TRACTEURS SPÉCIALISÉS
Les tracteurs interlignes très étroits marquent leur retour

Ludovic Vimond
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VIGNES ÉTROITES / Pour répondre à un marché local, certains constructeurs de tracteurs proposent des modèles d’un mètre de large.

Les tracteurs interlignes très étroits marquent leur retour
Conçus à l'origine pour les besoins de certains vignobles français (Alsace, Jura, Bordelais), les tracteurs interlignes ultracompacts intéressent désormais d'autres vignobles étroits du monde entier. ©Vallet SAS

Certains vignobles étroits font face à des difficultés pour trouver le tracteur idéal. Il s’agit notamment des vignobles du Jura, d’Alsace, de l’Ain ou encore du Bordelais, dont les interrangs oscillent entre 1,30 et 1,55 m. Si jusqu’au milieu des années 90, un certain nombre de tractoristes proposaient des tracteurs de 1 m de large, cette offre a disparu avec les premières normes antipollution. Même des petits acteurs comme JDS ou Dromson ont cessé leurs productions. Krieger ne fabrique plus de tracteur depuis plus de trois ans et Holder a décidé de ne pas franchir le cap des dernières normes antipollution pour ses engins étroits. À défaut d’une offre qui se réduit comme peau de chagrin, les viticulteurs se sont dirigés vers d’autres solutions de traction. La première consiste à s’équiper d’un tracteur enjambeur. « Le coût n’est cependant pas le même, explique François Duboz, de la concession Vallet SAS Viticole à Arbois dans le Jura. Pour les nombreuses petites exploitations de 3 à 6 ha de la région, un enjambeur tout équipé (120 000 à 150 000 € neuf) est inenvisageable, même d’occasion. D’autant plus que l’abandon progressif du désherbage chimique fait grimper le nombre d’heures de tracteurs pour le travail du sol. »

En Alsace, s’ajoute une contrainte liée à la hauteur des palissages. « Avec un dégagement nécessaire de 2,30 m dans certaines parcelles, cela réduit tout de suite l’offre en enjambeurs du marché », explique Patrick Baur concessionnaire à ZellWiller, dans le Bas-Rhin. C’est la raison pour laquelle nombre de viticulteurs se sont dirigés vers des microtracteurs de parcs et jardins. Ceux-ci affichent des puissances de 15 à 25 chevaux et se destinent quasi exclusivement à du travail du sol. « Ces tracteurs conviennent tout à fait pour ce genre d’usage, explique François Duboz. Ils sont compacts et stables. » L’outil de travail du sol est généralement attelé à l’arrière, l’espace entre-roues étant bien souvent trop juste. Ces microtracteurs pêchent en revanche en termes de traction lorsque les conditions deviennent plus difficiles, notamment dans les fortes pentes du fait de leurs petites montes de pneumatiques.

Bergmeister conçoit l’A1.50

Pour faire face à cette offre inadéquate par rapport au besoin du marché local, des concessionnaires se sont rapprochés de certains constructeurs de tracteurs. Patrick Baur a ainsi sollicité l’Allemand Bergmeister il y a trois ans, qui a répondu favorablement aux besoins du concessionnaire. Bergmeister proposait une gamme de tracteurs spécialisés à partir de 65 chevaux dont la largeur minimale (1,20 m), n’était pas adaptée. Le constructeur allemand est donc parti d’une feuille blanche pour concevoir l’A1.50. Abritant un moteur Yanmar 4 cylindres de 2 litres de 48 chevaux, ce tracteur se montre coupleux à bas régime. Sa transmission mécanique à 12 rapports avant et arrière lui permet d’atteindre la vitesse de 30 km/h. Il dispose de deux régimes de prises de force (540 et 750 tr/min) à enclenchement mécanique, d’un blocage de différentiels électrohydraulique, d’un pont avant à enclenchement mécanique et d’un angle de braquage de 55 degrés lui procurant une bonne maniabilité, malgré un empattement suffisamment long pour accueillir des porte-outils entre roues. Le relevage arrière affiche une capacité de 1,2 t, alimenté par un circuit hydraulique composé de base de deux pompes de 28 et 19,7 l/min pour l’hydraulique et la direction. « De base, il reçoit deux distributeurs, explique Patrick Baur, mais c’est un tracteur à la carte. Si le viticulteur veut plus d’hydraulique et/ou plus de distributeurs, c’est possible. » Chaussé à l’arrière en monte de 280 mm de large (dimensions), l’A1.50 affiche 1,5 t sur la bascule, ce qui convient bien pour du travail du sol. « Sa puissance lui permet de cumuler plusieurs outils, poursuit François Duboz, comme des outils de travail du sol entre-roues et un broyeur à sarments à l’arrière. » « On peut aussi entraîner un petit pulvérisateur », ajoute Patrick Baur. Aujourd’hui proposé avec arceau à un tarif commençant à 36 500 €, l’A1.50 peut bénéficier en option d’un poste de conduite, dont la largeur ne dépasse pas 80 cm en son sommet.

