IRRIGATION
Sans eau, pas d’agriculture

Sec, chaud et meurtrier. L’été 2022 provoquera-t-il un électrochoc sur la question de l’eau ? C’est ce qu’espèrent JA et FDSEA de l’Ardèche, qui ont réuni le préfet de l’Ardèche et plusieurs élus sur le terrain, le 31 août.

Sans eau, pas d’agriculture
Les élus se sont réunis au barrage des Collanges. Porté par le ministre Edgard Pisani et les élus locaux, cet ouvrage a été mis en service en 1983 avec trois vocations : apporter des réserves d’eau pour l’irrigation agricole en période d’étiage, produire de l’électricité et participer à l’attrait touristique.

 « Quand je vois cet ouvrage, je me dis que les anciens ont été visionnaires », soulignait Christel Cesana, devant le barrage des Collanges. Situé dans l’Eyrieux, ce barrage est doté d’une capacité de 1,6 millions de m3 et a permis à son aval de résister, tant bien que mal, à la sécheresse estivale.

André Moins, président de l’association des irrigants de l’Eyrieux, souligne : « Dans les années 1970, quand le projet a émergé, il avait déjà vocation à sécuriser les besoins agricoles en eau lors des sécheresses. Mais depuis sa création, il est critiqué et menacé de démolition. Pourtant, lorsqu’on voit que toutes les rivières du département sont asséchées, on voit bien son intérêt. »

« 30 à 40 agriculteurs ont pu irriguer cet été »

Durant l’été, en dépit du soutien d’étiage, le débit de la rivière Eyrieux en aval du barrage des Collanges a atteint des niveaux historiquement faibles. Il a toutefois a permis à 30 à 40 agriculteurs de continuer à irriguer le minimum vital. « Le soutien d’étiage a aussi bénéficié au tourisme et aux activités nautiques, souligne André Moins. La nappe d’accompagnement du barrage alimente aussi 5 communes dont 4 campings, soit plus d’un million de personnes entre juin et octobre ! Il est vital pour le territoire. »

« Ce barrage, on va le maintenir »

Le président du Département Olivier Amrane s’est engagé : « Ce barrage, on va le maintenir. On va réactiver une vanne pour le nettoyer mais on ne le détruira pas, même si on pourrait toucher des subventions pour ça ! Il poursuit : « Plus largement, il va falloir trouver des moyens de stocker l’eau l’hiver et pour cela, il faut réunir tout le monde autour de la table. C’est l’objet des assises de l’eau qu’on organisera le 20 septembre. »

« Si cet hiver on n’avance pas, on est morts ! »

Sylvain Bertrand de rappeler : « La sécheresse de 1976 avait joué un rôle de détonateur pour la construction de retenues collinaires, notamment dans mon village, où il y a aujourd’hui une quinzaine d’agriculteurs. Mais à quelques kilomètres, là où il n’y a pas d’accès à l’eau, les fermes ont disparu. C’est un enjeu pour la vie des territoires ! » Il pointe l’arbitraire dans l’application de la règlementation par l’administration : « On nous refuse des dossiers sous prétexte que le projet de retenue se situe sur un cours d’eau, en s’accommodant avec la définition réglementaire du cours d’eau ! D’autre part, l’arrêté « plan d’eau » a rendu les choses encore plus difficiles : aujourd’hui, on peut construire un parking sur une zone humide, mais pas une retenue ! »

Un agriculteur a également interpelé les élus : « ça fait 20 ans qu’on fait des études, on a investi beaucoup d’argent, et toujours rien ! Si cet hiver ça n’avance pas, on va fermer nos exploitations ! »

M.C.

Pourquoi le barrage est-il critiqué ?

Pour autant, depuis sa création et même avant, il est l’objet de nombreuses critiques de la part des pêcheurs, des environnementalistes et de riverains. Plusieurs études, notamment commandées par le SDEA et le syndicat des eaux Eyrieux-Clair, ont pointé les effets néfastes du barrage sur le milieu aquatique. Selon elles, le barrage bloque une partie des sédiments et de la faune aquatique, et interrompt la continuité écologique en aval. Ce faisant, le phénomène de filtration et d’oxygénation de l’eau serait entravé. Au fil des années, le sable s’est accumulé au pied de l’édifice et nécessite des opérations de nettoyage coûteuses.

« Il faut qu’on travaille en confiance »
Thierry Devimeux

« Il faut qu’on travaille en confiance »

Question à Thierry Devimeux, préfet de l’Ardèche

Dans le discours, tout le monde est d’accord pour stocker l’eau l’hiver mais les projets n’avancent pas. Qu’est ce qui bloque ? 

T.D. : « Nous avons mis en place l’an dernier un protocole pour faciliter la création de retenues collinaires, et pourtant, pas une retenue n’est sortie de terre! Il est facile de dire que c’est la faute à l’administration, mais peut-être aussi que les agriculteurs n’osent plus présenter leur dossier par peur du refus. Je le leur dis, il faut vraiment qu’on travaille en confiance car ça peut vraiment marcher ! Ce protocole a été accepté par la Frapna, les pêcheurs et tous les acteurs, qui se sont engagés à ne pas s’opposer à la création de retenues collinaires issues de ce protocole. Il faut vraiment qu’on accélère là-dessus, et on réétudiera les dossiers un par un s’il le faut. »

Une trentaine d'agriculteurs locaux ont participé à cette rencontre sur le terrain au barrage des Collanges
Une trentaine d'agriculteurs locaux ont participé à cette rencontre sur le terrain au barrage des Collanges

Qu’est-ce qu’un cours d’eau ?

Le code de l’environnement définit un cours d’eau sur trois critères qui doivent être remplis simultanément :

·         Un écoulement d’eaux courantes dans un lit naturel à l’origine

·         L’alimentation par une source

·         Un débit suffisant la majeure partie de l’année