GÉNÉTIQUE
Une nouvelle organisation de la génétique charolaise

Lucie Grolleau Frécon
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RÈGLEMENT / En application depuis fin novembre 2018, le règlement zootechnique européen a pour objectif de simplifier et d’harmoniser les règles en matière de conditions zootechniques et généalogiques applicables à l’élevage. Ce nouveau contexte a engendré l’agrément de deux organismes de sélection en race charolaise.

Une nouvelle organisation de la génétique charolaise
Même si deux organismes de sélection cohabitent, la race charolaise reste une race unique, avec un code race unique (38) et une indexation nationale Iboval unique également.

En réflexion depuis plusieurs années, le Règlement zootechnique européen (RZE) est entré en application le 1er novembre 2018. Il fixe les règles d’organisation de la génétique animale pour les reproducteurs de race pure pour les espèces bovines, ovines, caprines, porcines et équines. L’objectif du RZE est de « parachever la réalisation du marché unique, c’est-à-dire la libre circulation des reproducteurs et de leurs matériels génétiques, ainsi que des services au sein de l’Union européenne », indique le ministère de l’Agriculture. Ce règlement européen vise aussi à harmoniser, actualiser et simplifier la réglementation à l’échelle européenne.

Enjeux multiples

Pour la France, les enjeux de ce RZE sont multiples : améliorer la compétitivité de la génétique animale française et l’ensemble de l’élevage français ; préserver les ressources zoo-génétiques françaises pour les espèces concernées par le règlement ; maintenir un système collectif mutualisé permettant d’optimiser l’utilisation des financements publics et professionnels ; maintenir une gestion raciale cohérente et efficace ; mettre à profit la contribution des acteurs français à une génétique européenne performante et reconnue au niveau mondial.

Le RZE fixe les règles relatives « à l’agrément des organismes de sélection, l’approbation des programmes de sélection, les droits et obligations des éleveurs et des organismes de sélection, l’inscription dans les livres généalogiques, l’admission à la reproduction, le contrôle des performances et l’évaluation génétique, les certificats zootechniques, les règles à l’importation, les contrôles officiels par les États membres », précise le ministère de l’Agriculture français. En revanche, ce règlement européen ne couvre pas certains champs, comme les systèmes nationaux d’information génétique, l’identification, l’insémination, la reconnaissance des races, le devenir des animaux non destinés à l’inscription dans un livre généalogique. Le règlement précise qu’un organisme de sélection (OS) est « une association d’éleveurs, une organisation d’élevage ou un organisme public, autre que les autorités compétentes, agréé par l’autorité compétente d’un État membre, dans le but de réaliser un programme de sélection avec les reproducteurs de race pure inscrits dans le ou les livres généalogiques qu’il tient ».

Missions réglementées élargies

Avec l’entrée en application du RZE en France, les OS voient leurs missions réglementées s’élargir, en intégrant celles réalisées auparavant par d’autres structures. Les schémas de sélection restent toutefois mis en oeuvre par les entreprises de sélection. Le programme de sélection inclut le contrôle de performances et l’évaluation génétique des reproducteurs, qui sont réalisés sous la responsabilité de l’OS, tout comme la publication des résultats de l’évaluation génétique des mâles dont la semence est destinée à l’insémination. Un OS peut déléguer une partie de ses activités à des organismes tiers, y compris le contrôle des performances et l’évaluation génétique. Il doit demander son agrément en qualité d’OS par race et en même temps l’approbation de son programme de sélection. Il peut demander l’extension de son activité à un autre État membre.

Il est précisé dans le RZE que les OS placés sous le régime de la réglementation nationale sont considérés comme agréés, mais ils doivent s’adapter pour être en conformité avec la réglementation et intégrer les nouvelles missions confiées. Le règlement permet que d’autres structures demandent un agrément en qualité d’OS. Ainsi, en France, en race charolaise, comme pour les races prim’holstein et montbéliarde, plusieurs OS cohabitent depuis plusieurs mois : charolais France, l’OS historique de la race, ainsi que l’OS charolais de Gènes diffusion, qui a obtenu son agrément en février dernier. Effectivement, l’Union Gènes diffusion a fait le choix de ne plus être partenaire de l’OS charolais historique. Néanmoins, la race charolaise reste une race unique, avec un code race unique (38) et une indexation nationale Iboval unique.

L’OS charolais de Gènes diffusion

En s’appuyant sur leur partenariat avec les organismes de contrôle de performances (lait et viande) et les établissements de l’élevage, l’Union Gènes diffusion et les entreprises de mise en place associées ont saisi l’opportunité du RZE pour créer un OS pour la race charolaise (et un autre pour la race prim’holstein). Les objectifs de ce nouvel OS, dont la marque est Charolais+, sont : moderniser la race charolaise ; ouvrir à tous l’accès au livre généalogique ; valoriser les atouts de la race ; identifier le potentiel économique des animaux ; utiliser la génomique pour adapter la race aux marchés.

L’OS, présidé par Alain Guillaume (qui préside également l’OS prim’holstein), est structuré autour de cinq collèges : éleveurs impliqués dans la sélection collective ; entreprise de sélection ; diffuseurs de génétique ; partenaires de la création génétique et partenaires de l’aval. « L’OS Charolais+ a son propre schéma de sélection, ce que Gènes diffusion a toujours fait. Un livre généalogique a été créé pour répondre à la réglementation », indique Cyrille Thomas, président de la section charolaise de Gènes diffusion.

