CONTRAT DE SOLUTIONS
“ Les produits phyto, c’est savoir prendre le temps ”
Le mardi 13 février, l’association Contrat de solutions a organisé une journée de prévention pour que le public agricole se confronte aux risques phytosanitaires. L’événement, conduit pour la première fois dans la Loire au lycée de Ressins, a été ponctué par des ateliers pratiques.
Dans le foyer du lycée de Ressins à Nandax, les estrades installées sont pleines à craquer d’élèves venus participer à la journée de prévention des risques liés aux produits phytosanitaires organisée par l’association Contrat de solutions. C’est la première fois qu’une telle journée est mise en place dans la Loire. « Nous en sommes très satisfaits, récapitule Clotilde Bois-Marchand, cheffe de projet pour la structure. Le dynamisme des élèves et les échanges ont été appréciés par les intervenants. » De quoi motiver pour un prochain événement. Une table ronde a ouvert la journée. « Le plan Écophyto a été lancé en 2008, lance en préambule Alexandra Dubassy, adjointe à la cheffe de pôle Ecophyto à la Draaf Auvergne-Rhône-Alpes. Chaque région a ses priorités et déploie le plan national en fonction des spécificités de son agriculture. » Dans la Loire, territoire d’élevage plutôt que de grandes cultures, les produits phytosanitaires sont peu utilisés : 15 tonnes de glyphosate l’an passé. Dans la région, les plus gros consommateurs sont l’Allier et la vallée du Rhône. Aussi, la prévention et le port des équipements de protection individuels (EPI) est l’un des axes de travail de cette journée. « Comme nous sommes un territoire où on utilise peu les produits phytosanitaires, on a souvent de mauvais réflexes et donc de mauvaises pratiques, notamment pour les doses », déplore Bertrand Palais, agriculteur en production laitière à Cottance et élu à la chambre d’agriculture de la Loire. « On essaie de favoriser une démarche où les agriculteurs sont moteurs », poursuit Alexandra Dubassy. L’utilisation des EPI sera d’ailleurs l’objet d’une étude menée par la Draaf : « L’idée, ce n’est pas d’avoir une perception négative, précise sa représentante. Au contraire, on veut comprendre pourquoi les agriculteurs les portent. » Dans la salle, les élèves bruissent. « Si c’est pour les mettre et les enlever dix fois par jour… », maugrée un garçon de BTS.
« Traiter, ça se programme »
Une idée que révoquent le docteur Aurore Sury pour la MSA et Karine Clémenti, infirmière à la médecine du travail qui co-animent l’atelier « PhytoFluo, le risque invisible ». « Traiter, ça se programme, on ne décide pas le matin en se disant ‘’Tiens, j’ai un peu de temps’’. » Les deux spécialistes santé insistent : « Surtout, il faut mettre les EPI. » Pour appuyer leurs propos, une mise en situation a été proposée. Un élève est désigné pour effectuer les gestes qu’il aurait à faire. Bien évidemment, le produit utilisé n’est pas une substance dangereuse, mais un colorant fluorescent : pour les intervenants, l’idée est de montrer aux élèves et aux professionnels présents, que les produits sont partout : semelles de chaussures, pantalon, pull, visière, flacon... Lors de l’exercice, la buse est obstruée. Le bachelier s’empare d’un spray pour nettoyer. Un geste salué par les intervenants : « Dans le groupe précédent, l’élève a soufflé dedans », s’exaspère le docteur Sury. « C’est notre quotidien, abonde Karine Clémenti. Le problème des produits phyto, c’est le long terme, l’intoxication petite, mais répétée dans le temps. Le produit est invisible, la contamination aussi, et on le retrouve dans la machine à laver, les bâtiments... »
Pour lutter contre de « mauvaises habitudes », souvent prises dans les exploitations familiales, les intervenants de la MSA ont refait le point avec les élèves. « Qu’est-ce qu’on fait quand on traite ? » interroge Karine Clémenti. La réponse fuse et les EPI ne sont pas la priorité des élèves. « On prend le produit adéquat, on remplit le pulvérisateur d’eau, on regarde la dose préconisée », liste l’un d’eux. Enfin se pose la question de l’équipement. Et là, rien n’est laissé au hasard : gants, tabliers, visières, chaussures. « On ne porte pas les mêmes EPI partout ! » répond un garçon. Gagné. Le but, c’est d’éviter la contamination et les professionnels le rappellent, insistant notamment sur les chaussures : « On ne prend pas les bottes d’élevage ! Les bovins peuvent sentir les produits, avoir un comportement bizarre et bien sûr être contaminés. »
Chaque EPI doit pouvoir être identifié rapidement comme tel. Pour les gants, la combinaison et les chaussures, les animateurs conseillent de bien vérifier les chiffres indiqués. « Pour les combinaisons, ça va de 6 à 1, détaille l’intervenant. Il faut au moins 3 pour être étanche. » Idem pour les protections du visage : sur les cartouches des masques, un liseré marron indique qu’elles sont faites pour les produits phytosanitaires. « Ça marche aussi pour les filtres que vous utilisez sur les tracteurs... », a rappelé le professionnel. Le docteur Sury est formelle : « On nous appelle encore trop souvent quand la situation est déjà trop avancée et les problèmes de santé aussi ! » Elle interpelle durement les élèves : « Le réflexe, quand vous vous installez, c’est de réfléchir le plus en amont possible. Le but du travail, n’est pas de dégrader sa santé. » « Un cancer, on passe sa vie avec », abonde sur le même ton Karine Clémenti. De quoi inciter à porter les équipements... n