EXPERIMENTATION
Vers une irrigation de précision

Emmanuelle Perrussel
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La Chambre d’agriculture du Rhône, le syndicat mixte d’hydraulique agricole (Smhar) et la CNR (Compagnie nationale du Rhône) testent des dispositifs d’irrigation raisonnée.

Vers une irrigation de précision
Le dendromètre, qui se fixe sur les branches des arbres, mesure grâce à des pistons la variation de diamètre du tronc.

Favoriser l’irrigation des terres agricoles est l’une des trois missions historiques confiées par l’État à la Compagnie nationale du Rhône (CNR) lors de l’attribution de la concession du fleuve Rhône. L’eau du Rhône alimente ainsi des milliers d’hectares de terres agricoles du sillon rhodanien. Mais face au changement climatique, d’ici 2050, selon les experts, il y aura une baisse estimée de son débit de l’ordre de 10 % à 40 % selon les études. Les enjeux sont entre autres de trouver comment sécuriser et optimiser les usages en eau tout en engageant les réseaux d’irrigation dans la transition écologique et énergétique. La CNR travaille aux côtés du syndicat mixte hydraulique agricole du Rhône (Smhar) sur ce double enjeu, depuis 2017, dans le cadre du projet Smharter. Ce dernier comporte deux volets qui font écho aux compétences de la CNR sur les énergies et l’optimisation de leur utilisation. Le premier concerne l’amélioration du réseau. Le Smhar doit en effet parvenir à limiter sa facture d’électricité sur son réseau d’irrigation situé sur les plateaux de Millery-Mornant : création d’ici 2025 de deux réserves tampons à Saint-Laurent-d’Agny pour réduire la facture d’électricité l’été et produire de l’énergie verte l’hiver.

Connaissance fine des besoins en eau

Le second volet du projet Smharter est engagé avec la Chambre d’agriculture du Rhône et le soutien financier de la Région. Il vise à une connaissance fine des besoins en eau des cultures. Depuis 2014, 6 000 ha de terres bénéficient déjà de conseils d’irrigation fournis par les techniciens de la chambre consulaire sur la base de mesures météo et de teneur en eau des sols effectuées sur des parcelles irriguées. Cette expérimentation a été élargie : aujourd’hui, 22 parcelles disposent de sondes tensiométriques, plantées à 30 et 60 cm pour connaître le front de sécheresse et des vergers ont été équipés d’une station météo. Pour rappel, cette sonde permet un pilotage de l’irrigation pointu, en mesurant la tension du sol, c’est-à-dire la force que doit déployer la racine pour extraire l’eau du sol.

Depuis la saison 2020, des dendromètres ont été installés sur des cerisiers et des pommiers du verger expérimental de Saint-Laurent-d’Agny et sur des pieds de tomates du centre expérimental de la Serail, à Brindas. Ces appareils, qui se fixent sur les branches des arbres, mesurent grâce à des pistons la variation de diamètre du tronc. Une partie des réserves d’eau d’un arbre étant située sous l’écorce. « Les différentes mesures sont transmises à un boîtier relié aux ordinateurs de la Chambre d’agriculture. Cela permet de corréler ces informations sur la consommation et les besoins en eau de l’arbre avec celles recueillies grâce aux tensiomètres. Autrement dit de savoir si ce que l’on apporte à l’arbre en eau correspond bien à ses besoins physiologiques, avant ou après la récolte », détaille Cédric Chevalier, conseiller arboriculture à la Chambre d’agriculture du Rhône.

Aucune goutte d’eau gâchée

Ces mesures obtenues, très précises, vont aider le Smhar à modéliser l’irrigation sur dix jours, pour anticiper tout stress hydrique et ne gâcher aucune goutte d’eau. Un système de pilotage automatique d’irrigation est également testé sur le verger de démonstration de Saint-Laurent-d’Agny. Depuis l’installation des premières sondes tensiométriques dans l’Est lyonnais, le Smhar a enregistré une économie d’un million de m3 d’eau sur les 10 millions utilisés auparavant pour l’irrigation de ces terres. Les actions menées dans le cadre du projet Smharter devraient permettre d’atteindre 10 à 20 % d’économie d’eau sur le réseau de Millery-Mornant.

« Les changements climatiques, en marche, nous obligent à nous interroger de plus en plus sur la consommation d’eau et à gagner en précision. Avec le dendromètre, on peut savoir si l’eau apportée par l’irrigation est utilisée par la plante ou par le climat (évaporation), ce qui complète les données des sondes tensiométriques. Le bilan de cette expérimentation montre qu’en 2020, il a peu plu alors il a fallu irriguer pour compenser. Les références établies sont donc hautes et l’objectif pour 2021 et de réduire cet apport hydrique pour voir l’impact sur le dendromètre donc sur l’arbre », détaille Cédric Chevalier.

« Ces premiers résultats sont prometteurs et très utiles car ils permettront de conforter l’expertise de la chambre d’agriculture en irrigation, qu’elle partagera ensuite avec la profession (via des recommandations, des bulletins). Ils pourront aussi être utilisés pour accompagner des projets comme celui d’agrivoltaïsme prévu sur le site de Dardilly de l’EPLEFPA de Lyon-Ecully-Dardilly, premier projet démonstrateur de la CNR. Nous allons ainsi expérimenter, à partir du printemps prochain, l’impact de structures agrivoltaïques en pilotant les panneaux notamment en fonction du stress hydrique des plantes. La gestion de la ressource eau sera un point d’entrée clé de cette expérimentation », conclut Héléna Wagret, chef de projet irrigation et énergies renouvelables à la CNR.

Emmanuelle Perrussel

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