ÉNERGIE
Produire son électricité pour réduire ses charges

Face à la progression continuelle des coûts des énergies en général, les agriculteurs investissent pour aménager leur bâtiment et réduire leurs factures. Témoignages.

Produire son électricité pour réduire ses charges
Les panneaux photovoltaïques sont perchés sur des mats et suivent la progression du soleil pour un maximum de production. ©Thierry Clairefond

En 2017, avec la construction d’un deuxième poulailler, doté pourtant d’une très bonne isolation, Thierry Clairefond éleveur de volailles à Chatuzange le Goubet (Drôme) a vu ses factures d’électricité multipliées par deux, passant de 1 000-1 500 euros par mois à 2 500 euros. Face à cette forte évolution, l’agriculteur a cherché des solutions. Il a bien pensé aux panneaux solaires sur le toit de ses bâtiments, mais cette idée ne l’a pas vraiment convaincu. C’est alors qu’il a découvert les trackers solaires de la société OKwind. Les panneaux photovoltaïques sont perchés sur des mats et suivent la progression du soleil pour un maximum de production. En 2019, il en a fait installer deux, dans le champ voisin de ses bâtiments. Chacun offre une surface de panneaux solaires de 75 m², produisant 12,5 kWh en pleine puissance. Aujourd’hui, après cinq ans d’utilisation, Thierry Clairefond ne regrette pas son investissement. « J’ai divisé ma facture d’électricité par deux, l’économie réalisée couvre le coût du crédit que je finirais de rembourser dans cinq ans. De plus, depuis un an, je peux revendre le surplus de production d’électricité. »

Panneaux photovoltaïques et chauffe-eaux solaires

« On sait bien que les prix vont continuer à augmenter, on ne reviendra pas en arrière », déclare Victor Schimmel du Gaec Roche Rousse à Saint-Martin-en-Vercors (Drôme). « Nous avons choisi de ne plus subir cette évolution en équipant notre bâtiment de 100 m2 de panneaux photovoltaïques (PV) en autoconsommation. Ils produisent l’électricité pour l’installation du séchage en grange qui est très énergivore. Ils alimentent aussi la fromagerie ainsi que les deux broyeurs lisier et céréales. » Le fonctionnement de l’installation de séchage en grange en été est couvert par la production des PV. La facture pour cet équipement est passée de 1 000 euros durant l’été à 200 euros. Les associés du Gaec ont fait une économie de plus de 5 000 euros la première année sur leur facture d’électricité.

Un véhicule électrique pour les associés

Cette exploitation en agriculture bio de 35 bovins laitiers transforme toute sa production en fromages (AOP bleu du Vercors-Sassenage et l’IGP Saint-Marcellin). « Nous sommes exposés plein sud, nous bénéficions d’un très bon ensoleillement. C’est pour cela que l’exploitation s’est déjà dotée des chauffe-eaux solaires (60 m2) qui produisent de l’eau chaude sanitaire pour la fromagerie et la salle de traite », poursuit-il. « Complémentaire à la production d’électricité par panneaux photovoltaïques, nous avons dernièrement fait l’acquisition d’un véhicule électrique destiné aux déplacements des associés. Le Gaec a économisé l’équivalent de 7 000 km », précise Victor Schimmel avec la satisfaction d’utiliser une énergie propre.

Regard de spécialistes

« Pour réduire la consommation énergétique du bloc traite qui est très importante, les éleveurs peuvent installer un pré-refroidisseur de lait. Autre équipement très intéressant le récupérateur de calories du lait », indique Philippe Prost conseiller bâtiment Eva Jura. « Il s’agit d’un système d’échange de chaleur entre le lait et l’eau. Ce qui permet d’avoir de l’eau chaude pour le nettoyage de la salle de traite par exemple. Ces aménagements font l’objet d’aides comprises dans le dispositif “Renov aides“ porté par la Région Bourgogne-Franche-Comté. Il y a un appel à projet à venir à l’automne prochain », précise-t-il.  « On voit de plus en plus d’agriculteurs qui louent les toitures de leur bâtiment pour l’installation de PV. Certains font même appel à des investisseurs à qui ils louent leur terrain avec un bail emphytéotique pendant 30 ans. L’investisseur construit le bâtiment et exploite la centrale de PV. L’agriculteur qui est locataire durant cette période, récupère le terrain et le bâtiment à la conclusion du bail. C’est une solution adoptée par les exploitants agricoles qui n’ont pas de gros moyens financiers ».

Magdeleine Barralon