La santé mentale des praticiens ruraux est meilleure qu’en canine, mais la situation pourrait évoluer avec le délitement du maillage vétérinaire.
Avec un taux élevé de burn-out et trois à quatre fois plus de suicides qu’en population générale, la profession vétérinaire tente de comprendre pourquoi ses membres sont particulièrement exposés au risque d’une dégradation de leur santé mentale. Le deuxième volet d’une étude dévoilé, le 25 mars, par l’Ordre des vétérinaires et l’association Vétos Entraide confirme les principaux facteurs de stress : le nombre de clients reçus chaque jour, la charge de travail, les conflits avec les collègues, la peur de l’erreur et des blessures, ainsi que les problèmes financiers. Les profils les plus à risque sont les femmes et les salariés. Les résultats montrent aussi que les vétérinaires exerçant auprès des animaux de compagnie sont davantage sujets aux idéations suicidaires que les vétérinaires exerçant exclusivement auprès des animaux d’élevage. Les vétérinaires en activité mixte et équine sont « entre les deux », explique le chercheur en psychologie à l’Université de Bourgogne-Franche-Comté, Didier Truchot, qui a conduit l’étude. Cependant, « les résultats sont fragiles » car les vétérinaires spécialisés en animaux d’élevage ont été peu nombreux à répondre, précise-t-il.
Sentiment d’être piégé
« Les relations avec les propriétaires d’animaux sont fondamentalement différentes, souligne Didier Truchot. Avec les éleveurs, ce sont des relations de longue date, de confiance. Il y a moins d’incivilités qu’avec les propriétaires d’animaux de compagnie. Les consultations ne se font pas à la chaîne comme dans un cabinet et les temps de récupération sont sans doute plus importants, en voiture entre deux rendez-vous par exemple ». Si pour l’instant les vétérinaires exerçant auprès des animaux d’élevage semblent être globalement en meilleure santé mentale qu’en canine, la situation pourrait-elle changer avec la dégradation des conditions de travail des vétérinaires ruraux liée à la désertification ? « Une charge de travail importante engendre un sentiment d’être piégé, d’être un fardeau pour les autres et peut conduire aux idéations suicidaires », explique Didier Truchot. Le délitement du maillage vétérinaire peut, par exemple, conduire les vétérinaires à effectuer plus de permanences. Même si les statistiques n’ont pas permis d’établir un lien entre les gardes de nuit et l’épuisement émotionnel, cette idée ressort « beaucoup » dans les témoignages recueillis, note Didier Truchot. Le bien-être est un enjeu de la lutte contre la désertification vétérinaire. « Les jeunes vétérinaires ne veulent plus travailler comme avant et c’est tout à fait légitime », souligne la conseillère en charge de la commission sociale de l’Ordre des vétérinaires, Corinne Bisbarre. Près de 40 % des vétérinaires qui quittent la profession ont moins de 40 ans.