CÔTES DU RHÔNE SEPTENTRIONALES
Traitement des vignes par drone : « De très nombreux bénéfices en coteaux »

Mylène Coste
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Depuis 2020, la Chambre d’agriculture de l'Ardèche expérimente la pulvérisation par drone des produits phyto sur les vignes de fortes pentes. Les premiers résultats, plutôt encourageants, ont été présentés aux élus et services de l’État le 19 juillet.

Traitement des vignes par drone : « De très nombreux bénéfices en coteaux »
En 2021, les essais ont été conduits avec un drone d’1,80 mètre d’envergure, pesant 10 kg (15 avec batterie) et possédant une cuve de 10 litres (soit 25 kg au total), et dont le réservoir amovible facilite les manipulations. Selon Loïc Saura, de la société Drone Vision Pro basée à Montpellier, l’autonomie est « d’un jeu de batterie pour deux remplissages ».

Au petit matin du 19 juillet, un drone a survolé les vignes sur échalas du Domaine Clape, à Cornas, pour une démonstration de pulvérisation. Depuis 2020, la Chambre d’agriculture de l’Ardèche conduit un essai expérimental1 qui s’inscrit dans un projet national (voir ci-contre). 

Plus de régularité, moins de déperditions

« Le traitement des vignes par drone présente différents avantages, et en premier lieu celui de la régularité, indique Olivier Clape, vigneron participant aux essais. La pulvérisation se fait d’en haut, elle est plus ciblée et semble mieux répartie qu’avec un traitement à dos. » Un avis partagé par Sébastien Michelas, lui aussi vigneron : « La pulvérisation par drone est moins aléatoire qu’à la main. Ici, la parcelle est cartographiée et l’application automatisée, avec une qualité régulière. » Pour l’heure, les essais réalisés se limitent à comparer les traitements à dos / avec drone, avec des doses et des conditions d’applications équivalentes. Mais il est probable que le traitement par drone, qui limite les déperditions, permette aussi de réduire les doses de produits appliquées. « C’est l’étape suivante ! », affichent à l’unisson les appellations des Côtes du Rhône septentrionales2.

Autre avantage du drone : le gain de temps ! Les premières données de l’expérimentation montrent en effet qu’il faut environ 6 h /ha pour une personne pour traiter les parcelles les plus difficiles avec un atomiseur à dos ; avec un drone, le temps est réduit à environ 1 h/ha (plus ou moins selon la topographie de la parcelle). 

Une démonstration de pulvérisation par drone dans les coteaux de Cornas a permis de convaincre les élus des bénéfices de cette technologie.
Une démonstration de pulvérisation par drone dans les coteaux de Cornas a permis de convaincre les élus des bénéfices de cette technologie.

Le drone pour diminuer la pénibilité au travail

C’est sans parler des difficultés à trouver du personnel qui accepte de réaliser le travail de traitement à dos. « Entre la pente et la chaleur, c’est un travail physique et pénible, souligne Olivier Clape. Et même si nous ne traitons qu’avec des produits bio, il faut des équipements de protection qui ne préviennent pas à 100 % l’exposition au produit, ne serait-ce que lorsqu’on enlève le masque pour boire de l’eau. » 

Une expérimentation, réalisée avec la MSA, vise d’ailleurs à évaluer les avantages de la pulvérisation par drone en matière de santé et sécurité au travail, et notamment d’exposition aux produits phyto (voir ci-contre). « Nous menons également un essai pour évaluer l’incidence de chaque technique sur le rythme cardiaque du vigneron, indique Laure Michel, conseillère en prévention à la MSA. Ils ont ainsi été équipés d’une montre qui enregistre les variations de la fréquence cardiaque au repos, puis en phase de travail. » La MSA travaille également à caractériser toutes les situations à risque, y compris pour le promeneur à proximité de la zone de traitement.

Si certains éléments restent à évaluer (Quelle qualité de l’aspersion par drone ? Protège-t-elle bien les parties inférieures de feuilles et les raisins ? etc.), les bénéfices de cette technique ne font guère de doute auprès des vignerons, qui espèrent aujourd’hui transformer l’essai avec une homologation.

Mylène Coste

1. Cette expérimentation est soutenue financièrement par la Région Auvergne Rhône-Alpes.
2. Saint-Joseph, Saint-Péray, Cornas, Crozes-Hermitage, Condrieu, Côte-Rotie, Hermitage.
Expérimentation : quel cadre ?

Expérimentation : quel cadre ?

Si l’épandage par drone reste interdit en France, la loi Egalim donne la possibilité d’expérimenter de manière dérogatoire, sur une période de trois ans, cette technologie. L’expérimentation, qui prendra fin en octobre 2021, s’inscrit dans un cadre national. Plusieurs partenaires y participent : l’IFV, le CTIFL, l’Institut technique tropical (pour une expérimentation sur bananeraies). En vigne, des essais sont menés en Alsace, dans le Beaujolais et en Ardèche (3 parcelles à Cornas et Saint-Jean-de-Muzols), en lien avec la Chambre d’agriculture. Ces essais sont réservés aux vignobles de forte pente (plus de 30 %) et exclusivement avec des produits bio ou d'exploitations certifiées HVE, et des drones de moins de 25 kg. En parallèle, un banc d’essai sur vigne artificielle est conduit à Montpellier, en plaine. L’objectif : obtenir des données permettant de qualifier le niveau de dérive et la qualité de la pulvérisation par drone, avec la perspective d’une autorisation si les essais s’avéraient concluants.

Santé au travail : « Avec le drone, on diminue l’exposition aux produits phyto »
Le traitement à dos nécessite un équipement lourd et onéreux.

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Dans le cadre de l’expérimentation, la MSA se penche sur les risques liés à l’exposition des salariés aux produits au moyen d’une expérience : « Tous deux équipés d’une combinaison, le droniste et le vigneron avec son pulvérisateur à dos ont traité la vigne avec la même quantité de produits, dans les mêmes conditions, explique Laure Michel, conseillère en prévention. Si le premier était peu tâché par le colorant (hormis autour des mains suite au remplissage), le second en était couvert (photo). Nous allons maintenant découper chacune des combinaisons en petits morceaux pour les analyser plus finement. Il s’agit aussi d’identifier les étapes, de la préparation de la bouillie au nettoyage du drone, durant lesquelles le salarié est davantage exposé aux produits phytosanitaires et sur quelles parties du corps. » Si cette analyse est encore en cours, de premiers constats s’imposent : l’exposition est bien moindre avec le drone !

Après un traitement à dos, la combinaison d'Olivier Clape était très tâchée par le colorant test ; bien davantage que le droniste après une pulvérisation par drone.
Après un traitement à dos, la combinaison d'Olivier Clape était très tâchée par le colorant test ; bien davantage que le droniste après une pulvérisation par drone.