AVICULTURE
Le consommateur face à l’arrêt de l’élimination des poussins mâles

Amandine Priolet
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Alors que le gouvernement a publié au Journal officiel le 6 février 2022 le décret indiquant l’entrée en vigueur de l’interdiction de l’élimination des poussins mâles en filière ponte au 31 décembre 2022, la filière s’interroge sur la réponse des consommateurs.

Le consommateur face à l’arrêt de l’élimination des poussins mâles
Au 31 décembre 2022, l’élimination des poussins mâles à un jour sera interdite en France. ©Myriams-Fotos, Pixabay

« Nous ne pouvons pas travailler de manière efficace la ponte et la croissance. La spécialisation a conduit la filière ponte au constat d’une non-valeur du poussin mâle et donc à son élimination à un jour », a souligné Maxime Quentin, directeur scientifique au sein de l’institut technique avicole (Itavi), à l’occasion d’une journée technique le 24 mars dernier à Valence (Drôme). Un processus inacceptable pour nombre d’acteurs de la défense animale. Dans ce contexte, l’Allemagne a voté un projet de loi imposant l’arrêt de l’élimination des poussins mâles à partir de janvier 2022. Une volonté partagée par la France qui a publié le 5 février 2022 un décret relatif à l’interdiction de mise à mort des poussins des lignées de l’espèce Gallus gallus destinées à la production d’oeufs de consommation et à la protection des animaux dans le cadre de leur mise à mort en dehors des établissements d’abattage avec une entrée en vigueur au 31 décembre 2022. Face à cette décision, les accouveurs sont dans l’obligation d’effectuer les investissements nécessaires pour s’équiper. Une impulsion forte a été donnée via le plan de relance avec près de 15 M€ d’investissements pour les cinq couvoirs du territoire français fournisseurs de futures poules pondeuses.

Des coûts à répercuter

« À la suite de la publication du décret, les accouveurs avaient jusqu’au 1er mars pour justifier la commande de matériel permettant l’ovosexage et jusqu’au 1er juin pour justifier de la mise en oeuvre de travaux, avec un engagement des professionnels et de l’État pour un moratoire de cinq ans sur le matériel », a indiqué Maxime Quentin. Toutefois, les méthodes de sexage in-ovo ne sont vraisemblablement pas encore au point, avec une interrogation sur les coûts engendrés. Face à ce défi auquel la filière est confrontée, quelle est la position des consommateurs ? Cette question faisait justement l’objet d’une conférence sur la présentation des résultats d’enquêtes faites notamment au Pays-Bas ou encore en Allemagne. « 55 % des citoyens néerlandais et 70 % des Allemands connaissent la pratique de l’élimination à un jour des poussins mâles, contre 50 % des Français », a indiqué Maxime Quentin.

Les consommateurs européens prêts à payer

Le consommateur allemand a évolué dans son rejet de l’élimination des poussins entre 2016 et 2019 (89 % trouvent l’élimination inacceptable), les Pays-Bas ont également vu le rejet progresser au même niveau que la France (67 %). Si les consommateurs s’intéressent davantage à cette question, sont-ils pour autant prêts à payer le prix ? Car les nouvelles méthodes, telles que l’ovosexage, engendreront des coûts importants pour la filière. « Potentiellement, le coût de l’ovosexage serait de 1,10 à 1,12 € par poule, soit 0,33 € par oeuf », a indiqué Maxime Quentin. Au bout de la chaîne, le prix consommateur sera donc forcément impacté. En 2019, 24 % des consommateurs allemands se disaient très sensibles au prix, peu importe la technique employée : ovosexage ou souches à double fin. Cependant, 50 à 60 % des consommateurs interrogés en 2021 se disent prêts à payer 5 à 10 % plus cher l’oeuf (0,35 €). « Les enquêtes allemandes et néerlandaises indiquent une volonté des consommateurs de payer pour l’arrêt de l’élimination des mâles. Mais la réalité est probablement plus complexe. C’est une remise en question de notre compétitivité internationale et une équation qui n’est pas simple à résoudre pour que ce ne soit pas une porte ouverte à nos concurrents européens », a alerté le directeur scientifique. Devant ces inquiétudes, l’interprofession des oeufs (CNPO), par l’intermédiaire de son président Philippe Juven, a demandé au ministre de l’Agriculture de pousser cette décision au niveau européen afin que la filière soit le moins pénalisée possible sur les marchés internationaux. Seules l’Allemagne et la France sont aujourd’hui concernées par cette interdiction de l’élimination des poussins mâles en filière ponte.

