TECHNOLOGIES
Installer un robot de traite : incidences sur la conduite de l’exploitation

La modernisation et l’automatisation de la traite représentent un virage important dans les élevages laitiers. Afin que cela se passe bien, il est important de bien mesurer l’impact global du projet sur l’ensemble du système d’exploitation. Les coûts indirects du robot doivent être mesurés et pris en compte au départ. Ils sont souvent non chiffrés et impactent l’efficacité économique de façon durable.

Installer un robot de traite : incidences sur la conduite de l’exploitation
Au-delà du poids de l’investissement, le choix de la traite robotisée aura d’autres conséquences, choisies ou subies, qu’il ne faut surtout pas négliger.

Face au développement des troupeaux et à la diminution de la main‐d’œuvre disponible, de nombreux éleveurs se questionnent sur l’investissement dans un robot. Les principales motivations sont de se libérer de l’astreinte de la traite, de trouver une solution à un problème de santé (douleurs d’épaules...), ou encore de pouvoir transmettre un outil moderne et attractif. Au-delà du poids de l’investissement, le choix de la traite robotisée aura d’autres conséquences, choisies ou subies, qu’il ne faut surtout pas négliger. Si l’investissement est préalablement chiffré et le mode de financement établi, d’autres éléments qui impacteront durablement le fonctionnement de l’exploitation doivent être mûrement réfléchis, et encore plus en zone de montagne, où les contraintes sont plus fortes. Ce mode de traite implique de nombreux changements. Par exemple, si la surveillance du troupeau se faisait principalement pendant les deux traites, avec le robot il est indispensable de consacrer au minimum deux fois par jour un temps important pour observer les animaux et analyser les données informatiques. De plus, la conduite des vaches au robot représente souvent la principale astreinte (vaches en échec, primipares…). Il faut également prévoir du temps pour repérer les vaches. Les passages d’homme et jeux de barrières doivent être bien étudiés. L’utilisation du robot nécessite d’acquérir de nouvelles compétences (électronique, informatique, analyse de données) et de pouvoir compter sur une autre personne compétente pour intervenir en cas d'absence (associé, famille, voisin…). Une disponibilité permanente, jour et nuit, est nécessaire pour consulter les alertes du robot et intervenir rapidement en cas de problème majeur. Cette astreinte, ainsi que dans certains cas la difficulté à résoudre le problème dans un délai court, peut engendrer un fort stress pour les éleveurs. La proximité d’un opérateur de maintenance est un atout certain. La période suivant la mise en route du robot (d’un à plusieurs mois) est particulièrement délicate car tout le monde doit s’adapter.

Les investissements

Avant de se lancer dans un tel projet, il est indispensable de produire un volume de lait suffisant pour supporter les investissements, partir d’une situation saine et savoir maîtriser ses coûts de production. Le coût d’un robot est d’environ 150 000 – 160 000 € pour une stalle, 250 000 € pour deux robots. Pour la maçonnerie et les tubulaires, il faut compter 20 000 à 30 000 €, pour les portes de tri 5 000 à 8 000€ par porte. Des cellules de stockage d'aliments et des vis à grain sont également à prévoir selon l’existant.

La durée de vie d’un robot de traite n’est pas la même que celui d’une salle de traite. Les concessionnaires de robot annoncent des durées de vie supérieures à dix ans, mais dans les faits beaucoup d’utilisateurs les changent ou les modifient avant, afin de bénéficier des dernières technologies, limiter des frais d’entretien (panne) très onéreux et stressants. Si la comparaison du coût d’un salarié et celui d’un robot est judicieuse, la comparaison entre le prix d’une salle de traite et celui d’un robot afin de faire ses choix d’investissement doit être étudiée sur du long terme car l’impact technico-économique et la durée de vie des outils ne sont pas les mêmes. Sur les robots, les réparations non prévues peuvent être lourdes en plus de l’entretien normal. Le montant des reprises des vieux modèles est aléatoire.

