SOCIÉTÉ
Alimentation durable : une prise de conscience collective

L'alimentation durable est une alimentation accessible à tous, bonne pour la santé et respectueuse de l’environnement, qui permet aux agriculteurs et aux entreprises du territoire de vivre de leur travail et de proposer une alimentation de qualité. Le 25 janvier dernier, l’Isara, école d’ingénieurs en agronomie lyonnaise, organisait une conférence sur ce thème. L’occasion de mesurer que cette thématique mobilise aujourd’hui autant les agriculteurs que les restaurateurs, les médecins et les collectivités territoriales.

Alimentation durable : une prise de conscience collective
« Nous avons une équation difficile à résoudre : à la fois fournir des aliments de qualité, pas trop chers pour que tout le monde y ait accès, et garder nos entreprises sur nos territoires tout en les accompagnant pour qu’elles aillent vers des pratiques plus durables, plus pérennes », estime Carole Chizoule de l'Isara. ©PxHere

« Repas durable : et si on s’y attablait tous ? » Tel est le défi que l’Isara a lancé à ses invités lors de sa conférence sur l’alimentation durable organisée le 25 janvier. Premières concernées : les collectivités territoriales, qui ont un vrai rôle à jouer. Très mobilisée, la Métropole de Lyon fait partie des plus actives aujourd’hui. En juillet dernier, elle s’est notamment dotée d’une délégation spécifique dédiée à l’alimentation et à l’agriculture. « La crise sanitaire a mis en évidence des déserts alimentaires sur la Métropole avec des personnes qui n’ont pas accès à une alimentation saine et durable. La collectivité gère plus de 80 collèges, soit 24 000 repas servis quotidiennement dans les cantines. À travers nos commandes publiques, nous voulons proposer à nos collégiens un repas durable, avec une part d’agriculture biologique plus importante. En ce sens, un double enjeu se présente à nous : agir sur l’accessibilité pour le plus grand nombre et structurer la production agricole locale dans un périmètre de 50 km », confie Jérémy Camus, vice-président délégué à l’agriculture, à l’alimentation et à la résilience du territoire. « Il y a un enjeu de sécurité alimentaire, alors même que 95 % de ce que consomment les habitants de la Métropole est importé de l’extérieur du territoire. La collectivité peut contribuer à la résilience alimentaire en agissant sur toute la chaîne de valeur, de la fourche à la fourchette. »

Redonner du sens au monde paysan

Avec 24 000 ha d’espaces naturels et agricoles, la Métropole de Lyon présente un potentiel immense. Pourtant, elle fonctionne encore largement en circuits longs. Car parler de repas durable interroge directement l’approvisionnement des produits alimentaires. « 70 % de l’offre alimentaire est vendue en grandes surfaces mais les consommateurs sont loin de savoir ce qu’il se passe avant leur acte d’achat. Derrière ces enseignes se trouvent 18 000 entreprises et 400 000 agriculteurs. Ce système extrêmement complexe, en relation avec d’autres systèmes à l’échelle planétaire, a été constitué après la Seconde Guerre mondiale à une époque de pénurie alimentaire. Il fallait lutter contre cette problématique et ce sujet revient aujourd’hui », rappelle Carole Chizoule, enseignante-chercheuse et spécialiste des systèmes alimentaires durables à l’Isara. Le système alimentaire actuel pose cependant plusieurs problèmes : dégradations environnementales, spécialisation des bassins de consommation, questionnement sur le bien-être animal, inégalités économiques et sociales, pertes de biodiversité ou encore opacité informationnelle. « Nous avons une équation difficile à résoudre : à la fois fournir des aliments de qualité, pas trop chers pour que tout le monde y ait accès, et garder nos entreprises sur nos territoires tout en les accompagnant pour qu’elles aillent vers des pratiques plus durables, plus pérennes », poursuit l’enseignante.

L’environnement, l’un des piliers de l’alimentation durable

Si l’on souhaite aller vers une alimentation plus durable, l’un des principaux défis à relever dans les années à venir sera celui de la préservation de l’environnement. « Il s’agit principalement de limiter l’impact environnemental sur la biodiversité, la présence de nitrates dans l’eau potable, l’excès de pesticides ou encore la fertilisation excessive », affirme Alexander Wezel, directeur de recherche à l’Isara et référent international en agroécologie. Adopter des méthodes de travail moins impactantes tout en restant productifs pour répondre à la croissance de la population mondiale, tel est le plus grand dilemme pour les agriculteurs. Point positif : la prise de conscience du monde agricole autour de la nécessité de préserver l’environnement est réelle. « Nous avons de plus en plus d’agriculteurs engagés dans des groupes d’intérêt économique et environnemental (GIEE), en faveur de l’agroécologie ou dans les plans écophyto visant à réduire l’utilisation des produits phytosanitaires. Certains agriculteurs sont innovants et produisent eux-mêmes leurs propres auxiliaires », confirme Alexandre Wezel.

La restauration comme cheffe de file

Représentant près de 220 000 établissements soit 10 milliards de repas consommés annuellement, le milieu de la restauration a également un rôle majeur à jouer. « Par son ampleur, la restauration représente un débouché essentiel pour nos filières agroalimentaires », confirme Maxime Sebbane, responsable du programme de recherche alimentation durable à l’institut Paul Bocuse. En proposant des produits de saison, locaux, biologiques ou sous signe de qualité, le restaurateur détient en effet ce pouvoir de parvenir à retisser des liens entre agriculteurs et consommateurs. Dès à présent, le monde de la restauration s’interroge par ailleurs sur la place du déchet dans notre système alimentaire. « Un repas consommé en restauration génère en moyenne quatre fois plus de gaspillage alimentaire qu’un repas consommé à domicile », déplore Maxime Sebbane. En ce sens, des campagnes de pesée de déchets peuvent permettre de mieux cibler les perspectives de progrès. « Un repas durable allie plusieurs dimensions : ce qui est bien pour notre santé, pour notre environnement et nos territoires. Depuis quelques années, les consommateurs ont décidé de devenir acteurs de leur alimentation mais ils ne peuvent pas, à eux-seuls, porter le poids des enjeux à relever. Il faut absolument que la sphère politique joue son rôle. Elle doit aider au développement des filières durables et résoudre la question de l’accessibilité pour réussir ensemble cette transition », conclut Carole Chizoule de l’Isara.

Amandine Priolet

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