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L’emballage plastique des fruits et légumes, interdit dès 2022

Amandine Priolet - Pierre Garcia
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RÉGLEMENTATION / Le projet de loi AGEC (loi anti-gaspillage pour une économie circulaire), adopté le 30 janvier 2020, prévoit une interdiction des emballages plastiques, autour des fruits et légumes, au 1er janvier 2022. Le point sur une nouvelle réglementation qui inquiète les producteurs.

L’emballage plastique des fruits et légumes, interdit dès 2022
Au 1er janvier 2022, l’emballage plastique de lots de fruits et légumes de moins de 1,5 kg sera interdit.

Le projet de loi porté par Brune Poirson, secrétaire d’État auprès de la ministre de la Transition écologique et solidaire, et relatif à la lutte contre le gaspillage alimentaire et à l’économie circulaire (loi AGEC), a été définitivement adopté le 30 janvier 2020. Cette loi entend accélérer le changement de modèle de production et de consommation afin de limiter le nombre de déchets et préserver les ressources naturelles. L’un des grands axes consiste à sortir du plastique jetable. Selon plusieurs études mondiales (Plasticseurope, Elipso, Universités de Géorgie et de Californie), 8,3 milliards de tonnes de plastique ont été produites sur terre depuis 1950, dont 6,3 milliards se trouvent dans la nature ou sont stockées dans des décharges. La France, quant à elle, produit 5 millions de tonnes chaque année dont la moitié pour fabriquer des emballages.

Vers une réduction du gaspillage alimentaire

Dans le texte voté par le gouvernement au début de l’année 2020 figure notamment l’interdiction des emballages plastiques de fruits et légumes. D’abord prévue au 1er janvier 2021, l’application de cette loi a finalement été prolongée d’une année, pour s’appliquer au 1er janvier 2022. La loi prévoit ainsi une réduction du gaspillage alimentaire d’ici 2025, de 50 % par rapport à son niveau de 2015 dans les domaines de la distribution alimentaire et de la restauration collective et, d’ici 2030, de 50 % par rapport à son niveau de 2015 dans les domaines de la consommation, de la production, de la transformation et de la restauration commerciale. La loi prévoit également que « chaque consommateur pourra, dès le 1er janvier 2021, apporter un contenant réutilisable dans les commerces de vente au détail ». Pour autant, cette interdiction d’emballages plastiques ne concernera pas tous les lots.

Le vrac : grand vainqueur ?

L’article 77 de ce projet de loi indique qu’« à compter du 1er janvier 2022, tout commerce de détail exposant à la vente des fruits et légumes frais non transformés est tenu de les exposer sans conditionnement composé pour tout ou partie de matière plastique. Cette obligation n’est pas applicable aux fruits et légumes conditionnés par lots de 1,5 kg ou plus ainsi qu’aux fruits et légumes présentant un risque de détérioration lors de leur vente en vrac dont la liste est fixée par décret ». Toutefois, le Conseil national de l’alimentation (CNA) s’est vu demander de fournir aux professionnels des recommandations sur la liste des fruits et légumes qui pourraient être exemptés de l’interdiction. Il faut dire qu’en l’état, il s’avère difficile pour certains d’entre eux de se passer d’emballage plastique. C’est le cas notamment des produits dits « mûrs à point ». Le CNA par ailleurs fait savoir dans son avis intermédiaire n°86 que « la liste initiale serait évolutive dans le temps jusqu’à devenir une liste plus réduite de produits en 2025 ».

Les étiquettes sur les fruits et légumes également interdites

Entre contraintes des professionnels et aspirations de la société civile, le sujet est loin de faire consensus. L’interprofession Interfel, qui avait apporté de nombreuses propositions pour parvenir le plus rapidement possible à des alternatives quant à l’utilisation du plastique dans les emballages des fruits et légumes concernés, regrette aujourd’hui de ne pas avoir été entendue. Dans un communiqué, l’organisme déplore que « le groupe de concertation du CNA n’ait pas été réuni préalablement à l’adoption de la loi, ce qui aurait permis à tous les acteurs de prendre le temps d’un débat argumenté et de conduire une véritable étude d’impact couvrant l’ensemble des enjeux environnementaux, économiques et sociétaux et d’étudier finement les alternatives envisageables et éligibles ».

Ce projet de loi fait d’autant plus réagir les professionnels de la filière que celle-ci est concernée avant d’autres secteurs, qui auront quant à eux jusqu’à 2040 pour éliminer toute trace de plastique. « Les fruits et légumes frais représentent, sur le champ de la loi, moins de 1 % des emballages plastiques du secteur alimentaire », rappellait d’ailleurs Interfel dans une lettre ouverte destinée à Brune Poirson en février 2020. Précisons que ce texte de loi vise également la fin de l’apposition d’étiquettes directement sur les fruits ou les légumes, sauf les étiquettes compostables et constituées, pour tout ou partie, de matières biosourcées. « Les nombreuses étiquettes déposées directement sur le fruit ou légume pour simplement signaler une marque, un producteur ou un label sont rarement compostables. Elles empêchent de fait le compostage des restes des fruits et légumes ou viennent polluer la matière organique », vient compléter à ce sujet l’amendement de l’Assemblée nationale.

Amandine Priolet

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Alors que le plastique a depuis longtemps pris une place considérable dans les rayons de nos supermarchés, certaines sociétés ont d’ores et déjà anticipé son interdiction à venir et développé des solutions innovantes et ce, bien en amont du projet de loi anti-gaspillage et économie circulaire (AGEC). Rendez-vous international réunissant des acteurs des filières fruits et légumes, le salon MedFel a recensé certaines de ces initiatives. Le développement des emballages en carton – qui peuvent être recyclés – devrait notamment connaître un développement important dans les années à venir. L’entreprise italienne Fimat est à l’avant-garde dans ce domaine. A sa création en 1990, elle pénétrait déjà sur le marché de l’emballage de produits alimentaires et plus particulièrement des produits frais et périssables. Avec un seul crédo : l’utilisation de matériaux écologiques et recyclables. Elle propose d’ailleurs des barquettes en carton avec poignées, certifiées PEFC et FSC pour l’emballage des lots de fruits et légumes. L’usine de production est engagée dans des programmes de développement d’emballages du secteur agroalimentaire.

Composants naturels

Mais pour bannir le plastique, il est également possible de changer son mode de conditionnement. C’est ce que permettent les techniques de bottelage et de ficelage, traditionnellement utilisées pour la mise en bottes de légumes ou d’herbes aromatiques. La société ARC, basée en Normandie, assure la fabrication et la commercialisation de ce genre de machines depuis plus de vingt-cinq ans. D’autres process sont également disponibles sur le marché. La société Algopack, située à Saint-Malo, travaille actuellement sur un matériau rigide à base de déchets industriels d’algues bretonnes. Une solution sans plastiques, qui exclut tout emploi de dérivé du pétrole dans sa composition. De son côté, la start-up industrielle ligérienne Lactips développe son usine de fabrication de granulés de plastiques issus des protéines du lait, la caséine. Le fabricant de polymère biodégradable vise, par ce biais, les marchés de l’emballage hydrosoluble durable, des plastiques à usage unique et des emballages alimentaires. Les alternatives sur le marché sont nombreuses en direction du « zéro plastique » et tout laisse à croire, au vu des enjeux pour l’environnement, qu’elles seront amenées à se développer.

Amandine Priolet