PROFESSION
Les salariés du para-agricole, des alliés des agriculteurs

Alors que les métiers de l’agriculture se complexifient, les professionnels du para-agricole mettent leurs compétences au service des agriculteurs, dans un souci de production, de développement technique ou encore de réduction de leur impact environnemental.

Les salariés du para-agricole, des alliés des agriculteurs
Les métiers para-agricoles deviennent indispensables, à mesure que le monde agricole se complexifie et que l’activité se densifie au sein de chaque exploitation. ®CA59

Les métiers du para-agricole représentent une large palette de professions et de domaines d’expertise, qui ne sont pas directement liés à la production elle-même. Qu’ils soient conseillers, techniciens, ingénieurs ou encore juristes, ils ont fait le choix d’accompagner les agriculteurs, et sont souvent indispensables aux activités agricoles. Et pour cause : l’agriculture s’est complexifiée, les agriculteurs sont de moins en moins nombreux sur leur exploitation et doivent gérer, parfois seuls, bon nombre de domaines d’activité.

Un soutien nécessaire

Nicolas Drouzy, conseiller en arboriculture à la chambre d’agriculture Savoie Mont-Blanc, travaille depuis quinze ans aux côtés des agriculteurs : plantation, conseils phytosanitaires, gestion des récoltes, il les accompagne dans toutes les étapes de la production. Depuis quelques années, le suivi individuel est davantage sollicité : « Au fil du temps, l’arboriculture s’est beaucoup diversifiée, surtout dans nos régions. Les arboriculteurs sont commerçants, chefs d’entreprise, gestionnaires… Ils ont donc besoin de déléguer. Le métier se complexifie, les réglementations se multiplient, les solutions techniques sont de plus en plus spécifiques et de moins en moins efficaces ». D’autre part, ces exploitants sollicitent davantage les services des conseillers pour les accompagner car il est difficile de recruter. « En hiver, je forme du personnel à la taille. Les arboriculteurs manquent de main-d’oeuvre et ont du mal à recruter ou à trouver des chefs de cultures formés », explique Nicolas Drouzy. Il affirme également que les médias jouent un rôle incontestable dans l’image de l’agriculture. « La filière va mal. Elle est malmenée par les médias, mais aussi beaucoup par la population en général. » Les agriculteurs mettent donc toutes les chances de leur côté pour développer leur production par le biais de nouvelles techniques, de conseils, ou grâce à des ingénieurs spécialisés.

La technique au service du développement agricole

« Le secteur de l’agriculture est un de ceux qui évoluent le plus, il y a quatre-vingts ans on labourait la terre avec des chevaux et maintenant on fait voler des drones au-dessus des parcelles. » Pour Alan Usseglio Viretta, ingénieur agronome et cofondateur du site exo.expert, les agriculteurs ont besoin de soutien pour faire évoluer leurs systèmes. À son niveau, il propose l’utilisation de drones. L’objectif : réduire l’utilisation d’engrais en observant les parcelles pour identifier leurs besoins au mètre carré près, ou encore déterminer les meilleurs moments pour semer, en quantité adaptée, aux endroits nécessaires. L’éclosion de nouvelles solutions innovantes
permet aux agriculteurs d’optimiser leur production, et de réduire les prises de risque. Alan Usseglio Viretta regrette le manque d’aide et d’outils opérationnels en agriculture, ce qui oblige les exploitants à mettre en danger leurs récoltes : « Il y a beaucoup de recherche, certes, mais cela s’arrête malheureusement souvent à la frontière des essais. Beaucoup d’agriculteurs prennent le risque de mettre eux-mêmes des parcelles en test, au risque de faire les mauvais choix et donc de perdre de la production. Ils souhaitent faire évoluer leur système, mais très souvent, ils sont assez seuls ». Au-delà de cet isolement, les agriculteurs subissent de nombreux changements environnementaux, économiques, avec lesquels ils doivent composer tout en menant de front leurs activités et pour les aider ils peuvent compter sur les professionnels du para-agricole.