Amandine Priolet

ÉVOLUTION

Évaluation multicritère des systèmes d’élevage en volière

Initié en 2019 et piloté par l’Itavi, le projet « Évolution » a pour objectif de caractériser les modèles de volières présents en France et d’acquérir des références multicritères (techniques, économiques, sociales et environnementales). Les résultats, attendus pour la fin 2022, permettront de proposer aux éleveurs des solutions pour mieux adapter l’élevage des poulettes et pondeuses dans cet environnement. « En effet, en France comme en Europe, les systèmes de production d’oeufs de consommation ont subi des changements importants ces dernières années pour répondre aux évolutions réglementaires et aux attentes des consommateurs. De nouveaux systèmes d’élevage ont vu le jour, notamment les systèmes avec volières pour lesquels peu de références sont disponibles », indique l’Itavi. Amandine Mika, chargée de mission bien-être animal, a évoqué lors d’une intervention le 24 mars dernier les premiers résultats d’une expérimentation réalisée dans l’objectif d’identifier les leviers d’actions disponibles pour une meilleure adaptation des poulettes et poules pondeuses dans les volières.

Résultats d’essais

L’essai s’est déroulé sur cinq élevages de pondeuses dans trois régions de France, avec deux modèles de volières représentés et des relevés en phase poulette (à 17 semaines) et en phase de ponte (entre 23 et 60 semaines). « Les volières permettent aux poules d’exprimer librement leurs comportements contrairement à des systèmes de cages aménagées. De nombreux travaux ont été réalisés dans les pays d’Europe du Nord pour montrer l’impact de ces systèmes de volières sur l’apparition de fractures du bréchet. Lorsque les poules présentent des fractures, elles se retrouvent moins mobiles et sont davantage présentes à l’étage supérieur des volières, au lieu du sol ou de l’étage inférieur », explique Amandine Mika. Dans ce contexte, l’Itavi a souhaité réaliser sur le territoire national plusieurs évaluations sur la partie osseuse du bréchet (fractures, déviations), sur les pattes (pododermatites) ou encore sur les comportements et l’état sanitaire. Lors des visites, les techniciens ont relevé des hausses de 9 % de fractures et de 18 % de déviations du bréchet entre 23 et 60 semaines. Aucune observation en lien direct avec le type de volière n’a été faite, bien qu’une volière pyramidale pourrait éventuellement faciliter les déplacements et limiter les chutes. Ces évolutions peuvent avoir d’autres explications, comme la manipulation, le transport ou l’adaptation. « Nous devons encore étudier les facteurs de risques au niveau de l’apparition des anomalies du bréchet dès la phase poulette », indique Amandine Mika. Il conviendra d’affiner l’observation des déplacements dans les volières pour limiter les chutes, et l’impact potentiel des différents types de volière. Quant à l’observation des pattes, 11 % des poulettes montrent une présence de pododermatite de score 2 (écailles marron allongées) dès 23 semaines, contre 37 % à 60 semaines. Par ailleurs, aucune d’entre elles ne présente de perte de substance (score 3) à 23 semaines, contre 24 % à 60 semaines. « La gestion de l’ambiance, et notamment l’amélioration de la qualité des litières, est un enjeu important pour limiter l’apparition des pododermatites », rappelle la chargée de mission. Enfin, l’évaluation du comportement et de l’état sanitaire s’est faite au travers de la méthode Ebene® et la prise en compte de critères comme l’alimentation, l’environnement, la santé et le comportement approprié de l’espèce. À terme, l’Itavi envisage également de réaliser une enquête sur la santé et les conditions de travail des éleveurs en volière, sous différents critères: poussière, ergonomie, sécurité au travail...

A.P.

Salmonelle : vers un nouvel arrêté
La salmonellose est l’une des principales maladies d’origine alimentaire auxquelles l’aviculture est confrontée. ©DR

Salmonelle : vers un nouvel arrêté

L’arrêté du 1er août 2018 relatif à la surveillance et à la lutte contre les infections à la salmonelle dans les élevages de poules en filière ponte d’oeufs de consommation avait conduit le Comité national pour la promotion de l’oeuf (CNPO) à engager des recours contentieux en Conseil d’État. « Après trois ans sans groupe de travail entre le ministère et le CNPO, la direction générale de l’alimentation a relancé les échanges. L’objectif est d’aboutir à la rédaction d’un nouvel arrêté. Une réflexion se tiendra également sur la révision des barèmes d’indemnisation », se réjouit Maxime Chaumet, secrétaire général du CNPO. Trois groupes de travail sont mis en oeuvre depuis le début de l’année. Le groupe « poulettes futures pondeuses et poules pondeuses » aborde les modalités de dépistage et de prélèvements, la vaccination, le devenir des oeufs issus d’élevages contaminés et la formation aux règles de biosécurité. Le groupe « reproducteurs » travaille sur les prélèvements de confirmation, les échanges avec les autres pays et la vaccination, tandis que le groupe « transversal » se penche sur la gestion des foyers et les effluents d’élevage.