MÉTIERS ANCIENS
Maréchal-ferrant, un métier qui a traversé les époques

Mylène Coste
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MÉTIERS ANCIENS / C’est un métier qui a presque disparu. Pourtant le maréchal-ferrant a longtemps occupé une place centrale dans les villages ruraux. Rencontre avec Maurice Misery, qui a pratiqué la ferronnerie à Éclassan pendant de longues années.

Maréchal-ferrant, un métier qui a traversé les époques
Maurice Misery a exercé le métier de maréchal-ferrant à Éclassan.

Dans la famille Misery, la ferronnerie est une longue tradition. « Elle a débuté dès 1868 avec mon arrière-grand-père Ambroise, puis s’est perpétuée avec mon grand-père Maurice, mon père Clément, puis est venu mon tour ! Au fil des ans, le métier a beaucoup évolué et les Ets Misery se sont adaptés aux changements. Aujourd’hui, l’histoire continue avec mon fils Jean. »

Né à Éclassan, Maurice Misery avoue « n’avoir jamais pensé faire autre chose que maréchal-ferrant ». Formé à bonne école auprès de son père, il a appris patiemment le métier et obtenu haut la main son CAP. « À l’époque, c’était un travail très pénible. Tout se faisait manuellement ! Mon grand-père fabriquait lui-même ses outils à la main, de la pioche à la bêche en passant par la hache. On découpait le fer à chaud, à la tranche. L’installation de l’électricité nous a changé la vie dans les ateliers, avec l’arrivée des ventilateurs, des meules et des perceuses. »

Un lien étroit avec les animaux d’élevage

Jusqu’aux années 1960, le ferrage des animaux occupait une place centrale du métier. « Nous ferrions les bœufs, les vaches, les chevaux, les mulets… Nous étions systématiquement deux : quelqu’un pour tenir le pied de l’animal, et le ferreur qui s’appliquait à tailler tout doucement la corne, puis à chauffer le fer dans la forge pour l’ajuster au sabot avant de le fixer avec des clous. » Un travail à la fois physique et délicat, qui demande de s’adapter à l’animal pour ne pas le brusquer. « Je n’ai jamais pris de coup de sabot, mais c’était parfois difficile avec certains animaux récalcitrants. Le métier demande d’avoir de bons réflexes, qui viennent avec l’habitude. Nous avions aussi un appareil pour ficeler les bêtes trop agitées. »

À cette époque, presque chaque village comptait son maréchal-ferrant. « Nous venions le consulter à la moindre question, et il y avait parfois la queue devant les Ets Misery, se souvient Maurice Ribes, ancien éleveur à Éclassan. » Outre la pose des fers, l’artisan réalisait aussi la tonte des animaux. Parfois, il remplissait même le rôle de vétérinaire : « Lorsqu’une bête se blessait ou boîtait, on nettoyait le pied et le sabot avec une rainette. Il fallait parfois percer l’abcès et brûler la plaie avec un fer chaud pour désinfecter, puis appliquer un peu de grésil sur la chair ».

Un métier bouleversé par la motorisation

Maurice Misery s’en souvient parfaitement : « En 1957, alors que j’étais en permission au village durant la guerre d’Algérie, une démonstration de labour avec plusieurs tracteur Mac-Cormick avait eu lieu à Eclassan : c’était le début de la motorisation. » Et le début d’une mutation irréversible du monde agricole. « Les animaux étaient peu à peu remplacés par les tracteurs. Il a fallu s’adapter, souligne Maurice Misery. Mon père avait déjà diversifié l’activité en fabriquant des bineuses, décavaillonneuses, charrues vigneronnes, et j’ai participé à ce travail. Nous faisions également de la serrurerie, puis de l’entretien des matériels adaptables à l’arrière du tracteur. Nous nous sommes aussi formés à l’entretien des installations de traite. Le ferrage des animaux s’est fait de plus en plus rare. »

Aujourd’hui, il reste très peu de maréchaux-ferrants dans les villages. En Ardèche, il se compte sur les doigts de la main.

Mylène Coste

ÉCLASSAN / Établissements Misery : une tradition qui se perpétue
L’ancien souffleur des Ets Misery, remplacé dans les années 1920 par le ventilateur à forge électrique.

ÉCLASSAN / Établissements Misery : une tradition qui se perpétue

Après une carrière durement menée, à laquelle se sont ajoutées diverses responsabilités au sein du conseil municipal d’Eclassan ou encore au sein des pompiers volontaires, Maurice Misery a fait valoir ses droits à la retraite. Il a passé le flambeau à son fils Jean, 5e génération des Ets Misery, qui a travaillé un temps avec son oncle Bernard. Plus intéressé par les équipements de ferme, Jean décide de céder la partie mécanique à la société Mécagri pour se consacrer pleinement aux installations de traite. Il commercialise aujourd’hui le matériel Delaval… Un fournisseur bien connu de la famille Misery, avec lequel il travaille depuis les années 1910 ! « À l’époque, les entreprises Alfa Laval vendaient notamment des écrémeuses », indique Maurice Misery. Un joli clin d’œil à l’histoire !