Lundi 6 mars, à Lyon, la Confédération régionale de la mutualité, de la coopération et du Crédit agricole et la Coopération Agricole Auvergne-Rhône-Alpes ont invité le vulgarisateur scientifique Mac Lesggy à s’exprimer sur les enjeux de l’agriculture et de l’alimentation françaises. Interview.
Comment concilier le pouvoir d’achat des consommateurs et la juste rémunération des producteurs ?
Mac Lesggy : « Le marché ouvert, c’est ce qui permet à la France d’être en excédent sur sa balance commerciale. C’est particulièrement vrai pour les vins et spiritueux. Le corollaire, c’est qu’il faut aussi accepter d’importer. Et la concurrence des autres pays est forte. Dans ce contexte, difficile de parler de juste prix. Dans les années 1960, les ménages consacraient 35 % de leurs dépenses pour s’alimenter. En 2019, ce chiffre est descendu à 17 %. Ce n'est pas du jour au lendemain que nous pouvons dire au consommateur de changer ses habitudes. Le consommateur est prêt à payer un peu plus cher son poulet du dimanche, mais il est moins prêt à le faire sur le prix des cantines scolaires ou d’entreprises. Enfin, une autre façon de restaurer les marges de production, ce sont les circuits courts. Je pense que les plateformes numériques sont extraordinaires pour rapprocher le producteur du consommateur. »
Comment les produits étrangers ont-ils pris place dans le panier des Français ?
M. L. : « En 2017, le coût de la main-d’œuvre était moins élevé dans les pays du Sud-Est et de l’Est de l’Europe. Comme la France n’était pas compétitive sur les produits de basse et moyenne gamme, les politiques ont souhaité monter en gamme avec des labels. La filière tomate ne s’est plus focalisée sur la tomate ronde, mais sur la tomate cerise. Ce que les producteurs étrangers se sont également mis à faire, tout en inondant le marché de tomates rondes pour la restauration hors foyer. Il faut reconquérir le marché des produits de basse et moyenne gamme. »
Le changement climatique doit-il nous obliger à modifier nos productions et pratiques agricoles ?
M. L. : « En Europe de l’Ouest, l’hiver va être de plus en plus doux et l’été de plus en plus chaud. Que l’été soit sec, c’était attendu… Mais que l’hiver le soit également, ça l’était beaucoup moins. Il est plus que probable que l’agriculture soit obligée de se préparer à avoir moins d’eau au moment où les agriculteurs en ont le plus besoin. Si nous voulons maintenir nos productions, il faut revoir la gestion de l’eau et avoir des réserves. La seule condition, c’est que cela n’impacte pas le remplissage naturel des nappes phréatiques. Faire de l’agriculture neutre en termes de carbone, ce n’est pas possible. Les animaux produisent du CO2. Mais ils permettent aussi le maintien des prairies et apportent des engrais organiques. L’Inrae a récemment publié une note de consensus. Selon elle, le modèle d’élevage optimal serait de faire en sorte que le troupeau soit uniquement en pâture, sans besoin de cultures fourragères. L’éleveur maximiserait alors les externalités positives de l’élevage et minimiserait les négatives (CO2, méthane, utilisation de l’eau). Si du jour au lendemain l’agriculture se passe de pesticides en grandes cultures, il y aura une baisse de rendement. Néanmoins, il est possible de créer des variétés résistantes à la sécheresse, à la chaleur, ou bien à tel ou tel parasite. Ces évolutions sont nécessaires pour s’adapter au climat. »