ABRICOT
Un début de production positif malgré la concurrence et les aléas climatiques

La saison de l’abricot est lancée en Ardèche. Les producteurs du territoire dressent un premier bilan plutôt positif, malgré la concurrence des marchés et les aléas climatiques parfois ravageurs.

Un début de production positif malgré la concurrence et les aléas climatiques
Des abricots grêlés après tri. Crédit photo Benoit Nodin

Édith Cabello, arboricultrice à Saint-Marcel-d’Ardèche, produit 10 hectares d’abricotiers, mais également de la cerise, des pommes, poires, kiwis, pêches, figues et coings. Une diversité de production qui va de pair avec une diversité de circuits de commercialisation. Concernant ses abricots, Édith Cabello les vend en Angleterre, mais aussi à Rungis, en vente directe, via les GMS et la restauration collective.

« On a eu un très bon début de saison »

« Cette année, au début de la saison, l’abricot français marche bien, le prix est correct, il y a plus de demandes que d’offre dans mon secteur. Rien ne nous reste sur les bras », note l’arboricultrice. Un sentiment jusqu’alors partagé par un autre producteur, Oliver Fraisse, installé à Saint-Jean-de-Muzols, cultivateur entre autres productions de 5 ha d’abricotiers. « On a eu un très bon début de saison ». Une des raisons avancées par l’arboriculteur est la baisse de la concurrence de pays comme l’Espagne qui a subi de plein fouet « la sécheresse, voire la canicule, mais aussi le gel ». De son côté Édith Cabello, avance une autre raison concernant le bon départ de la saison de l’abricot : « Les producteurs espagnols ont monté leur tarif. Ils se sont alignés sur notre Smic horaire et les impôts ont grimpé, ce qui fait que le prix de la matière première également. Il y a désormais peu de différence de prix. Je remarque que le consommateur se tourne alors davantage vers des produits français ».

Cependant, le producteur de Saint-Jean-de-Muzols nuance en ajoutant : « le marché en cette fin juin se tend, avec l’afflux d’abricots espagnols, mais aussi provenant du sud de la France ». Un phénomène corroboré par l’arboricultrice de Saint-Marcel-d'Ardèche : « Il est vrai que j’ai remarqué ces derniers jours, que la récolte est encore dans les arbres. Le marché se complique. Pour l’instant, je ne suis pas impactée, car j’ai arrêté la récolte étant entre deux variétés ». De plus, Édith Cabello n’oublie pas que « l’Espagne a droit aux lacs collinaires, donc les fruits arrivent encore. Ils ont su se protéger de la sécheresse ». Le pays demeure un concurrent majeur pour le marché français de l’abricot.

Pour la productrice, Il est difficile de prévoir comment va évoluer le marché du fruit orangé dans les prochaines semaines. D’ailleurs, le public touristique a également un rôle à jouer. « Quand les personnes sont en vacances, il y a une faible consommation, les touristes achètent ce dont ils ont besoin au jour le jour. Du 14 juillet au 15 août, le marché se complique. C’est une consommation différente ».

Des variétés plus robustes

Malgré l’incertitude sur la suite de la production, il est à noter que le bon départ de la production d’abricots s’explique en outre, par le choix des variétés. « Il y a une entrée en production de variétés qui donnent mieux », constate Olivier Fraisse. Édith Cabello, ajoute : « Concernant les variétés précoces, les quantités n’étaient pas au rendez-vous, mais plus la saison avance, plus on arrive avec des variétés davantage productives et irriguées ». Quant à Benoit Nodin, arboriculteur sur les hauteurs de Saint-Péray, il met l’accent sur l’agriculture performante développée notamment à l’aide de la recherche et d’instituts comme l’Inrae. « Pour l’abricot, nous avons un gros panel de variétés avec une qualité gustative magnifique. Je peux changer de variété en 8 jours. J’ai 20 variétés, étalées sur deux mois. On peut s’éclater en agriculture ! », s’enthousiasme-t-il. « On commence par la variété précoce Monabri, on enchaîne avec Sefora, Ilona et Orangered. Fin juin, il y a la Lady Cot, Bergeval, et la variété Nelson Madrigal », énumère-t-il avec passion. « C’est pour étirer la production jusqu’à mi-août et alimenter la clientèle. Ce sont des arbres qui produisent davantage, qui sont plus costauds face aux chaleurs et craignent moins l’oïdium grâce à la recherche variétale. »

Une insécurité de production liée aux aléas climatiques

Si les arboriculteurs essaient de s’adapter au changement climatique à travers la diversification des variétés produites, ils restent néanmoins sous la menace des aléas liés à l’environnement.