Un relationnel primordial

Laurine Gardette, inséminatrice depuis un an et demi en région lyonnaise, témoigne du besoin pour les éleveurs de comprendre les enjeux scientifiques qui se cachent derrière de potentiels problèmes de reproduction. « Aujourd’hui, les éleveurs ne nous appellent pas seulement pour inséminer, ils sont en demande d’explications et de conseils. Il est vrai qu’auparavant on inséminait sans trop réfléchir, aujourd’hui on utilise beaucoup l’échographie pour surveiller la gestation ou comprendre pourquoi une insémination n’a pas fonctionné. » Un aspect technique indispensable à de nombreux éleveurs, qui nécessite un lien de confiance entre les deux parties. « J’ai toujours aimé le monde agricole, c’est pour ça que je fais ce métier : l’échange avec les éleveurs est particulièrement agréable et établir un lien de confiance est fondamental », relate-t-elle. En effet, les agriculteurs mettent leur confiance entre les mains de ceux qui les aideront à maintenir à flot leur exploitation. Les métiers para-agricoles semblent devenir presque indispensables, à mesure que le monde agricole se complexifie et que l’activité se densifie au sein de chaque exploitation.

Charlotte Bayon

Sous-traitance : un essor remarquable
Selon le recensement général agricole de 2020, 56 % des exploitants agricoles ont recours à des prestations de services et l’appel à une ETA a augmenté de 40 % en dix ans. © Terra
TRAVAUX AGRICOLES

Sous-traitance : un essor remarquable

Entre 2010 et 2020, le recours des exploitations à une entreprise de travaux agricoles a bondi de 40 %. Un phénomène émergent encore très peu étudié selon les sociologues Geneviève Nguyen, François Purseigle, Julien Brailly et Melvin Marre qui se sont penchés sur la question.

Depuis le début des années 2000, la sous-traitance des travaux agricoles connaît un « essor remarquable », aux dires de Geneviève Nguyen, François Purseigle, Julien Brailly et Melvin Marre qui se sont penchés sur ce phénomène en 2022. Même si, selon eux, la main-d’oeuvre externe provenant d’entreprises de travaux agricoles (ETA), de coopératives d‘utilisation de matériel agricole (Cuma) et de groupement d’employeurs ne constitue que 4 % des apports de travail des exploitations, le volume de travail correspondant (en unités temps annuelles ou UTA) a pratiquement quadruplé entre 2010 et 2016 passant de 8 000 à 29 760 UTA. Une observation corrélée par le dernier recensement général agricole (RGA) de 2020. Ce dernier révèle, en effet, que 56 % des exploitants agricoles ont recours à des prestations de services et que l’appel à une ETA a augmenté de 40 % en dix ans. Si autrefois la sous-traitance était principalement utilisée par les plus petites entreprises par manque de moyens matériels et humains, aujourd’hui, selon les sociologues, il existe une véritable pluralité d’agriculteurs qui sous-traitent.

Pluralité des profils

En effet, « la forte progression globale du nombre d’exploitations sous-traitant de façon notable entre 2000 et 2016 est essentiellement due aux moyennes et grandes entreprises ». Selon le dernier recensement général agricole, en 2020, 28 % des micro-exploitations en ont eu l’usage et 77 % des grandes exploitations. « Ces prestations ont très majoritairement porté sur tout ou partie des productions végétales (par exemple pour l’épandage ou la récolte) : celles-ci concernent 55 % des exploitations. Certaines autres prestations ont impliqué des actes techniques liés aux ateliers d’élevage (7 % des exploitations y ont eu recours). Les spécialisations ayant le plus recours à des prestataires sont les élevages de bovins lait (85 % de ces exploitations) et bovins mixte (75 %) », précise le RGA. La sous-traitance, concernant notamment les semis « que l’on peut considérer comme l’identité du métier d’agriculteur », est un indicateur selon les quatre sociologues « de mutations profondes qui caractérisent l’exercice du métier d’agriculteur ».

