ÉNERGIE
Méthavéore, pionnier de l’injection de biogaz

Sophie Sabot
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Fin octobre, la société Méthavéore, implantée à Étoile-sur-Rhône dans la Drôme, a fêté ses « un an » d’injection de gaz vert dans le réseau GRDF. Retour sur ce projet porté par trois agriculteurs.

Méthavéore, pionnier de l’injection de biogaz
La phase liquide du digestat (photo) est épandue et enfouie par un prestataire, tandis que la phase solide est utilisée comme un compost.

Ils sont trois à la tête de la société Méthavéore, premier site de méthanisation raccordé au réseau GRDF en Drôme : Carine et Olivier Courtial, qui exploitent respectivement 90 et 180 ha en grandes cultures, semences et ail autour d’Étoile-sur-Rhône, et Bruno Bouchet, à la tête de 180 ha en grandes cultures, semences et vignes à Livron. Ensemble, ils se sont lancés dans l’aventure de la méthanisation avec un objectif prioritaire : devenir autonomes sur la fertilisation de leurs cultures grâce au digestat, coproduit de la production de biogaz.

Les cultures intermédiaires indispensables

« Aujourd’hui notre unité fonctionne avec 60 à 65 % de biomasse issue de nos cultures intermédiaires à vocation énergétique (Cive) et 35 à 40 % de matières exogènes type épluchures de légumes, déchets de la transformation de fruits, écarts de tri de nos collègues maraîchers… », expliquent les associés. Pour produire les Cive, les trois agriculteurs ont dû adapter leurs assolements. Seigle, triticale et parfois légumineuses sont semés en interculture et récoltés au printemps. Le sorgho à cycle court est, lui, implanté après les blés durs et récolté avant les premières gelées. L’ensilage issu de ces cultures est stocké à proximité des digesteurs et incorporé quotidiennement. « Nous disposons sur le site d’une capacité de stockage des matières solides de 12 000 m³, indique Bruno Bouchet. Nous stockons environ 7 500 tonnes, soit 8 000 m³ d’ensilage que nous produisons. » Les jus sont récupérés dans des cuves enterrées et incorporés également dans le digesteur. Sur les produits provenant de l’extérieur, les associés insistent : « Nous ne cherchons pas des gisements opportunistes mais des partenariats stables avec nos fournisseurs ». En fonction des matières introduites, préserver l'équilibre biologique à l'intérieur des cuves est en effet un exercice délicat.

Valorisation du digestat

Les deux digesteurs du site fonctionnent en permanence. Le premier est alimenté quotidiennement en matières nouvelles (environ 30 m³ / jour). Il permet de produire 70 % du biométhane. Le second joue le rôle de post-digesteur, où la matière est transférée pour terminer sa dégradation, et d’où seront issus les 30 % restants de gaz. Ce biométhane sera ensuite épuré avant d’être odorisé [le méthane est un gaz inodore, d’où la nécessité de lui ajouter du THT à odeur soufré pour le rendre détectable en cas de fuite, ndlr] puis distribué dans le réseau via le poste d’injection GRDF situé sur le site.

À l’autre bout de la chaîne, le digestat va permettre de fertiliser les cultures. La phase liquide est épandue et enfouie par un prestataire, tandis que la phase solide est utilisée comme un compost. « Notre objectif est d’arriver avec ces produits à 70 % d’autonomie en termes de fertilisation sur nos trois exploitations », précise Carine Courtial.

Créer de l’emploi

Le site Méthavéore n’a pas encore atteint sa pleine capacité de production, estimée à plus de 18 millions de kilowattheures, soit la consommation annuelle en chauffage de 4 500 logements neufs. « Nous avons conçu le projet de manière à pouvoir monter en puissance sans avoir à réaliser de nouveaux travaux lourds », poursuit l’exploitante. Avec ses associés, elle assure la surveillance et le fonctionnement quotidien du site, 7 jours sur 7, sous forme d’astreintes. « Le but de ce projet, c’est aussi de créer de l’emploi. Pour l’instant, nous avons embauché sur nos exploitations pour dégager le temps nécessaire à la méthanisation, confie Carine Courtial. Mais à terme, nous espérons transmettre ce savoir. »

Sophie Sabot

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« C’est une aventure pour trois agriculteurs d’avoir entre les mains un outil de haute technologie comme celui-ci », reconnaît Olivier Courtial (au premier plan), ici avec Carine Courtial et Bruno Bouchet.