Benoit Nodin en sait quelque chose. Sur ses 4,5 ha d’abricots, un orage de grêle extrêmement ciblé s’est abattu sur son verger situé sur les hauteurs de Soyons, il y a une quinzaine de jours. « On avait une belle production devant nous et j’ai eu 3 ha d’abricots grêlés. Seul un hectare et demi de jeunes plantations n’a pas été touché. » La conséquence ne s’est pas faite attendre, aux prémices du lancement de la saison de l’abricot. « Les conséquences, ce sont des frais plus importants (notamment de main-d’œuvre pour trier et ramasser) et une moindre valorisation du produit. Il y a davantage d’abricots qui vont passer en transformation ou sinon resteront par terre. Heureusement que l’on peut compter sur nos magasins de producteurs avec lesquels on travaille depuis 4 à 5 ans. On enlève les plus abîmés et on les vend en catégorie 2. » De son côté, Édith Cabello a dû « arracher 8 ha d’abricotiers de variétés précoces non irrigués sur les coteaux du village, car il n’y a pas eu d’eau et à cause des intempéries ».

Pour lutter contre les aléas climatiques, Benoit Nodin s’est équipé d’un système de lutte contre le gel, à l’aide de deux éoliennes. « J’ai investi pour le gel. Concernant la grêle, en 20 ans, on a eu deux ou trois épisodes de cette intensité. Vu que le système des calamités agricoles n’est plus d’actualité, on est sur un système assurantiel, cette année j’ai fait l’effort de m’assurer, pour que l’assurance prenne en charge les frais de récolte supplémentaires, mais je suis en attente pour avoir un accompagnement. Une solution efficace serait la pose de filets mais économiquement ce n’est pas tenable, il faudrait investir dans des nacelles. »

Au-delà des aléas climatiques, Benoit Nodin pointe plus généralement les problématiques auxquelles les agriculteurs font face. « Nous avons une production agricole magnifique, mais nous rencontrons des difficultés handicapantes : la main-d’œuvre est de plus en plus difficile à recruter, tout ce qui concerne l’environnement de travail aux niveaux politique, économique et social, ajoute un poids qui peut parfois peser. Même si je n’envisage pas d’arracher des hectares, nous devons empêcher ces obstacles de détruire toute notre histoire agricole. »

Marine Martin

Abricots grêlés pour la confiture. Les moins valorisés. Ils sont vendus en catégorie 2. Crédit photo Benoit Nodin
Une lettre ouverte aux distributeurs
AOP PÊCHES ET ABRICOTS DE FRANCE /

Une lettre ouverte aux distributeurs

« Nous avons fait passer une lettre aux distributeurs pour leur rappeler de mettre en adéquation leur propos sur la défense des produits français qu’ils déclarent privilégier et leurs actions », annonce le président de l’AOP Pêches et abricots de France, Bruno Darnaud. « Nous ne sommes pas contre les opportunités, lorsque le distributeur en a besoin. Cependant, il ne faut pas confondre une opportunité et le marché économique. Il n’y a actuellement aucune raison, pour que les distributeurs effondrent les prix, ni pour faire venir des abricots espagnols, à part, pour faire de la marge. Puisque malgré une augmentation de la matière première espagnole, celle-ci reste moins chère pour les distributeurs. Le marché actuel est bon et la consommation correcte. Si on passe cette vague, je suis plutôt confiant pour la suite de la saison, il n’y a pas d’affolement », analyse Bruno Darnaud.