pour le ou la futur(e) jeune installé(e). Chambre d’agriculture, DDT, rendez-vous Certiphyto, juriste, banques… De quoi faire tourner la tête d’un jeune prêt à se lancer avec enthousiasme.
« J’étais agricultrice, je suis maintenant responsable qualité »
La demande de simplification et l’allègement des tâches administratives et normes, sont à la proue des revendications remontées jusqu’au sommet de l’État. Nathalie Soboul, présidente de Jeunes agriculteurs (JA) Ardèche, témoigne de « l’incohérence et du non-sens administratif au quotidien. Par exemple, pourquoi un éleveur doit justifier d’un CAPTAV 1 pour transporter ses bêtes alors qu’il n’en a pas besoin s’il se déplace à un concours ? », interroge-t-elle. « Idem pour le contrôle de la salmonelle effectué sur la fiente et non les œufs comme partout en Europe. Le métier d’agriculteur fait rêver, mais l’on passe désormais plus de temps derrière un bureau qu’au contact avec la nature », reprend la présidente.
« J’étais agricultrice et maintenant, je suis responsable qualité », s’insurge de son côté Anaëlle Berne, productrice d’œufs bio à Bozas. « Je produis des œufs qu’il faut laver plus blanc que blanc, on en peut plus, nous ne sommes pas rémunérés à notre juste travail », martèle la jeune agricultrice, désenchantée, pendant qu’un autre agriculteur renchérit : « Pour renouveler le Certiphyto, il faut aller sur deux plateformes ».
Pour Jocelyn Dubost, président de JA Aura, « l’administratif doit rester simple. Le temps non passé derrière un bureau, c’est un temps pour développer nos fermes et faire évoluer nos pratiques ». Sylvain Bertrand, membre du bureau et du conseil d’administration JA, intervient : « Le problème, c’est que nous n’avons pas assez de revenus à mettre dans le secrétariat, car il y a de l’administratif dans de nombreux métiers ».
Une des solutions évoquée par l’assemblée serait de mettre en place un guichet unique « vu que nous avons affaire à de nombreux organismes publics ». Sophie Barthelon, directrice adjointe de la DDT annonce que le guichet unique « est une des mesures majeures mise à l’ordre du jour du CSO (Conseil supérieur d’orientation) ». À l’échelle du département, concernant la simplification, « la préfète va réunir les OPA et syndicats pour avancer sur les dossiers identifiés ».
Des retards de paiements en pagaille
D’autres agriculteurs prennent la parole, notamment pour dénoncer les délais de paiement de la Pac et prendre à partie la DDT. « Cela m’a posé des soucis de trésorerie, comment ça va se passer pour ma comptabilité avec tous ces paiements échelonnés ? », lance un agriculteur dans l’assemblée. Sophie Barthelon conseille aux agriculteurs d’appeler la DDT et de voir au « cas par cas ». Même si les retards de paiement ont semé la confusion, la directrice adjointe tient à souligner le « bilan positif, cette année, pour la ferme Ardèche ».
De son côté, concernant la DJA, Gaëtan Mouthon, secrétaire général de JA 07, affirme qu’il n’est « pas normal qu’une DJA n’arrive pas dans les trois mois, c’est une aide à la trésorerie, il y a trois commissions à la DJA, il faut donc être vigilant en permanence ». Clément Coing, agriculteur sur le plateau du Coiron, conclut le débat sur le volet administratif : « Recevoir une subvention les années suivantes, ça n’a pas de sens ».
Egalim, loup et photovoltaïque
Concernant la loi Egalim, Jocelyn Dubost, est formel : « L’une des premières choses à réformer, c’est l’option 32 qui est une contrainte. Il faut renforcer l’observatoire des prix et des marges, ainsi que les sanctions. Les industriels doivent être davantage contrôlés, il est grand temps que cette loi punisse ». En réponse, La DDT promet un doublement des contrôles pour l’année 2024. « En Ardèche, sur 75 établissements contrôlés, un tiers était en anomalie en 2023. » Jocelyn Dubost ajoute qu’il faut « faire une loi pour intégrer la possibilité aux producteurs locaux de fournir la restauration collective ».
Un autre sujet abordé lors de l’assemblée concerne le Plan Loup. Les agriculteurs souhaitent que l’État mette les moyens sur le PNA. « Les demandes sont simples et légitimes, l’élevage en plein air est en danger », résume Jocelyn Dubost. Clement Coing revient, quant à lui, sur le sujet du photovoltaïque. « On ne veut pas que l’Ardèche devienne un centre de fabrication d’énergie », affirme-t-il. Jocelyn Dubost réaffirme la position des JA : « L’agrivoltaïsme peut avoir un avantage en arboriculture notamment, mais au stade d’essai. Nous ne voulons pas du photovoltaïque au sol. Une terre doit rester agricole », insiste le président de JA Aura.
Les Jeunes agriculteurs qui se sont fortement investis lors des mobilisations de janvier-février attendent des réponses concrètes, pour pouvoir continuer à garder le cap et à cultiver une vision d’avenir. « Nous souhaitons produire pour tous les Français, car la puissance d’un pays passe par les hommes et les femmes qui fabriquent l’alimentation », conclut Jocelyn Dubost.
Marine Martin
1. Certificat de transport des animaux.
2. Egalim : pour une meilleure transparence tarifaire, dans le cadre de l’option 3, lors de la négociation générale, le fournisseur doit faire intervenir un tiers indépendant et remettre une attestation supplémentaire, pour prouver que l’évolution de son tarif ne résulte pas de la variation du prix des matières premières agricoles.
OPA & élus
Henry Jouve, président de la MSA : « Il y a des améliorations à faire, mais on ne peut pas communiquer les infos de tout le monde, il y a des règlements. La MSA, on y est de la naissance, jusqu’à la mort. »
Mutualia : « Nous avons une offre dédiée aux JA avec un guichet unique : une dépense, un remboursement. »
Cristel Cesana, présidente de la FDSEA : « La valeur n’attend pas le nombre d’années, je vous félicite pour la force d’engagement dont vous avez fait preuve lors des manifestations. Nous avons fait remonter des mesures de simplification qui pourraient être faites pour que l’on puisse tenir le coup. »
Benoit Claret, président de la chambre d’agriculture de l’Ardèche : « Il faut reprendre la main sur Egalim. L’agriculture est la seule profession où l’on négocie le prix sorti d’usine indexé sur les autres produits mondiaux. »
Olivier Amrane, président du Département : « Nous avons fait le choix de doubler le prix de l’assiette de nos cuisiniers en restauration collective. Nous sommes passés de 25 % à 52 % d’approvisionnement local dans nos collèges. »
Laurence Heydel Grillère, députée de la 2e circonscription de l’Ardèche : « La France est le pays de la sur-norme. Pour Egalim, plus de 1 400 contrôles ont déjà eu lieu depuis le début des actions cela montre qu’il peut y avoir une prise de conscience. »
Fabrice Brun, député de la 3e circonscription de l’Ardèche : « Dans la loi d’orientation agricole, il faut un régulateur qui protège les agriculteurs avec un prix qui prend en compte les coûts de productions. »
Ce qui a été annoncé au SIA
Suite à la venue d’Emmanuel Macron au Salon international de l’agriculture, plusieurs mesures ont été énoncées. Les JA de l’Ardèche sont particulièrement attentifs à ce qui a été affirmé samedi par le chef de l’État. Concernant la simplification et le volet administratif, le président de la république promet d’unifier les contrôles pour réduire leur nombre ainsi qu’une reconnaissance du « droit à l’erreur ». Pour cet été, une nouvelle version de loi Egalim est à l’étude.