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La vocation pour la « rurale » à l’épreuve du concours

Les candidats pour devenir vétérinaire rural existent. Mais les voies d’accès aux écoles vétérinaires sont pour eux un obstacle. Rencontre avec six étudiants qui préparent le concours des écoles vétérinaires et souhaitent voir évoluer les processus de recrutement. 

La vocation pour la « rurale » à l’épreuve du concours
Lise, Perrine, Amélie, Eloïse, Lisa et Amaury préparent le concours d’entrée aux écoles vétérinaires. Tous souhaiteraient devenir vétérinaire rural. ©AD26

« Crise de vocation », « Vocation en péril »… Ces titres font régulièrement la une des journaux pour décrire le manque de vétérinaires prêts à consacrer leur carrière à la pratique rurale. Moins de 19 % des vétérinaires* ont déclaré en 2020 une activité pour les « animaux de rente » - c’est à dire une activité auprès d’éleveurs - selon l’observatoire démographique de la profession vétérinaire. Un nombre en constante diminution puisqu’ils étaient, en France, 3 155 à intervenir auprès d’éleveurs en 2020 contre 3 869 en 2016. Mais, fait-on vraiment face à une crise de vocation ou les freins se situent-ils ailleurs ? Lise, Perrine, Amélie, Eloïse, Lisa et Amaury ont à peine vingt ans. Depuis la rentrée de septembre, ils ont mis entre parenthèses leur vie sociale pour se consacrer exclusivement à la préparation du concours d’entrée aux écoles vétérinaires. Et pour eux le projet est clair : ils veulent devenir vétérinaires ruraux. Étudiants en classe préparatoire ATS (adaptation technicien supérieur) bio au lycée du Valentin à Bourg-lès-Valence (Drôme), ils sortent d’un BTSA productions animales (PA) ou d’un DUT génie biologique option agronomie. Mais ils savent que les places vont être chères : seulement 95 sur 724 sont réservées cette année en écoles vétérinaires pour les étudiants préparant la voie C du concours, c’est à dire celle ouverte après un BTSA, BTS ou DUT.

« Un métier passion »

Tous dénoncent un système de sélection trop « élitiste ».« La sélection se fait sur les maths, la physique alors que quelqu’un de passionné peut apprendre le métier de vétérinaire. Si on recherche des vétérinaires ruraux, peut-être serait-il intéressant d’aller chercher davantage de candidats au sein des BTSA ou des DUT », estiment ces étudiants. « Je suis persuadée que nous ferions tous des vétérinaires ruraux convaincus et désireux de vraiment bien faire et c’est cruel de se dire qu’on ne va peut-être pas y arriver parce qu’on ne fait pas assez bien ou pas assez vite des maths et de la physique », regrette Lise, originaire de Toulouse et titulaire d’un BTSA PA. À ses côtés, Perrine, fille d’éleveurs bovins lait du Vercors, a parfaitement conscience des difficultés du métier de vétérinaire rural. Des urgences à gérer en permanence, des distances à parcourir toujours plus importantes, des horaires à rallonge et en face de soi des éleveurs « qui savent de quoi ils parlent ». « Comme éleveur, vétérinaire rural est un métier passion », reconnaît la jeune femme. Titulaire d’un BTSA PA qu’elle a suivi en apprentissage, elle est persuadée que le problème du manque de vétérinaire ruraux est à réfléchir en amont du concours. Un point de vue que partage Amaury : « Ceux qui veulent devenir vétérinaire rural sont souvent issus du milieu rural. Or beaucoup d’entre eux sont découragés dès le départ par les études très longues et l’accès difficile aux écoles ». Pourtant, insiste Lisa, originaire du Doubs, « en sortant de BTSA PA, nous avons déjà fait de la zootechnie, étudié pas mal de maladies… Je pense par exemple qu’on est capable de reconnaître une acidose dans un troupeau ».

Vers un nouveau processus de recrutement ?

« Il faut favoriser les praticiens plutôt que les théoriciens, sinon on aura chaque année toujours plus de vétérinaires qui sortent des écoles pour aller vers la médecine canine », estime Amaury. Des réflexions sont actuellement en cours à l’échelle de la direction générale de l’enseignement et de la recherche (DGER) pour faire évoluer les conditions d’accès aux écoles nationales vétérinaires après un BTS ou BTSA. Les syndicats d’enseignants sont favorables à cette réflexion. « Ces étudiants subissent deux sélections : une pour rentrer en classe préparatoire ATS Bio, une pour réussir le concours. Les étudiants issus des formations de type BTSA peinent à franchir ces deux obstacles. Pourtant, leur profil intéresse les écoles », analyse le syndicat d’enseignants SGEN-CFDT. Celui-ci plaide pour « un concours basé sur l’intelligence pratique, la capacité de formalisation, une base mathématique solide, une culture agricole et environnementale, voire vétérinaire/santé, des tests basiques de logique (algorithmie) ». Autant d’éléments qui pourraient permettre à des étudiants dans la lignée de Lise, Perrine, Amélie, Eloïse, Lisa ou Amaury de se démarquer au moment du concours. Et de montrer qu’il existe encore des vocations pour devenir vétérinaire rural.

Sophie Sabot

* Inscrits à l’ordre des vétérinaires.