Carraro propose un ultracompact

Dans le Jura, Jean-Luc Aviet, dirigeant de la concession éponyme, s’est rapproché quant à lui du constructeur Carraro Tractors. Fidèle visiteur du salon italien Eima, le concessionnaire a pris contact en 2016 avec l’Italien, qui construit les tracteurs spécialisés pour Claas, John Deere et Massey Ferguson et qui, récemment, distribue sa propre marque en France. Après avoir sondé le marché, Carraro Tractors a décidé de développer une gamme, baptisée Compact Vignetto, de 60 à 75 chevaux, tarifé entre 40 000 et 50000 €. Par rapport au reste de la gamme de spécialisés, le tracteur a été légèrement surélevé, afin de monter un pont avant avec un angle de braquage de 55 degrés. «Résultat, le tracteur, court de conception, braque très bien, encore mieux qu’un JDS, confie Jean-Luc Aviet. Les 60 chevaux minimum du tracteur lui permettent d’assurer un régime constant avec un pulvérisateur traitant 2-3 rangs dans les pentes. Une troisième pompe hydraulique devrait prochainement être proposée sur ces tracteurs pour répondre à certains besoins. » Jérémy Fauché, concessionnaire de la marque italienne sur la Nouvelle-Aquitaine, poursuit : « Il offre une confortable garde au sol de 30-35 centimètres et une bonne traction. Il manque juste une cabine, incontournable dans le secteur de Pomerol ». Celle-ci devait arriver au cours de la saison 2020. Doté d’un moteur répondant à la norme antipollution Stage V, le tracteur ne peut recevoir de porte-outils entre-roues, du fait de la présence à cet endroit des équipements de dépollution.

Le Tractovigne bientôt sur les routes

En 2015, Fabien Guillet, chaudronnier alsacien, a entamé le projet de construire un tracteur dans l’optique de ressusciter le JDS. Plusieurs modèles du tracteur Tractovigne TV751 ont déjà été construits et bénéficient depuis juillet 2020 d’une homologation routière européenne. D’une puissance de 74 chevaux, le tracteur de 1,05 m de large annonce un rayon de braquage de 3 m et un centre de gravité bas pour la stabilité. Ne pouvant pas recevoir d’outils entre-roues, ce tracteur est doté d’une cabine sans point d’accroche pour glisser dans la végétation, sans risque d’accrochage. Chez d’autres constructeurs, les concessionnaires sont parfois amenés à réaliser des modifications sur les versions les plus étroites des tracteurs de série. Chez Claas par exemple, les poignées proéminentes sont remplacées par des versions plus plates. Les ailes sont coupées et le marchepied est modifié, s’intégrant davantage sous le tracteur pour moins dépasser : au final, le tracteur atteint 1 m hors-tout. D’autres concessionnaires vont jusqu’à modifier le pont avant. Au regard de ces changements, il reste à l’acheteur de s’assurer que le tracteur reste bien homologué sur la route.

Ludovic Vimond

Moins chers à l'achat, les tracteurs interlignes ultracompacts se revendent plus facilement que les enjambeurs

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©Carraro tractors

Homologué depuis cet été, le Tractovigne est commercialisé. Le constructeur recherche des distributeurs

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©Tractovigne

Au dernier Sitevi, Antonio Carraro a présenté un tracteur à châssis rigide de moins d’1 m de large

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©Antonio Carraro