INTERVIEW
Yves Lachenal : " Si votre chien n’est pas au troupeau, ça ne fonctionnera pas ! "

Yves Lachenal est référent formateur du réseau technique de référence sur les chiens de protection à l’Idele. Il accompagne les éleveurs dans leurs choix lorsqu’ils souhaitent introduire un chien dans leur élevage. Il les conseille aussi lorsqu’ils sont confrontés à des comportements parfois inadaptés ou conflictuels avec les animaux de rente ou les passants.

Yves Lachenal : " Si votre chien n’est pas au troupeau, ça ne fonctionnera pas ! "
Yves Lachenal a accompagné une quinzaine d’éleveurs en 2021. Il intervient en Savoie, Haute-Savoie, Ain, Rhône et Loire.

Vous êtes éleveur de chèvres installé au bord du massif des Bauges en Haute-Savoie. Quand et comment avez-vous commencé à vous intéresser aux chiens de protection ?

Yves Lachenal : « En tant qu’ancien président de l’association de sauvegarde des chèvres de Savoie, les chiens de troupeau font partie des sujets qui me parlent. J’ai toujours eu des chiens de conduite depuis que j’exerce mon métier, je nourris une vraie passion pour cet animal. En 2004, j’ai décidé de suivre une formation sur les chiens de protection organisée par la DDT de Savoie. L’année suivante, j’ai investi dans mon premier chien protection. Le timing était bon car, en 2006, le loup a commencé à montrer le bout de son nez sur notre territoire. J’ai été l’un des premiers à prendre un chien de protection sur le territoire et je peux vous dire qu’à l’époque c’était vraiment vu d’un mauvais oeil. Pendant longtemps on a nié le problème du loup et si l’on se protégeait avec un chien, cela voulait dire que l’on cautionnait et acceptait sa présence… Aujourd’hui, le loup est devenu plus insidieux, les attaques sont plus subtiles et difficiles à prévoir. Les mentalités ont changé sur le sujet. À ce jour, j’ai trois chiens croisés montagne des Pyrénées et berger d’Anatolie, et tout se passe très bien. Depuis 2005, j’ai dû perdre trois bêtes prédatées par le loup. »

Sur quoi vos interventions portent-elles précisément ?

Y.L. : « Avec un réseau de référents formateurs, je dispense des formations (finançables dans le cadre du plan loup) mais surtout du conseil individuel, souvent par téléphone, pour accompagner les éleveurs confrontés à des problèmes de prédation, d’adaptation ou de comportement de leur(s) chien(s) de protection. C’est le cas des trois quarts des éleveurs qui font appel à nous. Neuf fois sur dix quand on intervient, on cherche à résoudre des problèmes qu’ils n’auraient pas eus s’ils avaient suivi une formation. Quand vous introduisez un chien de protection parce que vous avez subi une attaque, le mal est déjà fait : le troupeau est stressé et sûrement l’éleveur aussi. Ce que j’essaie d’expliquer, c’est que la clé de la réussite, c’est l’anticipation mais pour le moment les jeunes installés ne s’en rendent pas vraiment compte. Nous réfléchissons à organiser des interventions dans les lycées agricoles pour que les futurs éleveurs aient tous les renseignements nécessaires avant de s’installer. Nous observons aussi que certains chiens ont des soucis de comportement : il arrive qu’ils jouent ou mordent les animaux de rente, qu’ils ne restent pas au troupeau s’échappant même de l’élevage, qu’ils aient un mauvais comportement avec les passants… Tout cela dépend de l’adaptation du chien à la ferme et de sa sociabilisation à l’humain qui se jouent dans les toutes premières semaines de vie en communauté. »

Quels conseils donneriez-vous à un éleveur qui souhaite investir dans un chien de protection ?

Y.L. : « L’important pour qu’un chien soit efficace, c’est qu’il passe 365 jours par an avec son troupeau. Le mieux encore, c’est qu’il soit né en bergerie et qu’il ait été confronté aux bruits, aux odeurs et aux animaux de la ferme dès ses tout premiers jours. C’est en ce sens que le naisseur a un vrai rôle à jouer. Ce à quoi il faut être vigilant, c’est aussi à la période de l’année à laquelle l’éleveur fait rentrer son chien dans l’élevage. Dans l’idéal, il faut privilégier des mises bas en fin d’automne pour que les chiens soient en entrée d’hiver avec le troupeau. L’arrivée peut se faire à une autre période de l’année du moment où un lot reste en bergerie avec le chiot. Une chose est sûre : si votre chien n’est pas au troupeau, ça ne fonctionnera pas ! Autre point : il faut combattre cette idée que le chien de protection doit être absolument agressif. C’est une idée reçue dont on a du mal à se débarrasser. Le plus important reste de cerner les besoins de l’éleveur, d’analyser son caractère pour lui trouver le chien le plus adapté à sa personnalité mais aussi au quotidien de son troupeau. On le met ensuite en relation avec des éleveurs de chiens de protection qu’on sait sérieux. L’aspect physique du chien peut aussi jouer un rôle important dans le choix de l’éleveur. Il se peut qu’il matche avec une race plutôt qu’une autre. Le plus important, c’est que les bases soient posées pour que la confiance entre l’éleveur et son chien soit bien ancrée et dure dans le temps. »

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