Même si la campagne 2023 a été plus favorable, les producteurs de semences sont inquiets quant à leur avenir en raison d’une baisse structurelle des surfaces de production et le recul des exportations en volume.
Après une année 2022 qui a enregistré des pertes de rendements pouvant aller jusqu’à 25 % à cause de la sécheresse, le secteur des semences a retrouvé des couleurs en 2023. Pour la campagne qui se termine, la qualité et les rendements ont été au rendez-vous selon l’Union française des semenciers (UFS). En outre, l’excédent commercial s’est encore amélioré de 10 % en valeur en raison de l’amélioration des prix de vente pour atteindre 1,124 milliard d’euros. Mais ces indicateurs aussi positifs qu’ils soient masquent certaines tendances de fond qui suscitent des inquiétudes chez les semenciers. En effet, les exportations en volume se sont repliées de l’ordre de 4 à 5 % notamment celles d’oléagineux (- 7 %), même si celles de maïs sont restées stables et si les potagères ont progressé de 14 %. En raison de la guerre en Ukraine, la Russie, le premier client après nos partenaires de l’Union européenne, devient un marché de plus en plus difficile. Le pays s’est fixé un objectif de 75 % d’autosuffisance en 2030 et entend relancer sa production de semences. En mai dernier Moscou a publié un décret imposant aux entreprises semencières étrangères de localiser leur recherche-développement en Russie. Depuis septembre de nouvelles normes d’importation plus draconiennes sont exigées et des quotas d’importation ont été annoncés. Les autorités russes souhaitent également réaliser des audits dans les labos des entreprises opérant en Russie.
L’attractivité en question
En France, les surfaces consacrées à la production de semences ne cessent de diminuer, de 3 % en 2023, après un repli de 2 % l’année précédente. Le développement de la production de semences en oléagineux (tournesol et colza) ne compense pas les pertes de surface en maïs (- 5 %), en plantes fourragères (- 16 %) en betteraves (- 9 %), les céréales à paille restant stables. Pour le président de l’UFS, Olivier Paul, la question de l’attractivité de la production de semences est posée « dans un contexte d’aléas climatiques nombreux et de cours de commodités agricoles qui flambent ». Selon une enquête réalisée par l’UFS, beaucoup de producteurs renoncent ou diminuent leur production en raison des incertitudes qui pèsent sur la production de semences. La première concerne la crainte sur la disponibilité en eau pour l’irrigation. « Sur dix-sept arrêtés de restriction d’usage de l’eau pris en 2023, douze ne prenaient pas en compte la spécificité de la production de semences », déplore Olivier Paul, qui demande aux pouvoirs publics de réserver aux semences « un accès sécurisé à l’eau », en raison de leur caractère stratégique. Sont également évoquées les impasses techniques liées aux interdictions de plus en plus fréquentes de produits phytosanitaires. Et même si la production de semences est encore considérée comme rémunératrice, elle exige un certain savoir-faire, de la disponibilité en main-d’œuvre que de nombreux agriculteurs ne sont pas prêts à assumer surtout quand le prix des productions traditionnelles est attractif, comme ce fut le cas en 2022 et 2023. En ce qui concerne les nouvelles technologies de sélection génomique (NGT), l’UFS espère que les instances européennes parviendront à un accord avant les élections de juin prochain. Pour l’instant, les semenciers ont accueilli favorablement la proposition de la Commission de Bruxelles et le compromis de la présidence espagnole, lors du dernier Conseil des ministres européens de l’Agriculture. Pour ce qui les concerne, ils souhaitent avoir « un cadre réglementaire le plus clair possible » et militent pour que le certificat d’obtention végétale en vigueur en France soit maintenu dans la nouvelle réglementation. Il permet à la fois la protection de l’obtenteur, tout en favorisant l’innovation en matière de semences par d’autres entreprises.