JOURNÉE OVINE
L’élevage ovin au centre de l’attention

Léa Rochon
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Mardi 1er mars, les techniciens des Chambres d’agriculture de la région Auvergne Rhône-Alpes ont accueilli les éleveurs du territoire au Gaec de Murielle et Benoît Ronzon, à Saint-Clément-les-Places (Rhône). Cette journée technique ovine régionale s’est déroulée sous la forme de quatre ateliers aux thématiques diverses.

L’élevage ovin au centre de l’attention
Plusieurs éleveurs ont répondu à l'invitation et ont participé à la journée technique organisée par Inn'ovin et les Chambres d'agriculture. ©LR

Le Rhône est plus souvent connu pour sa diversité laitière et ses maraîchers. Pourtant, le département voit également grandir des brebis et agneaux. Avec 15 000 brebis, le Rhône est le plus petit département de la région pour cet élevage. Au total, 100 éleveurs ont plus de 50 brebis et 20 éleveurs sont spécialisés en ovins. La production laitière et fromagère est en développement avec 12 producteurs. Même si la production ovine reste faible en effectifs, 19 éleveurs sont en contrôle de performance ce qui montre le bon niveau technique des élevages. Une diversité à préserver, selon l’association Rhône terre d’éleveurs, qui a fait le déplacement jusqu’à l’exploitation ovine et maraîchère de Murielle et Benoît Ronzon. Situé au coeur des monts du Lyonnais, à Saint-Clément-les-Places, le couple s’est installé en Gaec cette année.

Un élevage de 330 brebis

C’est en 2015 que Benoît a repris l’exploitation de son oncle, composée de 260 brebis. Depuis, il a augmenté le nombre de têtes, pour arriver à 330 brebis et deux périodes d’agnelage distinctes. « J’ai pu avoir un alpage : 60 agnelles et 120 brebis montent avec leurs agneaux au col de la Colombière (1 600 m) en Haute-Savoie et l’agnelage s’effectue en février », a détaillé l’éleveur. Les 150 autres brebis vont à l’estive de Garnier (Forez) et mettent bas en novembre. « Ces deux périodes lui assurent un faible taux de mortalité (10 %) et une prolificité de 186 % », a assuré Michel Pocachard, conseiller ovin à la Chambre d’agriculture du Rhône. Au total, Benoît peut compter sur 33 ha de superficie agricole. À cela s’ajoutent des surfaces pastorales et des surfaces additionnelles de pâtures de couverts végétaux en fin d’automne. En complément, ils cultivent des pommes de terre sur 0,8 ha et des courges sur 0,4 ha commercialisées en bio. Mais le Gaec possède, depuis peu, une troisième corde à son arc.

Valoriser la laine via l’artisanat

Que faire de la laine, actuellement non-utilisée ? C’est la question que Murielle s’est posée. L’auto-entrepreneuse a décidé d’y répondre en valorisant ce produit. Dans son atelier, installé à la ferme, elle feutre la laine pour créer des luminaires et fait réaliser des oreillers, des coussins et des couettes. « Pour un coussin, il faut 600 g de laine », a-t-elle expliqué à l’assemblée, qui s’est empressée de toucher les créations. Elle les vend ensuite pendant des salons ou sur des sites spécialisés. Mais 50 kg de laine brute utilisés pour son activité, ne représentent que 10 % du volume de laine produit par l’exploitation. « Il y a du chemin à faire, car nous avons tous de la laine qui s'entasse dans la bergerie. Cela pourrait être intéressant de se regrouper pour faire ce genre de choses », a insisté Murielle. Coût du lavage ? Cinq euros le kilogramme rendu, selon l’artisane. « Cela ne sert à rien d'avoir des idées si on n’a pas le réseau de distribution ensuite. » Mais selon Benoît, l’affaire deviendrait intéressante si la production montait à une tonne, ce qui diminuerait le coût de lavage.

Léa Rochon

Brebis
L’éleveur, qui possède 330 brebis, a opté pour deux périodes d’agnelage distinctes. ©LR
L’exemple de Benoît Ronzon en chiffres
Benoît Ronzon, éleveur ovin, a repris l'exploitation de son oncle en 2015. ©LR

L’exemple de Benoît Ronzon en chiffres

Vente directe d’agneaux sur la ferme (166 € de marge par agneau) :

• Frais de transformation : 78,9€ par agneau, hors temps de travail et allers-retours à l’abattoir.
• Rendement à la carcasse / viande : 82% pour les agneaux de bergerie, 75% pour les agneaux d’herbe.
• Prix de vente en caissettes : 14,8€ par kg de viande en demi-agneau, 15,3€ par kilo de viande en ¼.
• Prix de vente en magasin : prix moyen du kg de viande d’au-moins 20€, 6 agneaux par semaine avec une commission de 26%.
Vente directe de brebis en merguez sur la ferme (77€ de marge par brebis).
• Frais de transformation : 114,6€, hors temps de travail et allers-retours à l’abattoir.
• Rendement à la carcasse / viande : 30kg de carcasse et 20kg de viande.
• Prix de vente : 17,2€ TTC le kg, 21,5kg de merguez ou saucisse par brebis.
• Frais d’abattage et de découpe : 114,60€.
• Frais de commission : 91,14€.
• Temps de travail : 4,5h.

