NUMÉRIQUE
Une sous-traitance à géométrie variable

Tandis que les politiques ont pris à bras-le-corps la question de l’accès au réseau mobile pour tous les habitants du territoire français, le raccordement à la fibre (réseau fixe) par des sociétés sous-traitantes pose encore de nombreux problèmes dans les zones rurales.

Une sous-traitance à géométrie variable
Le 2 mai dernier, la proposition de loi du sénateur aindinois Patrick, visant à assurer la qualité et la pérennité des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, a été adoptée par la chambre haute du Parlement. ©Sénat/Cécilia Lerouge

Accéder à une bonne couverture numérique depuis son habitation est devenu une priorité politique. D’autant plus depuis l’annonce du Plan France très haut débit en 2013 et la signature du New Deal mobile en 2018 ; date à laquelle l’Arcep a exigé des opérateurs de densifier leurs réseaux. Selon les données du « gendarme des télécommunications », les opérateurs de téléphonie mobile Free, Orange, SFR et Bouygues assuraient une « bonne couverture » en 2G et 3G à 99 % de la population au 31 décembre dernier. La situation dite de « bonne couverture » doit permettre de « téléphoner et d'échanger des SMS à l’extérieur des bâtiments dans la plupart des cas, et, dans certains cas, à l’intérieur des bâtiments ». Quant à l’accès à la 4G, l’Arcep affirme que plus de 97 % des sites du programme « zones blanches centres bourgs » existants en 2018, étaient équipés en 4G au 31 mars dernier. En matière de réseau mobile, la dynamique semble donc enclenchée. Concernant la fibre optique, également appelée « réseau fixe », le constat semble bien différent. Ancien édile de Vonnas, dans l’Ain, le sénateur Patrick Chaize (Les Républicains), a fait des télécommunications son cheval de bataille. En juillet 2022, le président de l’Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel (AVICCA) avait adressé une proposition de loi au Sénat. Son objectif ? « Assurer la qualité et la pérennité des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique. » La chambre haute a adopté en première lecture cette proposition de loi le 2 mai dernier. Une satisfaction pour celui qui souhaite remettre le consommateur au cœur des préoccupations des opérateurs. « En termes de fibre optique, les territoires ruraux sont dynamiques, puisque les travaux et les déploiements y sont plus forts que dans les territoires urbains. » Selon l’homme politique, le problème serait en réalité lié à la sous-traitance des raccordements à la fibre optique. Près de 15 000 raccordements seraient effectués chaque jour en France. « Les accordeurs sont, la plupart du temps, payés à la tâche. Ils cherchent donc la rentabilité et l’optimisation de leur temps. » Les zones rurales, où les trajets entre chaque prestation sont plus longs, sont devenues les premières victimes de ce phénomène. Longueur d’attaches des câbles non respectée lors du raccordement, clés manquantes, boîtiers fibres ouverts à coups de pied-de-biche sans être refermés… Autant d’actes qui dégradent la qualité de la fibre optique dans ces territoires. « Je reçois des témoignages de ce genre de la France entière », affirme avec un certain dépit Patrick Chaize.

Protéger l’intérêt du consommateur

Parmi les mesures phares contenues dans sa proposition de loi, figure notamment la certification ou la labélisation des prestataires de services. « Dans certains secteurs, il est impossible de trouver quelqu’un pour venir faire le travail… Les sociétés se rabattent sur qui le veut bien, mais les problèmes de qualification dégradent la qualité du service et empirent le mécontentement et l’insatisfaction des consommateurs. J’ai donc proposé de donner à l’Arcep un moyen de contrôle, afin qu’elle soit en mesure de sanctionner un opérateur qui gère mal ses sous-traitants. » Le sénateur a également inscrit la possibilité, pour le consommateur, de suspendre et de ne plus payer son abonnement en cas de dégradation continue du service. « Actuellement, même si une panne persiste, le consommateur continue à payer », argumente-t-il. Si la proposition de loi du sénateur aindinois n’est pas encore inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, un second volet sera bientôt examiné au Sénat. Il concernera cette fois les diverses problématiques et dérives liées à l’utilisation du numérique. Selon un rapport de l’Agence nationale de la Cohésion des territoires (ANCT) sorti en 2022, le nombre de personnes « éloignées du numérique » ou touchées par « l’illectronisme » a augmenté au cours des cinq dernières années. Elles seraient désormais 16 millions.

Léa Rochon