CASTANÉICULTURE
Châtaignes : de belles récoltes en perspective

Mi-octobre, les bogues ont commencé à tomber au sol, signe pour les castanéiculteurs que l'heure du ramassage a sonné. Depuis, dans les vergers, les moteurs d'aspirateurs rugissent... La récolte n'est pas tout à fait terminée que déjà les ouf de soulagement se font entendre.

Châtaignes : de belles récoltes en perspective

C'est la période la plus chargée pour Marie et Samuel Terras. Au Gaec de Samarie à Saint-Jean-Chambre, le couple doit non seulement s'occuper de ses 300 brebis mais aussi récolter les châtaignes sur ses 11 hectares de verger. Un mois où ils n'arrêtent pas. Et parfois, même les enfants mettent la main à la pâte !

Avec sa mère, Maëlle, 12 ans, ramasse machinalement les châtaignes tombés hors des filets. Au loin, on voit Samuel partir au volant du tracteur. « Il va récolter avec l'aspirateur », explique Marie. Une fois leurs paniers bien remplis, Mère et fille partent à la calibreuse. Les châtaignes doivent être triées avant d'être expédiées : « C'est la course aujourd'hui, on a eu une commande qui doit être envoyée demain », crie Marie pour se faire entendre malgré le bruit de la machine.

Devant elle, les châtaignes fraîchement ramassées sautent dans un large rouleau en métal avant de tomber dans les trous qui détermineront la suite de leur voyage. Les plus petites partent pour l'industrie, celle qui sont juste au-dessus serviront pour la farine, puis les autres pour les crèmes et purées. Enfin, le dernier compartiment est dédié aux grosses châtaignes, celles qui seront vendus en frais. « C'est notre spécialité », précise Marie sans quitter sa besogne des yeux.

Des calibres variables

Frais, les fruits sont souvent bien valorisés mais encore faut-il que les calibres suivent... Et sur ça, les castanéiculteurs n'ont pas de prise. « Cette année c'est très variable », note Sébastien Debellut, animateur du comité interprofessionnel de la châtaigne d'Ardèche (CICA). Du côté des variétés traditionnelles, nécessaires à l'AOP, la Comballe a donné de très gros fruits. « C'est presque du jamais vu », s'étonne l'animateur de CICA. La Garinche, elle aussi traditionnelle, a, au contraire, donné beaucoup de châtaignes mais de petites tailles.

César Marze, président du CICA confirme cette analyse : « En Comballe et Bouche rouge, le peu qu'on a est magnifique. Et la Garinche a fait beaucoup de bogues qui ont tenu malgré les chaleurs ! » Cette dernière est la variété la plus présente sur son exploitation à Pranles, et cette année César Marze attend une récolte encore supérieure à 2021, une douzaine de tonnes contre 8 l'année dernière. « Deux bonnes années de suite c'est exceptionnel », se réjouit-il.

Comme beaucoup d'agriculteurs, à la saison estivale, César Marze n'avait pas bon espoir. Sur sa dizaine d'hectares, il craignait que ses jeunes arbres ne souffrent de la sécheresse mais le résultat est plus que surprenant. De quoi motiver le jeune castanéiculteur installé depuis 2018 aux Vergers d'Alisse, exploitation où il produit aussi des plantes aromatiques, des petits-fruits, des abricots et élève plus de 8000 poulets de chair.

Peu de problèmes sanitaires

En Ardèche, la culture de châtaigne est souvent une activité parmi d'autres. Si la création d'un AOP, en 2014, a permis une meilleure valorisation de ce fruit, il reste, comme beaucoup de culture, sensible aux aléas de la météo. Outre les rendements et calibres qui peuvent être aléatoires, la problématique sanitaire est aussi très présente. Mais là encore, l’année 2022 semble plutôt exceptionnelle. Avec le manque d’eau, les pourritures sont rares. Seule ombre au tableau, les pluies de la semaine dernière. « On a dû faire une pause de plusieurs jours dans la récolte », témoigne Marie Terras. Après être restées sur un sol humide, les dernières châtaignes risquent de présenter une moindre qualité.

Bonne nouvelle, en revanche, pour la prochaine récolte car la floraison des arbres dépend souvent de la pluviométrie de l’automne. Oserait-on rêver d’une belle saison de châtaignes, pour la troisième année consécutive ? Il est encore bien trop tôt pour cela, mais la surprenante récolte de 2022 donne de quoi espérer.

Pauline De Deus

Les mystères des châtaigneraies
Ce capteur mesure les micro-variations de diamètre des branches. Des données qui permettent d'établir avec précision les périodes de croissance et de rétractation de l'arbre.

Les mystères des châtaigneraies

La saison 2022 aura été marquée par des chaleurs records et une résilience inattendue du châtaignier.

« Le châtaignier a quand même des ressources qui nous échappent », comme beaucoup de castanéiculteurs, au Gaec de Samarie, Marie Terras peine à comprendre comment la récolte a pu être si belle après les chaleurs de l'été. « Je ne sais pas comment ils ont fait pour tenir », s'étonne aussi César Marze, des Vergers d'Alisse.

Pour Sébastien Debellut, animateur du comité interprofessionnel de la châtaigne d'Ardèche (CICA), cette résilience du châtaignier s'explique « par les pluies qui sont arrivées pile au bon moment, à la mi-août », ainsi que « par des nuits qui n'étaient pas très chaudes malgré les fortes températures journalières ». Combinés, ces deux éléments ont permis aux arbres de rester verts et de ne pas avoir à sacrifier leurs bogues pour survivre. La météo du mois de septembre a, ensuite, offert aux fruits de bonnes conditions pour grossir.

Seul point noir en Ardèche : le plateau Coiron. Sur cette zone, pas de précipitations à la mi-août. Les châtaigniers ont été assoiffés et les castanéiculteurs du secteur n'ont récolté que 20 % des rendements habituels. Le problème est qu'avec des chaleurs en constante augmentation, ce genre de scénario estival pourrait se reproduire.

Une expérimentation autour de l'irrigation

Si la châtaigne n'est traditionnellement pas une culture irriguée en Ardèche, apportée au bon moment, une petite quantité d'eau pourrait permettre de sauver la récolte. C’est en tout cas l’hypothèse du projet Denvers qui cherche à développer des outils pour une gestion fine de l'irrigation en situation de contraintes hydriques en vergers.

Menée par la chambre d’agriculture de l’Ardèche, cette expérimentation tente de comprendre à quel moment, un arrosage, pourrait être au maximum profitable aux châtaigniers. Pour cela, des dendromètres ont été placés sur plusieurs arbres d’un verger afin de mesurer quotidiennement les phases de croissances et de rétractations des châtaigniers. Ces données, récoltées sur plusieurs années, pourraient ensuite servir à établir des règles pour une irrigation efficace du châtaignier, en période sèche, sans peser sur la ressource en eau.

PDD