En Ardèche, la campagne 2023 de lavandin a été bonne. Une récolte qui risque d'être stockée par les producteurs, faute de marché.

Lavandin : un marché morose
En Ardèche, le lavandin grosso est notamment produit sur le plateau de Gras.

Jeudi 24  août, s'est clôturée la récolte du lavandin pour la soixantaine d'adhérents de la Cuma de Gras. Au total, plus de 39 tonnes de lavandins ont été coupées sur les quelque 600 hectares aux alentours puis distillées dans la foulée par les deux salariés de la Cuma. « On a terminé un peu plus tard que d'habitude en raison de pannes mécaniques chez certains adhérents, explique Francis Dumas, trésorier de la Cuma. Dans l'ensemble la récolte a été bonne avec des rendements supérieurs à ceux de 2022. » Pourtant, pour le trésorier et producteur de lavandin, la saison est loin d'être satisfaisante. « C'est une bonne saison... Malheureusement », lâche-t-il.

Les stocks s'accumulent

Le malheur, c'est celui de la surproduction. Dans l'entrepôt, les stocks s'accumulent. Et Francis Dumas est loin d'être le seul producteur dans cette situation. « Trois quarts de ma récolte de 2022 n'a pas été vendue et ça sera pareil en 2023, car les grossistes n'achètent pas d'essence de lavandin », témoigne Frédéric Terrasse. Pour ce lavandiculteur, à Gras et Saint-Remèze, pas question d'écouler à perte la production de ses cinq hectares. « On entend dire que certains arrivent à vendre à des grossistes à 10 euros le kilo [NDLR : contre un coût de production allant de 15 à 18 € le kg]... À ce prix, je préfère le stocker ! »

En attendant, Frédéric Terrasse ne parvient à vendre que 25 % de sa production à la ferme. Pas de quoi financer la récolte et la distillation. Pour ce producteur, comme pour la majorité des lavandiculteurs du secteur, ce sont les autres activités agricoles qui permettent de compenser le manque à gagner. Au moins temporairement. « À part quatre ou cinq qui ne vivent que du lavandin, la plupart des producteurs ont aussi de la vigne et des oliviers », confirme Francis Dumas.

Une crise inédite

C'est d'ailleurs cette spécificité ardéchoise qui empêche les producteurs d'être indemnisés par les aides gouvernementales. « Même moi, qui ne vis quasiment que de ça, je n'ai pas pu toucher d'aide », assure le trésorier de la Cuma. À sa connaissance, aucun lavandiculteur ardéchois n'a pu être indemnisé depuis le début de cette crise inédite pour le secteur. Autour de lui, Francis Dumas voit déjà quelques producteurs laisser les lavandins dans les champs, sans les récolter, voire même les arracher. Et si le phénomène reste marginal, il pourrait prendre de l'ampleur si la crise dure et que le soutien n'arrive pas...

Pauline De Deus

ÉCONOMIE

Surproduction : mais d'où vient-elle ?

La crise du lavandin a débuté en 2021 et depuis la situation n'a cessé de se dégrader.

Pour les producteurs ardéchois, cette crise des ventes (et des prix) du lavandin est d'abord due à une surproduction, liée à l'apparition de nouveaux secteurs de production en France. Notamment dans des plaines céréalières du Nord de la France. Poussée par le manque de volume et la flambée du prix du lavandin en 2019, l'implantation de ces nouvelles cultures a rapidement désiquilibré le marché. « Le lavandin entre en production dès la deuxième année. Résultat, en 2021, on avait le double des volumes nécessaires », se remémore Francis Dumas. Pour le trésorier de la Cuma des Gras, ça ne fait aucun doute : il faudra passer par l'arrachage pour remettre en adéquation l'offre et la demande. « Mais pas dans les zones traditionnelles ! » Défend-il. Des zones comme le plateau de Gras, en sud Ardèche, où les terres à lavandin sont maigres et dépourvues d'irrigation... Des zones où, hormis cette plante, peu de cultures pourraient être produites.