Lorsque les chefs d’exploitation ne sont plus motivés par la production laitière et souhaitent se délester de l’astreinte des traites, cela s’avère compliqué car le projet robot demande un suivi du troupeau encore plus rigoureux.

La saturation des stalles

On est tenté de saturer le fonctionnement du robot avec parfois une augmentation de l’effectif. Cela peut conduire à des situations tendues si les ressources fourragères et les places en bâtiment ne sont pas en face. Attention, l’accroissement d’effectifs des vaches laitières et/ou l’élevage de plus de génisses modifie le chargement et le droit aux aides ICHN. Le choix entre l’élevage des génisses ou l’achat d’une partie du renouvellement doit en tenir compte.

L’alimentation

L’augmentation de la productivité des vaches observées avec un robot nécessite l’augmentation de l’ingestion en fourrages (recherche d’optimisation de la qualité) et concentrés. Généralement, la consommation des concentrés augmente avec la distribution en robot (distribution d’un minimum de concentrés pour attirer les vaches au robot, 1 à 1,5 kg par jour).

Cela se traduit par une augmentation du coût du concentré (environ 10 € / 1 000 l), davantage accentuée si le concentré fermier est remplacé par de l’aliment du commerce.

Santé et qualité du lait

Il est indispensable de démarrer avec un troupeau sain. Parfois, le taux cellulaire augmente, surtout lors de la mise en route du robot. C’est une des premières préoccupations des éleveurs en système robot. Cela peut entraîner un taux de renouvellement supérieur et une pénalisation du prix du lait. On peut observer une augmentation de la lipolyse et des spores butyriques. L’utilisation d’un robot impose une hygiène très stricte : plus de propreté des vaches et des mamelles, un bon réglage du nettoyage des trayons et un lavage régulier de la stalle (plusieurs fois par jour). Le raclage et le parage doivent être plus fréquents pour éviter les problèmes de pieds si les vaches restent plus longtemps dans le bâtiment.

Réforme et renouvellement

Le taux de réforme est en moyenne supérieur de 3 % avec un robot en raison de cellules, de la morphologie mamelle, du caractère (adaptation au robot).

Organisation du bâtiment

Le robot doit être judicieusement placé et le bâtiment aménagé pour une bonne circulation des animaux, avec la prise en compte de l'accès aux parcelles de pâturage. La circulation des animaux étant un point clé de la bonne fréquentation du robot, le bâtiment doit être adapté et éventuellement aménagé avant l’arrivée du robot. Si les animaux sont amenés à passer plus de temps dans le bâtiment, certains aménagements peuvent être nécessaires pour assurer confort et propreté des vaches : plus de paille, ventilateurs, racleurs, repousse fourrage, brosses, brumisateurs... L’installation électrique doit être soigneusement faite pour éviter tout problème et courant parasite (stressant pour les animaux).

Vêlages

Pour optimiser la fréquentation du robot, un étalement des vêlages est préconisé, mais cela ne s’improvise pas. Effectivement, il peut modifier la répartition des livraisons de lait et donc le prix payé (selon les grilles). Il impacte également toutes les tâches liées à la reproduction : observation des chaleurs, inséminations, mises bas, élevage des jeunes.

Évolution des charges

Le poste électricité est deux fois plus important avec un robot qu’avec une salle de traite (2 × 5 postes). Les dernières technologies de robot permettent d’améliorer ce point. Concernant la consommation d’eau, on ne note globalement pas de consommation supplémentaire. Le coût de maintenance est de 5 000 à 8 000 € par robot selon le niveau de prestation, sans compter les éventuelles pannes onéreuses après des années de fonctionnement.

Le coût alimentaire augmente de 6 à 10 € / 1 000 l et les frais vétérinaires et d’élevage sont équivalents ramenés aux 1 000 l de lait.