L’ENJEU / Passer à la vente directe

Le constat est simple : de plus en plus de jeunes exploitants souhaitent développer la vente directe. Projet chimérique ou en adéquation avec la réalité ? Selon Philippe Allaix, technicien ovin de la Chambre d’agriculture de la Loire, ce projet doit démarrer par un important panel de questions. La vente directe en caissettes, dans un magasin ou sur place ? Un atelier de découpe est-il disponible sur place ? Quels sont les tarifs de l’abattoir ? Combien de temps la vente directe va-t-elle demander ? Comment calibrer la taille des lots d’agneaux ? Le cas de Benoît a servi à répondre à la plupart de ces interrogations. L’éleveur vend 15% de sa production en caissettes avec ses agneaux d’alpage à l’automne, 60% en magasins de producteurs et 25% à la coopérative Sicarev. L’éleveur a également investi dans un laboratoire doté d’une chambre froide et dans un caisson de livraison. La vente directe a néanmoins un coût : un temps de travail décuplé. « Il faut les loger les 15 h de travaux par semaine. Depuis que je suis installé, j’augmente un peu les prix chaque année pour suivre les coûts de production et de transformation. Au magasin, je vends le gigot à 27€ et les côtelettes à 22€. » Des prix qui se rapprochent de ceux pratiqués en boucherie.

L’OBJECTIF / Optimiser la production d’agneaux

Fabrice Vassort, référent ovin à la Chambre d’agriculture de Haute-Loire, l’assure : « La productivité numérique d’une exploitation, c’est la clé de la réussite, techniquement comme économiquement ». Lors de sa présentation, le conseiller a rappelé que cette productivité est le résultat de trois composants essentiels : le taux de mise-bas par an, la prolificité (nombre d’agneaux par portées) et le taux de mortalité des agneaux. L’exploitation de Benoît et Murielle compte 1,8 agneaux produits par an et par brebis agnelées, avec un taux de mise-bas à 90 %. Selon l’éleveur, ces résultats sont satisfaisants mais incluent une autre donnée : une brebis qui ne produit pas coûte trop cher, ce qui explique un niveau de réforme sévère. Selon le référent ovin, le taux de renouvellement brebis doit être d’au moins 20 %. Pour que la fertilité soit optimale, l’éleveur et le conseiller évoquent un facteur déterminant : les agnelles doivent peser au moins 2/3 de leur poids adulte. En-dessous, elles seront trop petites pour assurer une bonne fin de gestation et de lactation. La qualité du colostrum, qui assure une bonne immunité aux agneaux, est également un point à ne pas négliger. « Benoît a un avantage, car dans les monts du Lyonnais, un groupe d’éleveurs en fournit. Il congèle du colostrum dont il est sûr de la qualité. Nous avons souvent tendance à dire que le colostrum de son élevage de brebis est le meilleur, mais celui des chèvres et des vaches de ses voisins restent intéressant en cas de besoin », souligne le spécialiste. Attention aux béliers trop âgés. S’assurer d’avoir un haras jeune en bonne santé et compter 30 brebis par bélier sont des données primordiales

LA MÉTHODE / Assurer l’équilibre minéral de la ration

Parmi les minéraux essentiels à l’animal figurent le calcium et le phosphore. « Souvent, l’apport en phosphore est réalisé par les céréales contenues dans les rations », précise Michel Pocachard, conseiller spécialisé dans la filière ovine à la Chambre d’agriculture du Rhône. La couverture minérale doit être surveillée, surtout durant la fin de la gestation et le début de la lactation. Une cure peut alors être effectuée 15 jours à trois semaines avant la fin de la gestation et du sélénium est recommandé en fin de gestation. Les compléments minéraux et oligoéléments peuvent être donnés à l’animal par blocs à lécher. Mais cette méthode risque d’entraîner une surconsommation, donc des coûts plus importants, car ils contiennent souvent de la mélasse, plus alléchante. En général, en dehors de la fin de la gestation et de la lactation, l’herbe et un apport en sel suffisent.