DÉFENSE DES TROUPEAUX
Chiens de protection, une filière génétique à construire

En 2021, l’Idele a démarré une campagne de recensement des chiens de protection pour mieux connaître leur effectif, leurs caractéristiques et comportements dans les activités de défense des troupeaux. L’objectif à moyen terme est de constituer un réseau d’éleveurs-naisseurs professionnels, afin de structurer une filière de référence et d’améliorer la sélection génétique pour obtenir des chiens plus performants.

Chiens de protection, une filière génétique à construire
Barbara Ducreux, référente pour la campagne de recensement des chiens de protection à l’Idele.

Structurer une filière génétique professionnelle pour les chiens de protection : c’est l’objectif vers lequel se dirige doucement mais sûrement l’Institut de l’élevage (Idele). En accompagnant les éleveurs dans leur choix de chiens de protection ou la gestion de conflits au sein de l’élevage, l’Idele leur permet d’anticiper au maximum d’éventuels problèmes d’adaptation au sein du troupeau ou de comportement avec les usagers de la montagne.

75 éleveurs recensés en un an

« Depuis 1983, l’Idele anime le réseau technique de référence des chiens de conduite. La prédation du loup s’installant dans de nombreux départements français, c’est en toute logique que nous avons souhaité travailler sur les chiens de protection », explique Barbara Ducreux, coordinatrice du réseau national de recensement des chiens de protection. En dehors des techniciens de la Pastorale pyrénéenne, association qui introduit depuis plus de vingt ans le chien montagne des Pyrénées (patou) dans les élevages caprins et ovins du massif, l’Idele s’est aperçu « qu’ailleurs en France, il n’y avait pas vraiment de travail pour accompagner les éleveurs dans leur choix de chien de protection. », ajoute-t-elle. Cette première campagne de recensement qui a eu lieu en 2021 a, pour l’heure, permis d’aller à la rencontre de 75 éleveurs installés sur les principales zones de prédation. Ils avaient pris contact de manière spontanée avec l’Idele. Une petite trentaine de relais locaux dont six référents formateurs (voir article ci-dessous) ont intégré le réseau technique de référence sur les chiens de protection1. « Il faut compter environ une demi-journée par chien recensé. Le recenseur n’observe que les chiens d’au moins 18 mois qui travaillent sur des troupeaux (ovins, caprins, volailles, camélidés, bovins), quel que soit le système d’élevage. Lorsque le formateur se déplace, il a besoin de connaître quelques informations clés sur l’identité du chien, ses principales caractéristiques physiques, son environnement de travail, les conditions d’introduction au troupeau à son arrivée et les qualités et défauts que lui trouve l’éleveur », indique la référente du réseau. Ces informations seront par la suite enregistrées dans une base de données informatique sécurisée dont les premières informations seront disponibles cet été. Son accès est limité aux recenseurs dans un but purement technique ou de recherche, en accord avec l’éleveur.

Pas de chiens « prêts à l’emploi »

Depuis un an, le constat réalisé par l’Idele est plutôt unanime : « lorsque les éleveurs font appel au réseau, les problèmes sont souvent déjà bien installés. Encore peu ont le réflexe de nous solliciter avant de prendre un chien de protection… Ça arrive mais c’est rare ! » souligne Barbara Ducreux. Prévenir plutôt que guérir, l’adage n’est donc pas encore bien suivi au sein des élevages mais, d’après les formateurs, le bouche-à-oreille et une connaissance plus large du réseau technique sur le territoire national devraient permettre de capter davantage l’attention des futurs installés. « Trouver des chiens adultes prêts à l’emploi, ça n’existe pas ! Trop souvent on a tendance à croire qu’ils s’adapteront mais il faut bien comprendre une chose : plus tôt le chiot aura été en contact avec les animaux de la ferme, meilleure sera son adaptation au troupeau et donc la défense qu’il pourra lui apporter. Tout ce que le chiot n’a pas vécu au troupeau, c’est du temps de perdu : les bruits, les odeurs, l’environnement… Le chien de protection, on devrait le voir comme un animal de rente, estime-t-elle, il faudrait que l’éleveur ait les mêmes exigences que lorsqu’il constitue son élevage. »

Une filière génétique à construire

À moyen terme, le but de cette campagne de recensement est aussi de créer un réseau d’éleveurs-naisseurs de chiens de protection adhérant à une charte nationale des bonnes pratiques d’élevage (absence de sevrage précoce, accouplements raisonnés, bonnes conditions d’élevage et de familiarisation à l’humain). Cela passerait par une reconnaissance du métier de l’éleveur de chiens de protection mais aussi par la définition d’un prix minimum de vente pour un chiot de deux mois, prêt à rejoindre l’élevage, estimé par l’Idele entre 500 et 600 €. « Tout le travail de recensement que nous sommes en train de réaliser va nous permettre de repérer les différentes généalogies, qu’elles soient pures ou croisées, d’analyser les qualités et les défauts d’un maximum de chiens sur plusieurs générations. Nous remarquerons, peut-être, à terme, que certaines lignées sont plus simples à mettre en place que d’autres ou plus performantes selon les caractéristiques recherchées… », précise Barbara Ducreux. Et d’ajouter : « L’idée, c’est vraiment de mettre entre les mains des éleveurs les chiens les plus maniables possible pour défendre en premier lieu le troupeau. Le loup se rapproche de plus en plus des habitations, alors l’autre critère essentiel pour les éleveurs, c’est que leur chien soit aussi sociable pour appréhender les passants et ne pas engendrer de conflits dans les villages… ».

1. Le réseau technique de référence sur les chiens de protection est labellisé et soutenu par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation

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