Délégation intégrale

Autre fait marquant pour les sociologues : le développement de la délégation générale. Si cette dernière était confidentielle au début des années 2000, elle a été depuis adoptée par au moins 7 % des exploitations toutes productions confondues. Les exploitations en grandes cultures étant les plus impliquées. En 2016, 26 500 exploitations pratiquent la délégation intégrale, soit au moins 500 000 hectares de surface cultivable confiés à des prestataires. Les principales raisons évoquées par les agriculteurs pour avoir recours à cette pratique sont les contraintes de temps, des objectifs stratégiques, l’accès à des ressources matérielles spécifiques et la réduction des coûts de production. Toutefois, si les premières données chiffrées sur la sous-traitance en agriculture commencent à émerger, Geneviève Nguyen, François Purseigle, Julien Brailly et Melvin Marre nuancent les choses. Ils soulignent : « Si notre étude suggère des changements majeurs dans les pratiques de sous-traitance et, avec ceux-ci, une rupture profonde de la manière dont les chefs d’exploitation organisent le travail dans leur entreprise et exercent leur métier, leur quantification reste limitée du fait de l’absence actuelle de données statistiques permettant de les appréhender dans leur complexité ».

Marie-Cécile Seigle-Buyat

Sources : RGA 2020 et La sous-traitance des travaux en France : une perspective statistique sur un phénomène émergent de Geneviève Nguyen, François Purseigle, Julien Brailly et Melvin Marre.

Sébastien Boulogne : “ On lui fait 100 % confiance ”
Sébastien Boulogne, éleveur à Vendenesse-sur-Arroux (Saône-et-Loire). © DR
TÉMOIGNAGE

Sébastien Boulogne : “ On lui fait 100 % confiance ”

Sébastien Boulogne, installé depuis 2007 en élevage allaitant à Vendenesse-sur-Arroux (Saône-et-Loire), a choisi l’insémination pour son élevage et collabore depuis plusieurs années avec des experts pour le suivi sanitaire, génétique et nutritionnel de son troupeau.

« Notre élevage comporte actuellement 205 vaches allaitantes (charolaises) en gestation. Nous avons une exploitation familiale qui se transmet depuis plusieurs générations. Au début, nous avions une centaine de vaches que l’on faisait se reproduire avec des taureaux : on faisait 20 à 25 césariennes par an. Aujourd’hui, sur plus de 200 vaches, nous n’en pratiquons que trois ou quatre », raconte Sébastien Boulogne. En effet, l’insémination artificielle est devenue l’unique méthode de reproduction utilisée sur le troupeau. Pour cela, l’éleveur travaille aux côtés d’un inséminateur qui l’accompagne dans toutes les étapes de la reproduction. « Ça nous a apporté énormément de performances, on ne s’attendait pas à un suivi aussi complet de la reproduction », poursuit-il. D’après l’éleveur, cette collaboration a largement contribué à l’évolution de son exploitation, mais elle n’est pas la seule : une part nécessaire du travail d’éleveur consiste à surveiller la santé des vaches et leur alimentation. Cette dernière influe sur leur facilité à procréer, sur leur comportement. Pour cette raison, cela fait huit ans que Sébastien et son frère collaborent avec un nutritionniste indépendant et s’en trouvent très satisfaits : « On est très contents des performances : il nous aide pour la transition alimentaire, pour les rations, les fourrages, les ensilages, l’objectif étant d’acheter le moins possible d’éléments industriels. On lui fait 100 % confiance, les vaches sont en forme, ce qui facilite aussi l’insémination artificielle. Si tout ça fonctionne, il y est vraiment pour quelque chose ». Sébastien ne tarit pas d’éloges à propos de ces deux collaborations, mais derrière ces performances, ce sont d’excellentes relations et une grande confiance qui règnent.

