BOVIN LAIT
Les éleveurs de la laiterie Carrier veulent redynamiser la filière

Mylène Coste
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Une journée autour du lait bio de montagne était organisée le 29 mars par la laiterie Carrier et la Chambre d’agriculture. Pour l’occasion, le Gaec des Jonquilles a accueilli des étudiants du lycée Olivier de Serres sur son exploitation, à Lachapelle-Graillouse. Objectif : susciter des vocations !

Les éleveurs de la laiterie Carrier veulent redynamiser la filière
Photo : De gauche à droite : Floran Oddoux (laiterie Carrier), Oriane Peyronnet (Earl Peyronnet à Sainte-Eulalie), Camille Prévost (Gaec Le Pré de Mazan à Cros-de-Géorand), Gérald Rouzet (Gaec des Sucs à Sagnes-et-Goudoulet), Sylvain Baud (Chambre d’agriculture), Mickaël Artige (Gaec des Jonquilles à Lachapelle-Graillouse) et Dominique Jouffre (Sainte-Eulalie).

Ils étaient cinq. Cinq éleveurs de vaches laitières en bio, bien dans leurs bottes et dans leur métier, étaient venus témoigner devant des élèves de BTS et Bac pro du lycée agricole d’Aubenas lors de la journée consacrée au lait bio, organisée par la laiterie Carrier et la Chambre d’agriculture de l'Ardèche. C’est d’ailleurs dans un élevage tout récemment converti en bio que les apprentis éleveurs ont pu dialoguer avec leurs aînés des perspectives de la filière. « Pourquoi nous sommes passés au bio ? Avant tout pour les prix ! », affiche Mickaël Artige, installé avec son père Jean-Marie avec une cinquantaine de vaches laitières et une vingtaine d’allaitantes. « Nous avons franchi le pas en 2016. Jusqu’ici, nous livrions notre lait à la coopérative Sodiaal, mais nous sommes passés à la laiterie Carrier en juillet 2020. Celle-ci nous assure une meilleure rémunération, avec une vraie démarche de valorisation de notre lait et de notre territoire. Cela donne du sens à notre métier. »

Une conversion à portée de fourche

« Nous n’avons pas eu à effectuer de gros changements pour passer au bio. L’AB correspond bien à nos systèmes herbagers de montagne », affirme Mickaël Arige. Le Gaec des Jonquilles compte 154 ha de surfaces, dont 130 ha de prairies permanentes, 27,6 ha de prairies temporaires et 21 ha de céréales, et produit environ 259 000 l de lait/an. « Les animaux sont au pâturage de mai à octobre, même si les sécheresses estivales de ces dernières années nous ont contraints à affourrager davantage. La possibilité de faire des céréales (environ 30t/an) nous permet de compléter la ration. Depuis que nous sommes en bio, nous réalisons des rotations tous les trois ans entre prairies temporaires et céréales. » L’implantation de prairies temporaires enrichit les sols en azote, de manière d'autant plus importante que les légumineuses y sont présentes. Cela permet de maîtriser les adventices dans les cultures de céréales qui suivront : « Nous n’avons pas besoin de désherber », souligne Mickaël Artige. La fertilisation est assurée par la valorisation des effluents d’élevage (lisier et fumier). 

 

Mickaël Artige a converti son exploitation en bio en 2016.

Des surcoûts compensés par une meilleure rémunération

L’alimentation du troupeau, en bio, est plus onéreuse qu’en conventionnel. De surcroit, les sécheresses estivales mettent à mal l’autonomie fourragère et obligent les éleveurs à acheter davantage d’aliments. Des surcoûts compensés par des prix supérieurs en bio : en 2020, chez Carrier, le prix de base était de 350 €/1000 l en conventionnel (330 € chez d'autres grands groupes), contre 485 € en bio, l'objectif de la laiterie étant d'atteindre 500 €/1000 l en 2021. « C’est tout l’intérêt des démarches de valorisation comme celle lancée par Carrier autour du lait bio local, souligne Mickaël Artige. Les vaches de réforme en bio, elles aussi, sont vendues plus cher. « Passer au bio et à la laiterie Carrier était le meilleur choix que nous pouvions faire. »

Jean-Marie Artige doit prendre sa retraite dans les mois à venir. Mais Mickaël a déjà trouvé un potentiel associé qui devrait bientôt rejoindre l’exploitation en stage reprise. Preuve que la filière est porteuse et attire encore parmi les jeunes !

M.C.

Ils témoignent...

Oriane Peyronnet, éleveuse à Sainte-Eulalie (Earl Peyronnet)

Oriane Peyronnet, éleveuse à Sainte-Eulalie (Earl Peyronnet)

« Autrefois en conventionnel chez Carrier, j’ai sauté le pas du bio en 2017 avec la laiterie. Nous n’avons pas eu de gros efforts à fournir puisque nous étions déjà proches du cahier des charges bio. Outre la rémunération qui s’est améliorée, nous avons tendance à moins pousser la productivité du troupeau, ce qui a permis de baisser les frais de vétérinaire. Pour nos petits élevages de montagne, le lait bio est véritablement l’avenir. Ma principale inquiétude aujourd’hui porte sur la dérogation à l’attache des bovins dans les élevages bio durant l’hiver. Si elle venait à être retirée, ce serait fatal pour bon nombre d’exploitations. »

Gérald Rouzet, éleveur à Sagnes-et-Goudoulet (Gaec des Sucs)

Gérald Rouzet, éleveur à Sagnes-et-Goudoulet (Gaec des Sucs)

« Avec notre lait bio « Eulalie des Monts d’Ardèche », nous sommes réellement dans une démarche de valorisation de nos spécificités, de nos systèmes pâturants et extensifs. C’était essentiel pour nous démarquer du lait bio vendu à prix modique, et cela nous offre des perspectives. C’est important pour le maintien de l’élevage laitier dans nos territoires. Nous sommes toutefois inquiets quant au changement climatique et aux sécheresses récurrentes qui mettent à mal notre autonomie fourragère. »

Dominique Jouffre, éleveur à Sainte-Eulalie

Dominique Jouffre, éleveur à Sainte-Eulalie

« L’élevage laitier a encore toute sa place sur le territoire. Avec le projet lait bio de la laiterie Carrier, nous avons l’assurance d’un revenu chaque mois. Ces dernières années, un certain nombre de fermes laitières ont disparu et beaucoup se sont tournés vers l’allaitant. On entend souvent dire que l’élevage laitier est très contraignant ; certes, c’est beaucoup de travail, mais c’est aussi une source d’épanouissement. L’an dernier, j’ai pris 22 jours de congés ! »

Plusieurs éleveurs bovins lait de la laiterie Carrier ont témoigné de leur métier devant des élèves de BTS et Bac pro du lycée agricole d’Aubenas.
Plusieurs éleveurs bovins lait de la laiterie Carrier ont témoigné de leur métier devant des élèves de BTS et Bac pro du lycée agricole d’Aubenas.

Chiffres clés

  • 50 millions de litres (ML) de lait en conventionnel ont été produits en 2020 (contre 60 ML en 2015).
  • 10 ML de lait bio produits en 2020 (contre 6,5 ML en 2015).