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Le numérique, moteur d’efficience en irrigation

Meilleur pilotage de l’irrigation, gain de temps, économie d’eau… les nouvelles technologies laissent entrevoir de nombreux bénéfices pour les viticulteurs. À condition de les maîtriser.

Le numérique, moteur d’efficience en irrigation
De nombreuses opérations sont possibles maintenant depuis son smartphone comme ouvrir et fermer les vannes ou estimer l'état hydrique de sa parcelle. Crédit : X. Delbecque

En quelques années, de nombreux types de capteurs connectés se sont démocratisés. N’importe quel viticulteur peut aujourd’hui accéder à des sondes capacitives ou tensiométriques couplées à des stations météo connectées. Un développement technologique qui ouvre la voie à une nouvelle possibilité : celle d’apprécier l’état hydrique de la plante quasiment en temps réel, de le suivre tout au long de l’année et même de le modéliser pour les jours à venir. Cette évolution, Marc Gelly, consultant spécialisé en irrigation de précision (Ag-Irrig SAS), y voit quelques avantages. « La Chambre a pression pour mesurer l’état hydrique de la vigne, c’est ce qu’il y a de mieux, mais c’est une pratique lourde, chère et technique, même quand on est habitué, annonce-t-il. On ne réalise des mesures que trois à quatre fois dans la saison. La technologie permet d’une part de gagner du temps et d’autre part d’avoir des données en continu. »

Des informations sur l’évolution de l’état hydrique plutôt qu’une valeur effective

En facilitant le pilotage de l’irrigation, ces technologies permettent au plus grand nombre d’amener l’eau au bon moment et d’avoir une meilleure qualité d’irrigation. Connaître l’état hydrique permet d’être plus précis et plus réactif selon la phénologie de la vigne. Car souvent lorsque les signes de flétrissement apparaissent, il est trop tard pour commencer à irriguer et la vigne ne récupère pas. Cela permet aussi de savoir si un apport d’eau est nécessaire en dehors du cycle végétatif, comme ce fut le cas en début d’année sur certaines parcelles du pourtour méditerranéen, qui ont été irriguées dès le mois de février. Le consultant avertit toutefois : ce type de sondes permet d’avoir une vue dynamique d’état des cultures, ce qui n’est pas un état réel. « C’est là le vrai enjeu des solutions numériques, la modélisation, abonde Pierre Michelot, conseiller à la Chambre d’agriculture de l’Hérault. Il y a beaucoup d’entreprises qui se mettent sur le créneau, mais c’est difficile à faire. À des périodes comme la floraison ou la véraison, il faut être précis, or il y a de nombreux paramètres qui varient. Le modèle ne fait pas tout. » Pour lui, il est encore nécessaire aujourd’hui de cumuler les OAD avec d’autres données, comme la caractérisation des apex par exemple.

S’intéresser à l’irrigation est nécessaire avant d’investir dans le numérique

« Il y a par ailleurs dans ces nombreux OAD un effet « waouh » qui attire, comme les graphiques et l’actualisation des données toutes les 5 minutes. Mais ils ne sont pas toujours nécessaires selon le degré d’avancement du viticulteur, ajoute Marc Gelly. Ces solutions sont utiles à condition de savoir les utiliser et de maîtriser les techniques d’irrigation. » Un élément sur lequel s’accorde Pierre Michelot, qui recommande de commencer à s’intéresser à l’irrigation via les bulletins hydriques de la chambre, puis de se faire la main sur des outils abordables, avant de passer à des solutions plus complexes. « Les sondes Sentek par exemple sont très bien et permettent de mesurer l’humidité sur toute leur longueur, mais il y en a pour 800 à 1 000 € la sonde, dit-il. Pour débuter je pense qu’il est préférable de mettre 500 € pour avoir trois petites sondes capacitives et se familiariser avec ces notions. » Pour les viticulteurs qui maîtrisent l’irrigation et les nouvelles technologies, en revanche, le numérique peut entraîner un réel gain de temps. Car tout est automatisable et gérable à distance. Certains techniciens par exemple pilotent l’irrigation depuis leur téléphone, réalisent le suivi des apports, mais aussi ouvrent et ferment les vannes à distance.

Une gestion commune de l’eau facilitée à l’aide d’un logiciel

« Pour de grands domaines un peu morcelés qui ont un opérateur formé et qui entretiennent correctement leur réseau, ça vaut le coup », assure Marc Gelly. Selon l’agilité du viticulteur et de ses moyens, il peut même gérer la fertirrigation à distance en mettant en route les pompes de différents bacs depuis son smartphone. Il existe même des solutions pour les associations syndicales autorisées (ASA) qui gèrent l’irrigation collective, à l’instar du système Andromède d’Aquadoc, récompensé au Sitevi en 2019. Ces bornes connectées gèrent automatiquement les tours d’eau au sein de la structure. Les viticulteurs renseignent via internet les volumes et dates d’arrosage qu’ils souhaitent réserver, et le logiciel interne ouvre et ferme les vannes vers chaque parcelle en fonction des règles d’allocation définies au départ. « Le but premier est d’optimiser l’organisation et d’éviter les conflits liés à l’usage de l’eau, qui sont fréquents dans les ASA, détaille Lionel Palancade, de la société Aquadoc. Mais de fait, cela sensibilise aussi les viticulteurs au problème de l’eau et au pilotage de l’irrigation puisqu’ils doivent réserver des volumes d’eau et pas des créneaux horaires. » Avec, à la clé, de probables économies d’eau. « Souvent, les viticulteurs se déplacent pour ouvrir les vannes, puis ça se coupe tout seul quand ça passe au tour d’eau suivant, observe Pierre Michelot. Alors que parfois 8 ou 10 heures d’irrigation sont clairement inutiles. »

Jusqu’à 60 % d’économie d’eau grâce à un compteur volumétrique connecté

« Dès lors l’automatisation ou les vannes connectées permettent des économies d’eau, car on peut arrêter à distance », accorde Marc Gelly. Pour économiser l’eau, ce dernier conseille avant toute chose d’installer des compteurs automatiques, afin de relever les éventuels problèmes. Car, entre ce que l’on croit apporter et ce que l’on apporte réellement, il existe parfois des différences de 60 %. Et lorsque l’on ne relève que le volume total une fois par an, on ne s’en rend pas forcément compte. « Un compteur volumétrique coûte 150 euros. En ajoutant la même somme on a un boîtier connecté qui relève en continu, indique le consultant. C’est vite rentabilisé. Et en plus ça rapporte 10 points pour la certification HVE ! »

Xavier Delbecque