Une délégation basée sur la confiance

« On a de très bons rapports avec eux, on est dans un état d’esprit très familial », estime l’éleveur. Plus qu’une stricte relation professionnelle, Sébastien et sa famille tissent un lien de confiance important avec ses collaborateurs du para-agricole. « On n’a même pas besoin d’être sur place. Je note sur un tableau les objectifs à atteindre, les informations nécessaires et l’inséminateur s’occupe du reste, on gagne énormément de temps. » Idem pour le choix des taureaux pour la reproduction par insémination : « Il connaît nos attentes, je ne suis pas un expert en génétique et je n’ai pas vraiment le temps de m’en occuper », assure Sébastien. Il en va de même pour le nutritionniste qui compose lui-même les rations alimentaires des vaches. En effet, la dose de travail en élevage est très importante, d’autant plus que la main-d’oeuvre se fait de plus en plus rare. « On a deux salariés à temps plein, ma mère participe et mon père également même s’il est à la retraite. C’est de plus en plus compliqué de trouver du personnel bien formé et dans un bon état d’esprit. Et on a de plus en plus de travail. » L’éleveur travaille également pour plus de 300 clients agriculteurs, qui sollicitent des prestations tout au long de l’année. « Cet après-midi, on a quatre presses qui tournent, on s’occupe des foins de tous nos clients. Fauche, pressage, enrubannage, moisson, ensilage… Il n’y a pas de périodes creuses, nous sommes toujours occupés. » Sébastien compte donc tout particulièrement sur les techniciens et professionnels du para-agricole pour l’aider à gagner en performance, pour le conseiller et libérer du temps dédié à d’autres activités. L’important, c’est une passion commune et partagée, de bonnes relations, 100 % de confiance et un regard dans la même direction. Autant de liens qui confèrent aux professionnels du para-agricole une place de choix auprès des agriculteurs et un soutien incomparable.

Charlotte Bayon

EN CHIFFRES / Les métiers para-agricoles

6 000

C’est le nombre de conseillers des chambres d’agriculture qui oeuvrent chaque jour au service de l’agriculture selon Chambres agriculture France.

30 422

C’était l’effectif permanent du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation en 2019, selon le dernier bilan social du ministère.

+ 7 000

C’est le nombre de collaborateurs du réseau Éliance, fédération des entreprises de conseil et service en élevage de ruminants en France en 2022. Parmi eux, il y a 2 200 inséminateurs et 1 200 conseillers.

+ de 102 000

C’est le nombre de salariés employés par une des 21 500 entreprises de travaux agricoles ruraux et forestiers en 2021, en France, selon la Fédération nationale des entrepreneurs des territoires (FNEDT).

190 000

C’est le nombre de salariés (filiales incluses) au sein de La Coopération agricole.

6 520

C’est le nombre de vétérinaires d’animaux de rente, selon l’Atlas démographique de la profession vétérinaire 2022.

15 000

C’est le nombre de salariés pour le secteur de la nutrition animale, selon l’organisation professionnelle qui représente l’industrie de la nutrition animale, le Snia.

13 700

C’est le nombre d’experts revendiqués par le réseau CerFrance.

35 000

C’est le nombre de salariés qui travaillent au sein d’une entreprise de services, distribution et de location du machinisme agricole, d’espaces verts, des métiers spécialisés, selon le Sedima, l’organisation professionnelle qui regroupe l’ensemble de ces entreprises.

27 530

C’est le nombre de salariés qui travaillent pour l’industrie des agroéquipements, selon Axema, le syndicat français des acteurs industriels de la filière des agroéquipements et de l’agroenvironnement.

450

C’est le nombre de journalistes professionnels de terrain qui travaillent pour la presse agricole et rurale en France, selon son syndicat national, SNPar.

Liste non exhaustive