ARBORICULTURE
Pommes : climat morose pour la récolte

Mylène Coste
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Après une campagne historiquement déficitaire sur les fruits d’été du fait du gel d’avril, la récolte de pommes, qui s’est ouverte il y a quelques semaines déjà, ne laisse guère espérer mieux. Toutefois, les pertes pourraient être moins importantes que prévues. 

Pommes : climat morose pour la récolte
La récolte de pommes s'annonce finalement moins catastrophique que ce envisagé après le gel d'avril. Pour autant, et selon les secteurs, certains producteurs enregistrent plus de 90 % de pertes dans leurs vergers.

D’ordinaire, à cette période de l’année, Christophe Louis est sur les chapeaux de roue. Rien de tel cette année : la récolte de pommes, qui devrait battre son plein, a été perturbée par le gel d’avril, et s’annonce largement déficitaire. « Je n’ai pas eu un seul fruit cet été. Cela se poursuit avec les pommes, déplore cet arboriculteur installé à La Voulte. En variétés Golden, Royal Gala ou Reinette grise, celles qui ont fleuri plus tardivement, il y a quelques fruits avec de jolis calibres. Mais pour la majorité du verger, notamment en Pink Lady, on est quasiment à zéro. Cela ne vaut même pas la peine d’y passer ! » Sur un potentiel de 70 t de pommes, Christophe Louis devrait « à peine récolter 15 à 20 t ». « Avec les pertes sur tous les fruits d’été, cela représente plus de 90 % de pertes sur mon chiffre d’affaires. » Une situation délicate pour l’arboriculteur, mais aussi pour l’emploi local : « D’ordinaire, j’embauche 25 à 30 saisonniers ; cette année, nous n’étions pas plus de trois. »

Christophe Louis, qui livre sa production à Rhoda-coop, ne fait pas exception : « Les secteurs touchés par le gel enregistrent des pertes de récolte colossales, indique Christophe Claude, directeur de la coopérative implantée à Saint-Rambert-d’Albon. En pommes, nous aurons moins d’un tiers de la récolte. » 

Catherine Sagnes, arboricultrice à Baix, commence tout juste la récolte des pommes. Elle déplore elle-aussi une année « catastrophique » : « Nous atteindrons à peine 10 % du potentiel de production. Sur certaines variétés, comme la Reine des reinettes ou la Golden, nous n’aurons pas une seule pomme. Sachant que nous n’avons pas eu de fruits de tout l’été, la situation est très difficile à vivre. »

Plus au Sud, du côté de la coopérative Vivacoop (Saint-Sernin), les vergers de pommes ont là-aussi été éprouvés par le gel : « On redoutait la récolte zéro, et les craintes se sont confirmées sur certaines variétés comme la Gala, qui a beaucoup souffert. Toutefois, certains secteurs ont été davantage épargnés par le gel et la récolte des pommes d’automne pourrait s’avérer meilleure que ce que l’on pouvait imaginer. »

Christophe Guigue cultive 19 ha de pommes en agriculture biologique, à Saint-Just-d'Ardèche.
Christophe Guigue cultive 19 ha de pommes en agriculture biologique, à Saint-Just-d'Ardèche.

Des calibres qui laissent à désirer

Arboriculteur à Saint-Just-d’Ardèche, Christophe Guigue a également subi les soubresauts du gel sur ses 19 ha de pommiers. « Nous avons commencé la récolte début août avec la Gala et la Golden, pour lesquelles nous avons eu presque une demi-récolte. C’est peu, mais on s’attendait à bien pire ! Cependant, les fruits sont très petits. Pour ma part, je commercialise mes pommes en bio, et le manque de calibre ne devrait pas poser trop de problèmes. Pour les producteurs en conventionnels, cela peut toutefois être pénalisant. » Il constate également des différences notables selon les secteurs, et les variétés : « En Granny, nous sommes quasiment à zéro. Il semblerait que plus les variétés fleurissent tard, plus elles aient été touchées. » Au total, le producteur table sur 50 à 75 % de pertes en pommes. 

