ELEVAGE
Histoire d’une conversion à l’agriculture biologique réussie

Marc Labille
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À Saint-Martin-du-Tartre, le Gaec Pingeot a choisi la conversion au bio pour tirer le meilleur parti de ses terrains séchants tout en optimisant ses coûts de production. Jouant sur les synergies entre cultures et élevage, les associés ont opté pour une réduction du nombre de vêlages couplée à une production de bœufs et de femelles grasses.

 Histoire d’une conversion à l’agriculture biologique réussie
Désormais, les mâles nés sur l’exploitation sont conduits en bœufs pour une commercialisation à trois ans.

À Saint-Martin-du-Tartre (Saône-et-Loire), le Gaec Pingeot compte quatre associés sur une exploitation diversifiée dans l’élevage allaitant, les grandes cultures et la vigne. D’origine picarde, la famille Pingeot est arrivée en 2009 en Saône-et-Loire. En reprenant leur nouvelle exploitation bourguignonne, elle a conservé les productions historiques de la ferme avec engraissement des charolais et cultures de vente. Avec l’installation des deux fils, la structure a atteint 160 vaches charolaises, 173 ha de cultures et 3 ha 85 de vignes en cave coopérative. En 2019, le Gaec a décidé d’un changement d’orientation en se lançant dans une conversion en agriculture biologique.

C’est le potentiel limité et le caractère séchant de leurs terres de zones intermédiaires qui a inspiré le choix du bio aux associés. « En conventionnel, les cultures impliquent trop d’argent à engager pour un rendement qui peut tomber de moitié à la moindre sécheresse », explique Benoît Pingeot. Conduites à peu de frais, les cultures ont été diversifiées (tournesol, soja, féverole, pois en plus des colzas, blé et cultures fourragères). Les cultures de printemps ont pris plus d’importance et, acceptant le principe « qu’il y a toujours une culture qui échoue en bio », les exploitants bénéficient d’une meilleure valorisation de la vente des graines bio.

90 vêlages à la place de 160

Sur son exploitation diversifiée, le Gaec s’est donné comme objectif « d’aller chercher le plus possible la convergence entre les ateliers », confie Benoît. C’est d’ailleurs un impératif en bio puisque le cahier des charges implique nécessairement une baisse de productivité. Elle est compensée par les prix de vente, fait valoir le jeune agriculteur qui estime que c’est aussi « la synergie entre élevage et cultures qui permet d’être bon. Et il faut maîtriser les coûts de production », complète-t-il. Le passage au bio se traduit par une transformation drastique de l’atelier bovin. De 160 vêlages, ce dernier est passé à 90 pour une surface en herbe identique. En dépit de cette chute du nombre de vaches allaitantes, le chargement à l’herbe est à peine inférieur. En effet, à la place des taurillons et des génisses primeurs engraissées en bâtiment et vendues avant 18 mois, le Gaec produit désormais des bœufs et des génisses qui sont finis à l’herbe jusqu’à trois ans.

Objectif 100 % autonomie alimentaire

L’objectif est d’être à 100 % d’autonomie alimentaire. Depuis 2010, le Gaec se fait conseiller par un nutritionniste indépendant. Cette intervention a un coût, convient Benoît, mais le jeu en vaut la chandelle tant le regard extérieur d’un expert est important dans un élevage, justifie-t-il. De leur vie d’éleveurs laitiers en Picardie, les Pingeot ont conservé l’habitude de récolter de l’herbe jeune et verte. L’ensilage d’herbe est le fourrage principal au Gaec Pingeot. Il est récolté sur les prairies permanentes de l’exploitation dont la pousse est précoce au printemps. Les associés font en sorte de récolter une herbe riche avec l’objectif de ne distribuer aucun concentré aux vaches et aux jeunes femelles. La valeur de leur ensilage d’herbe s’élève à 0,80 à 0,85 UFL par kg de matière sèche et la richesse en azote atteint 12 à 13,5 %, détaille Benoît dont les vaches après vêlage reçoivent 22 kg d’ensilage d’herbe + 5 kg d’ensilage de luzerne et ray gras + 2 kg de foin.

La betterave remplace le maïs ensilage

Le Gaec s’est remis à cultiver des prairies temporaires (20 ha de luzerne + 11 ha de ray gras/trèfle) pour remplacer le maïs ensilage.  « Le maïs nous coûte trop cher à produire en bio », résume Benoît. Avec l’arrêt du maïs, la ration d’engraissement a changé avec l’incorporation d’ensilage de ray gras/trèfle et de luzerne. Du triticale complète la ration et surtout de la betterave fourragère. L’ensilage de prairies temporaires apporte ainsi la richesse en protéine et la betterave compense avec de l’énergie. Cette dernière couvre 4 ha. La récolte intervient au mois d’octobre. Les racines sont stockées sous un hangar, protégées du gel par de la paille. « Elles doivent être consommées avant le mois d’avril », indique le jeune éleveur. Les betteraves broyées sont incorporées à la ration dans la mélangeuse-distributrice de l’exploitation. « Une fois les bêtes familiarisées avec ce nouvel aliment, elles en deviennent gourmandes », informe Benoît.

Revenu préservé

Le virage pris par l’exploitation est un nouveau défi pour la famille Pingeot. Le passage de 160 à 90 vaches allaitantes devrait se traduire par une baisse de revenu somme toute relative. De fait, une baisse de chiffre d’affaires de l’ordre de 40 000 à 50 000 € est attendue pour les bovins, calcule Benoît. Mais dans le même temps, l’exploitation économisera 20 000 € de tourteaux, 15 000 € d’engrais sur les prairies plus des frais vétérinaires… La baisse de revenu devrait donc être en partie compensée par les grandes cultures dont la surface augmente et dont les prix de vente en bio compensent la baisse de rendement. Les vêlages en moins ont aussi permis la reprise d’un hectare et demi supplémentaire de vigne, complète Benoît, qui constate aussi le gain en qualité de vie généré par la réduction du nombre de vêlages. Moins d’astreinte, une meilleure surveillance, des animaux moins serrés dans les cases et donc un meilleur état sanitaire…

Marc Labille

Pâturage tournant et stock sur pied

Le Gaec Pingeot pratique le pâturage tournant pour ses bovins. Avec cette technique qui consiste à exploiter une herbe toujours jeune et riche, l’objectif est de pouvoir faire pâturer jusqu’au 14 juillet, ce malgré des terres très séchantes. En exploitant mieux la pousse de l’herbe, le pâturage tournant permet aussi de réaliser davantage de stocks. Sans compter qu’en nourrissant les bêtes avec moins de surface pâturée, cela permet de produire plus de cultures à vendre, fait valoir Benoît. Le Gaec Pingeot pratique également le report d’herbe sur pied. Sur des prairies en pâturage tournant, la technique consiste à mettre de côté une parcelle dont l’herbe est trop haute pour en disposer en période de sécheresse. Le fait de laisser pousser une parcelle d’un îlot en pâturage tournant est une technique classique pour faire face à la pousse printanière. La parcelle sert souvent à faire du stock de foin ou d’enrubannage. Dans le cas du report d’herbe, les vaches sont lâchées directement dedans en cas de pénurie d’herbe. « Dans nos régions où la pousse se fait au printemps, c’est une solution très intéressante et surtout économe, plutôt que de récolter du foin pour le redistribuer après », confie Benoît Pingeot. En 2020, ce procédé a permis aux associés de gagner entre 15 jours et un mois de pâturage supplémentaire sans distribution de fourrage au pré.

M.L