Pour cet éleveur ligérien, en créant un nouvel OS, « l’objectif est de changer le modèle charolais d’aujourd’hui. La filière demande des animaux plus fins d’os, avec plus de morceaux nobles. Il faut moderniser la race : améliorer la productivité, les facilités de naissance, les qualités maternelles, les qualités laitières, faire en sorte que les animaux valorisent les productions fourragères. Les éleveurs demandent des facilités de vêlage avec des poids raisonnables. Le résultat économique des exploitations passera par la production numérique et la faculté des vaches à faire naître des veaux et à les élever ».

L’OS Charolais France

Pour l’OS Charolais France, déjà existant, des ajustements ont été apportés pour répondre à la nouvelle réglementation. « Nous sommes repartis d’un système construit depuis longtemps, basé sur une association d’éleveurs, le Herd book charolais (HBC), tout en restant en lien avec les autres partenaires et acteurs historiques de l’OS », rapporte Sébastien Cluzel, président du HBC. Pour Hugues Pichard, président de l’OS historique, « faire le choix de Charolais France, c’est se tourner vers un organisme qui dispose d’un projet stratégique, axé 100% autour de l’écoute, de la démocratie dans la prise de décision, et de la maîtrise collective des nouveaux enjeux de la race. L’OS Charolais France est tourné vers les problématiques d’aujourd’hui des éleveurs, notamment la valorisation du produit, car la race doit être en adéquation avec la filière. Nous sommes clairement passés dans l’ère de l’économique. La race charolaise doit s’orienter vers la facilité d’élevage des animaux (facile à vêler, facile à élever) et vers la rentabilité économique (vitesse de croissance) pour dégager des marges ». « Nous misons sur un charolais avec moins d’os, mais avec de bons aplombs pour que les animaux se déplacent, et plus de conformation, pour coller aux attentes de la filière, tout en maintenant la croissance », poursuit Sébastien Cluzel. Même si les grandes orientations sont là, les deux hommes estiment que la force de la race charolaise est sa diversité, qui permet de s’adapter aux débouchés.

Ainsi, les partenaires sont répartis en deux pôles : le pôle valorisation (valorisation de la génétique et du produit final qu’est la viande, avec des structures portant des signes officiels de qualité pour la viande) et le pôle développement (orientation de la génétique, avec des entreprises de sélection et le HBC), le second étant à l’écoute du premier.

Les deux OS ont fait le choix de confier une partie des missions réglementaires par contrat à des partenaires historiques : la certification de la parenté bovine aux EDE ; le contrôle des performances aux organismes Bovins croissance regroupés au sein de France conseil élevage et le calcul des évaluations génétiques à GenEval.

Lucie Grolleau Frécon

Une Fête du charolais dans les fermes

RENDEZ-VOUS / Au fil des jours et de la progression de l’épidémie de Covid-19, il semblait de plus en plus compliqué de maintenir la Fête du charolais à Roanne (Loire). La décision a finalement été prise de l’annuler, ou plutôt de proposer un événement adapté aux circonstances pour soutenir les éleveurs.

Cette année, pour la Fête du charolais, pas d’animaux au Scarabée de Roanne mais un jugement des animaux de boucherie dans les fermes et des portes ouvertes dans les élevages pour découvrir les animaux reproducteurs.

C’est en une journée commerciale dans les élevages de reproducteurs et un jugement en ferme des animaux de boucherie qu’a été transformée la Fête du charolais. Cet événement, à la fois professionnel et grand public, accueille chaque année à Roanne un concours inter départemental de reproducteurs charolais et un autre d’animaux de boucherie. Cette année, situation sanitaire liée au Covid-19 oblige, les organisateurs ont effectivement dû se résoudre à réinventer la Fête du charolais. Même si les administrateurs, en majorité des éleveurs, avaient décidé, le 9 septembre, de maintenir ce rendez-vous, qui devait se tenir les 24 et 25 octobre, et alors que les inscriptions des animaux aux concours étaient closes, les membres du bureau et les responsables des concours ont préféré ne pas prendre de risque et mettre en oeuvre un « plan B » pour accompagner malgré tout les éleveurs dans leur démarche de vente d’animaux, qu’ils soient destinés à la reproduction ou à la consommation.

Journée commerciale le 24 octobre

Ainsi, il a été proposé aux éleveurs qui avaient inscrit des reproducteurs de prendre part à une journée commerciale, dont le comité d’organisation de la Fête du charolais prend en charge la communication. Les éleveurs qui ont répondu favorablement à cette proposition (liste à retrouver sur www.paysansdelaloire.fr) se tiennent donc prêts à accueillir les visiteurs professionnels sur leur exploitation samedi 24 octobre (à partir de 9 h). Chacun reste libre sur la forme à donner à ces portes ouvertes : animaux en lots dans les prés, animaux à l’attache en bâtiment... Concernant le concours d’animaux de boucherie, les responsables ont décidé que le jugement se déroulerait dans les fermes. Un jury de cinq personnes a été constitué et s'est rendu dans les élevages jeudi 15 et vendredi 16 octobre. Le palmarès sera dévoilé dans la foulée. Les acteurs de la filière viande bovine pourront alors se rendre dans les exploitations pour acheter un ou des animaux, comme ils peuvent le faire lors de la Fête du charolais.

L. G. F.