PRÉDATION
Loup : agir, et vite !

Mylène Coste
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Davantage de réactivité de la part de l’État face à la prédation du loup : c’est ce qu’ont réclamé les éleveurs, lors d’une  visite de terrain organisée le 8 juin à Mézilhac par JA Ardèche. Jean-Paul Celet, préfet référent national sur la politique du loup, a pris des engagements.

Loup : agir, et vite !
Une vingtaine d'éleveurs étaient le 7 juin réunis à Mézilhac, sur l'exploitation de Baptiste Teyssier, éleveur ovin touché par des attaques de loups début mai.

11 brebis tuées, 2 euthanasiées et 42 touchées. Voilà le bilan morbide constaté par les éleveurs à l’issue des 6 nuits meurtrières qui ont frappé plusieurs élevages de Mézilhac et Marcols-les-Eaux, entre le 7 et le 14 mai. Déjà, en avril, une trentaine d’ovins sont morts sous les crocs du loup, entre le Coiron et l’Escrinet. 

« Le loup ou les éleveurs, il va falloir choisir. » Tel était, grosso modo, le message adressé à Jean-Paul Celet. Malgré la période de réserve électorale, ce dernier a accepté de faire le déplacement à Mézilhac face à l’urgence de la situation. « Je répondrai uniquement aux questions techniques », a-t-il prévenu. 

Face à la colère des éleveurs, il a souligné : « Il y a déjà eu des choses de faites : le secteur éligible aux aides du cercle 2 du plan loup a intégré de nouvelles communes ». « Mais Mazan-l’Abbaye et Montselgues  ont été oubliées ! », a rétorqué Nathalie Soboul, présidente de JA Ardèche.

Des délais « beaucoup trop longs » !

David Issartel s’est installé il y a peu à Mézilhac. Et, déjà, son troupeau a subi des attaques : « Comment ne pas être découragé ? » Il pointe le manque de réactivité de l’État : « Après les attaques, il s’est passé 16 jours pour que je reçoive l’autorisation de tir de défense ! C’est inacceptable ». Référent sur le dossier Prédation à JA Ardèche, Benoit Breysse complète : « On sait que les 48 heures qui suivent les attaques sont décisives quant à l’efficacité des tirs de défense ». Fabrice Brun, député de l’Ardèche, enchaine : « Il faut plus de réactivité, à tous les étages de l’administration ! Le loup est une espèce en voie de multiplication. Il faut le prélever autant que nécessaire ».

"Il faut marcher tous dans la même direction, et nous y veillerons", s'est engagé le préfet référent national plan loup, Jean-Paul Celet.

Un relief difficile à protéger

La mise en place des moyens de protection (clôtures électriques, patous) est un préalable nécessaire pour pouvoir obtenir une autorisation de tirs de défense. Or, ces moyens de protection sont inadaptés à l’Ardèche. « Nos pâturages sont constitués de parcelles morcelées, avec des pentes et du relief. Vouloir tout clôturer, c’est impensable ! », juge Mickaël Giraud, vice-président du syndicat départemental ovin (SDO). Les syndicats agricoles demandent à ce que la non-protégeabilité des parcs soit reconnue. Une requête difficilement entendable pour Jean-Paul Celet : « Administrativement, la non-protégeabilité concerne la parcelle, et non le troupeau. » 

En attendant, les éleveurs rentrent leurs bêtes tous les soirs, alors que la période est propice au pâturage et que les brebis mangent la nuit. « Où est le bien-être animal quand on doit rentrer ses bêtes dans une bergerie où il fait 40 °C ? C’est une aberration », estime Baptiste Teyssier, éleveur ayant connu des attaques et maire de Mézilhac. 

Quant aux tirs de défense, ils ne sont efficaces que si l’agriculteur est formé. Mickaël Giraud affirme : « Moi, je ne sais pas tirer un sanglier en plein jour, comment voulez-vous que j’y parvienne pour le loup, en pleine nuit ?! On est éleveurs, pas chasseurs ! Nous avons besoin des louvetiers ! »

Édouard Pierre, éleveurs dans les Hautes-Alpes et référent national sur le dossier Prédation chez JA , était aux côtés des éleveurs ardéchois.

Bataille de chiffre

Le suivi national des loups a également été remis en cause par les syndicats. Selon eux, les chiffres de l’OFB (office français de la biodiversité) – qui a dénombré autour de 624 loups en 2021 – sont largement sous-estimés. C’est pourquoi ils réclament un comptage contradictoire. « J’ai demandé à l’OFB davantage de transparence sur les méthodes de comptage, dans chaque département, a assuré Jean-Paul Celet. Jusqu’en 2018, la population de loups augmentait de 20 % par an en France ; l’an dernier, elle n’a augmenté que de 8 %. Il y a donc des progrès, grâce aux mesures de protection et au protocole de tirs que nous avons mis en place. On ne peut pas dire que cela ne marche pas ! » 

"J’ai demandé à l’OFB davantage de transparence sur les méthodes de comptage"

Outre la bataille sur les chiffres, une méfiance s'est progressivement installée chez les éleveurs à l'égard de l’OFB. « Les agents de l’OFB posent des pièges photo dans les exploitations, mais les éleveurs ne savent même pas où, et ne reçoivent aucune photo », commentait un agriculteur. « Mon souci est qu’il n’y ait plus de méfiance envers les agents de l’OFB, a affirmé Jean-Paul Celet. Il faut marcher tous dans la même direction, et nous y veillerons. »

M.C.

« C’est très traumatisant pour mes enfants »

Karine Nury, éleveuse ovin à Mézilhac, a subi des attaques début mai. Elle témoigne.

« La nuit du 8 mai, sur mon exploitation, le loup a tué 9 brebis et blessé 13 autres. Et nous avons obtenu les tirs de défense… 13 jours après notre demande ! Comment ne pas être en colère ? Quand on aime ses bêtes, c’est très dur psychologiquement. C’est du stress pour notre troupeau, avec de gros risques d’avortements. Je suis aussi maman, et c’est très traumatisant pour mes enfants. Comment je leur explique que le loup est là, qu’il a tué des bêtes ? »

La brigade loup déployée en Ardèche

C’est l’une des seules promesses significatives formulées par Jean-Paul Celet. Durant toute cette semaine, la brigade loup est déployée en Ardèche afin de former 20 louvetiers au prélèvement de loups et venir en aide aux éleveurs pour les tirs de défense. 

Quid des bovins ?

Quid des bovins ?

Plusieurs éleveurs affirment que le loup a également attaqué des bovins. C'est le cas de David Issartel, qui a perdu un veau de six jours suite aux attaques du grand prédateur. Toutefois, l’expertise n’a pas reconnu cette attaque. « La question des attaques sur bovins est à prendre en compte dans le futur plan loup, assure Jean-Paul Celet. En attendant, j’ai fait reconnaitre que le loup s’attaque différemment aux ovins qu’aux bovins, le diagnostic doit être différent. Sur bovin, les morsures au cou mais également à l’arrière-train peuvent être prises en compte. Si elles ne le sont pas, il faut me le faire remonter ! »