ESPACES NATURELS
13 500 hectares de zones humides recensés dans le département

Tourbières, prairies, narces, tufs… L’Ardèche rassemble une grande diversité de milieux humides. Pour le monde agricole, ils peuvent poser de sérieuses contraintes mais aussi des atouts agroenvironnementaux majeurs.

13 500 hectares de zones humides recensés dans le département
En période sèche, les zones humides apportent des surfaces plus fraîches aux troupeaux et des ressources fourragères.

En Ardèche, les zones humides couvrent environ 2,5 % de la superficie du département, soit 13 500 hectares recensés à ce jour1, d’après l’inventaire réalisé par la Fédération départementale de pêche entre 2001 et 2003, réactualisé chaque année par le Conservatoire d'espaces naturels Rhône-Alpes. Ces zones humides font l’objet de mesures réglementaires de protection strictes, essentiellement basées sur des enjeux de préservation de la ressource en eau et de la biodiversité qu’elles abritent. Elles contribuent à la disponibilité et à la qualité de la ressource, en soutenant le niveau des cours d’eau et des nappes phréatiques, en filtrant les micropolluants, et en régulant le niveau d’eau lors des crues. L’activité agricole joue un rôle essentiel dans leur maintien. Sans intervention, elles finiraient par se fermer progressivement et s’appauvrir en termes de biodiversité.

Une grande diversité de milieux

Le vocable de zones humides désigne une diversité de milieux (tourbières, prairies humides, narces, mares, etc.) qui se sont formés et développés selon les spécificités topographiques et géologiques d’un territoire. En Ardèche, elles se distinguent sur six grands secteurs géographiques.

Dans le secteur des Boutières, les prairies humides et bords de cours d’eau représentent une composante majeure du territoire et du patrimoine local, où de nombreuses béalières et rigoles témoignent de l’usage ancien des zones humides. Sur la Montagne ardéchoise, elles ont été particulièrement préservées par les éleveurs au fil du temps et se composent de narces et de sagnes, de tourbières et d’un ensemble de prairies humides. Dans les Cévennes vivaroises, elles se situent essentiellement sur les abords immédiats des cours d’eau, puis en altitude où serpentent un réseau de tourbières. Dans la Vallée du Rhône, elles se font beaucoup plus rares bien qu’il y subsiste quelques lônes et autres milieux humides (boisements, zones en eau, prairies, etc). Le Coiron, quant à lui, compte de nombreuses mares temporaires. Dans le Bas Vivarais, les zones humides se concentrent en bordure de cours d’eau et des lits de rivière à travers des habitats divers (bancs de graviers, fourrés arbustifs…) ou plus spécifiques, tels que les tufs et travertins.

Quelles contraintes pour le monde agricole ?

Dans le milieu agricole, les zones humides peuvent avoir mauvaise réputation car elles sont souvent considérées comme des zones à faible potentiel fourrager. Elles sont également difficiles à exploiter et à pâturer, en raison des contraintes de portance des sols. « Ce sont des endroits où les vaches se regroupent le plus en période sèche car ils leur apportent des surfaces plus fraîches et humides, ce qui est très positif », indique Sébastien Comte associé avec Géraldine Martin et Michel Mialon au Gaec d’Esperveyres à Saint-Cirgues-en-Montagne. Sur 210 ha que compte cette exploitation bovin lait et bovin viande, 15 % sont occupés par des parcelles à engagements (MAEC2 ZH2) liés aux zones humides. Selon les parcs, elles peuvent concernées 50 % du pâturage. « La valeur alimentaire varie beaucoup d’une zone humide à une autre, en fonction des types de joncs qui s’y trouvent. Elle n’est pas toujours assez bonne, particulièrement pour la production laitière. D’ailleurs, les animaux s’y rendent au dernier moment… », constate l’éleveur.