Jean‐Pierre Monier, Chambre d’agriculture de la Loire, en lien avec le réseau d’élevage régional Inosys

Image
Le robot doit être judicieusement placé et le bâtiment aménagé pour une bonne circulation des animaux.

Robots de traite / Pâturage : les points de vigilance

Lors de l’étude en vue d’installer un robot de traite, la question du pâturage ne doit pas être oubliée. Le maintenir ou le réduire entraînera des conséquences.

Le maintien du pâturage passe par une volonté de l’éleveur, car la gestion peut être plus compliquée et soumise à des conditions : distribution du fourrage complémentaire, robot proche de la sortie du bâtiment et porte(s) de tri, chemins d’accès aménagés, parcelles pâturées à 800 mètres maximum (400 m si la topographie est accidentée). Une rotation rapide des pâtures est nécessaire (lorsque la météo le permet) de façon à offrir en permanence une herbe de qualité, source d’attraction pour les vaches. L’intervention de l’éleveur est fréquente pour ramener les vaches « qui traînent » au robot. Globalement, moins le robot est saturé (moins de 50 vaches à la traite par stalle), moins la gestion de la pâture sera contraignante. A contrario, un nombre plus élevé d’animaux par stalle imposera des aménagements et davantage d’interventions de l’éleveur. Au-delà d’un certain nombre d’animaux par stalle (plus de 65, tout dépend de l’efficacité du robot), le pâturage sera compliqué à gérer et ne représentera qu'une faible part de l'alimentation. Si les investissements initiaux pour un robot sont chiffrés par des devis, la réduction du pâturage peut entraîner des conséquences significatives, souvent non prises en compte dans le coût du projet. Réduire le pâturage impose de stocker davantage de fourrages. Un bilan fourrager est donc indispensable pour s’assurer que les surfaces récoltables sont suffisantes et envisager une modification des rations. La question de l’utilisation des prairies non mécanisables qui étaient précédemment pâturées par les vaches est primordiale. La surface en cultures peut être imputée au bénéfice de fourrages, ce qui entraînera une diminution de l’auto‐consommation (grain et paille) qui devra être compensée par des achats et/ou une baisse des ventes de céréales. Une part minimale de pâturage dans certains cahiers des charges est parfois un frein. L’augmentation de la surface récoltée au détriment de la surface pâturée entraînera une hausse des charges de mécanisation (carburant, entretien du matériel, travaux par tiers…) et peut s’accompagner de nouveaux investissements : autochargeuse (récolte en vert), construction de silos et/ou agrandissement des bâtiments de stockage, agrandissement des ouvrages de stockage des effluents (mise aux normes), renouvellement du parc matériel (tracteur, chaîne de récolte). Si les prairies libérées ne sont pas fauchables, il faudra les valoriser par d’autres animaux (vaches taries, génisses, animaux allaitants, pension). Dans ce cas, la charge de travail augmente et le bilan fourrager peut être affecté.

Jean‐Pierre Monier, Chambre d’agriculture de la Loire. En lien avec le réseau d’élevage régional Inosys

Installation du robot / Anticiper, puis assurer la transition

Avant d’installer un robot, il faut anticiper. Les années précédentes, la génétique et le choix des réformes doivent être davantage orientés sur la conformation des mamelles. Il faut aussi anticiper l’élevage de génisses en vue d’un renouvellement plus important les premières années. Si les vêlages sont groupés, anticiper également l’étalement des vêlages pour éviter la surcharge du robot. Une bonne capacité d’investissement et une trésorerie saine sécuriseront le projet. En cas de changement de système fourrager, anticiper l’année précédente sur les stocks nécessaires et adapter l’assolement.

Puis, une fois le robot installé, la période d’adaptation des vaches au robot peut durer plusieurs mois. Il est indispensable que l’éleveur soit bien conscient de cette contrainte et se rende entièrement disponible la première année pour conduire certaines vaches au robot, à la pâture, se familiariser avec le matériel et les indicateurs informatiques.