Du côté de Vesseaux, les dégâts du gel sont plus limités. François Chamoux affiche même une certaine satisfaction. « C’est une bonne récolte, il y a du volume. Pour autant, les calibres sont très moyens, y compris dans les vergers que nous avions éclaircis : nous sommes sur des moyennes entre 150 et 170 grammes, contre 190 à 200 g d’ordinaire. C’est pourquoi j’essaie d’aller au plus loin de la maturité pour récolter, afin de gagner en calibre. » Trouver un marché pour ces petits calibres, hors vente directe, pourrait poser des difficultés.

M.C.

« Nous n’avons pas de visibilité sur les mois à venir »
Stéphane Allix

« Nous n’avons pas de visibilité sur les mois à venir »

FRUITS / Stéphane Allix, directeur de Vivacoop, fait le bilan de la campagne de fruits d’été et revient sur les enjeux de cette fin d’année 2021.

Quel bilan tirez-vous de cette campagne sur les fruits d’été ?

Stéphane Allix : « Nous sortons d’un été très éprouvant : en cerise, seuls quelques producteurs ont échappé au gel et nous avons récolté à peine 20 % de notre potentiel. En abricot, un seul de nos producteurs a eu quelques fruits. En mirabelle, pomme et poire, nous sommes quasiment à une récolte zéro, avec à peine 300 kg récoltés contre jusqu’à 50 t en temps normal. Seules les plantes à parfum, aromatiques et médicinales (Ppam) ont profité des pluies, qui ont favorisé les coupes et donné davantage de volume. Quant au kiwi, dont la récolte devrait démarrer à l’automne, nous n’attendons pas plus de 20 % d’une récolte. La lutte antigel a bien permis d’épargner quelques lianes, mais les pertes restent colossales. Nous y verrons toutefois plus clair d'ici la fin octobre. »

Quelles sont les conséquences pour Vivacoop ?

S.A. : « C’est une période très compliquée. Nous n’avons pas de visibilité sur les mois à venir, ni sur les taux d’aides qui pourraient nous être accordées. Nous avons été contraints de geler tous les investissements et projets. Aujourd’hui, nous espérons surtout que les aides de l’État seront à la hauteur, et que les mesures de chômage seront maintenues jusqu’au printemps 2022 : en effet, d’ordinaire le kiwi prolonge l’activité jusqu’à début mars, mais cette année, nous n’aurons pas de travail. »

Comment s’est passé l’été pour vos magasins « Village des Producteurs » (Ruoms et Aubenas) ?

S.A. : « Durant les mois de juin et juillet, les magasins ont tourné au ralenti du fait du climat et des pluies : les consommateurs ont boudé les légumes d’été, et la pression sanitaire (mildiou, oïdium) a été plus difficile à gérer dans les champs. La consommation est repartie à la hausse en août et septembre, notamment pour la tomate. Finalement, le bilan est plutôt bon. »

Et l’atelier de transformation ?

S.A. « L’activité de Vivatransfo continue de se développer ; toute la production de légumes a été écoulée et nous avons déjà d’importantes demandes de prestations pour la campagne de châtaignes qui arrive. C’est donc très positif. »

Comment s’annonce cette campagne castanéicole ?

S.A. : « Les premières châtaignes, notamment bétizacs, sont tombées, et la récolte a déjà démarré dans certains secteurs. Les choses devraient s’accélérer fin septembre avec les variétés précoces. Nous redoutons quelque peu les épisodes cévenols annoncés, qui pourraient provoquer de la casse. Mais pour l’heure, nous sommes plutôt optimistes sur cette récolte : on peut augurer un assez bon volume de fruits, à confirmer dans les semaines à venir. »

Propos recueillis par M.C.

 En pommes, la France table sur une récolte de 1,375 million de tonnes. Un volume faible, similaire à celui de l'an passé.
En pommes, la France table sur une récolte de 1,375 million de tonnes. Un volume faible, similaire à celui de l'an passé.