Au Gaec d’Esperveyres, ces espaces naturels sont essentiellement gérés par le pâturage et par un broyage des joncs au mois d’août, afin de les garder assez jeunes et les rendre appétents pour le troupeau. « Le pâturage en parc humide induit aussi quelques soucis de parasitisme. Nous adaptons les traitements selon l’infestation des lots d’animaux en douve ou paremphystome (tests coprologiques). Pour les laitières, du fait des périodes de rémanence, le traitement est moins idéalement pratiqué lors du tarissement », ajoute Sébastien Comte. 

Un rôle agroenvironnemental

Engagé depuis une dizaine d’années dans des MAEC, le Gaec d’Esperveyres entretient et valorise autant que possible ces espaces naturels. Il pourrait également rejoindre le projet de l’Agence de l’eau Loire Bretagne pour l’expérimentation des paiements pour services environnementaux (PSE) qui inclut les zones humides et milieux rivulaires dans leurs indicateurs de résultat. « Nous ne sommes pas en bio mais nous en sommes très proches, toutes nos surfaces sont herbacées, nous ne sommes pas dans une production intensive… Je pense que nos rôles agroenvironnementaux sont importants et bien réels ! » 

Anaïs Lévêque

1. De nombreux milieux humides de petite taille (moins d’1 ha chacun) ne sont potentiellement pas inventoriés.

2. Mesures agroenvironnementales et climatiques.

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Sur l'exploitation de Sébastien Comte, Géraldine Martin et Michel Mialon (Gaec d’Esperveyres) à Saint-Cirgues-en-Montagne, 15 % des surfaces où pâturent leurs troupeaux allaitants et laitiers sont des parcelles à engagements MAEC liés aux zones humides.
« Il y a des solutions qui marchent »
Laurence Jullian, responsable de l’antenne Drôme Ardèche du Conservatoire d’espaces naturels Rhône Alpes.

« Il y a des solutions qui marchent »

ADAPTATION / Le Conservatoire d’espaces naturels (CEN) Rhône Alpes accompagne les collectivités, les agriculteurs et les propriétaires de zones humides pour les aider à mieux comprendre le fonctionnement des zones humides et savoir les adapter à leur avantage.

Le Conservatoire d’espaces naturels (CEN) Rhône Alpes est une association qui travaille avec les propriétaires et les exploitants agricoles volontaires dans des démarches de préservation des sites naturels remarquables où se situent des zones humides (tourbières), mais aussi des boisements de bords de cours d’eau (ripisylves). Il accompagne également les territoires et les acteurs pour une meilleure prise en compte de la biodiversité. Dans ce cadre-là, le conservatoire travaille avec le monde agricole et les collectivités sur des projets agroenvironnementaux, tels que les MAEC et plus récemment le projet expérimental de paiements pour service environnementaux (PSE). 

Valoriser leurs ressources

Sur la montagne ardéchoise, une cellule d’assistance technique a été mise en place pour répondre directement aux problématiques rencontrées par les agriculteurs et les propriétaires privés. « Nous recherchons et proposons des solutions qui conviennent à leurs besoins mais aussi à ceux des zones humides en matière de biodiversité », explique Laurence Jullian, responsable de l’antenne Drôme Ardèche du CEN. « Il est important de connaître les spécificités de ces milieux pour savoir comment les adapter à leur avantage. Les agriculteurs et les propriétaires privés ont souvent du mal à valoriser leurs ressources, par habitude ou parce que les troupeaux n’y sont pas forcément adaptés. Il y a des solutions qui marchent : débroussailler un endroit pour y créer des passages stables pour les animaux et retrouver des surfaces ouvertes, prendre soin du sol, installer des abreuvoirs déportés, éduquer son troupeau pour lui montrer où traverser les zones humides et l’alimentation qu’il peut y trouver, réduire la taille des parcs de pâturage… Nous cherchons avec les agriculteurs les meilleurs accords possibles, selon les périodes de pâturage souhaitées et l’organisation de l’exploitation, puis nous les testons et les réajustons selon les retours d’expérience. »

A.L.

Contact de la cellule d'assistance technique aux zones humides (CATZH) : 04 75 36 32 34.