MÉCANISATION
Un robot distributeur d’alimentation pour réduire la pénibilité du travail

L’exploitation laitière du Gaec du Bois joli à Valserhône (Ain) a choisi de réduire son astreinte pour distribuer l’alimentation de ses vaches. En janvier 2023, les trois associés ont passé le pas de la mécanisation.

Un robot distributeur d’alimentation pour réduire la pénibilité du travail
Robot distributeur d’alimentation Lely. ©MB

Une heure et demie le matin et autant le soir. Non, ce n’est pas le temps qu’il fallait aux associés du Gaec du Bois joli pour réaliser la traite de leurs vaches, mais pour les nourrir. Il y a encore quelques mois, les trois agriculteurs distribuaient toute l’alimentation à la main. « Nous déposions les fourrages au tracteur dans l’allée centrale de la stabulation et ensuite nous donnions aux vaches directement avec une fourche et nous apportions la farine dans une brouette », explique Alain Duborjal, associé du Gaec avec Cyril Dubuisson et Abel Curtenaz. Une astreinte de temps démesurée, sans compter la pénibilité du travail. C’est pourquoi les trois associés ont décidé d’investir dans un robot distributeur d’alimentation de la marque Lely, installé en janvier 2023. Ils auraient pu opter pour une mélangeuse mais une astreinte pour conduire le tracteur aurait aussi été nécessaire. Par ailleurs, l’exploitation est située en altitude, et l’hiver la neige complique les déplacements et emboue rapidement les abords de bâtiments. Le robot est lui complètement autonome. « Il pèse, il mélange le foin, les concentrés, le regain, la farine et distribue l’aliment », poursuit Alain Duborjal.

Le robot peut commander plusieurs rations en même temps

Génisses, productrices, vaches taries ou en pré-vêlages, veaux … le robot calcule la ration pour chacun des lots, soit au total cinq rations différentes. Les associés du Gaec ont aménagé quatre compartiments de stockage dans la cuisine : un pour le foin de prairies naturelles, un autre pour le foin séché en grange (luzerne de prairies temporaires), un troisième pour du foin tardif de prairies naturelles et un dernier pour le regain en botte de prairies naturelles et le regain séché en grange. Un stockage d’une capacité de quatre à cinq jours l’hiver. Lorsque les compartiments sont vides, les associés les remplissent à l’aide d’une griffe télescopique Stepa.

La préparation du bol est déclenchée par le restant à l’auge calculé par le robot grâce à un laser. Connecté à un grappin, ce dernier commande la ration pour chaque lot lorsqu’il se recharge à la borne : « Son bol pèse et le grappin aussi, ce qui permet par exemple au robot de commander 10 kg de foin en plus au grappin », explique Alain Duborjal. Avec une précision estimée à 92 %, « c’est plutôt très satisfaisant pour du foin », ajoute Lely. Le robot est également connecté à une vis reliée à un silo pour l’approvisionnement en farine. Celle-ci est fabriquée directement à la ferme. « Tout ce qui est ajouté dans le bol provient de la ferme1, précise Alain Duborjal. L’hiver, le robot effectue 12 voyages par jour, pour 12 bols de 120 kg environ. »

Autonomie garantie, jusque dans la production d’électricité. En août, le Gaec du Bois joli a fait installer 180 m2 de panneaux photovoltaïques d’une puissance de 36 kW sur le toit d’un de ses bâtiments. Une partie de l’énergie produite alimente le robot lorsqu’il est branché sur secteur et le séchoir de l’exploitation. En tarif bleu, le robot consomme l’équivalent de 0,16 kW par UGB et par jour, soit un coût de 3 € par jour en électricité pour l’ensemble du cheptel.

Conditions d’installation et de manutention

Au Gaec du Bois joli, la cuisine est située en dehors de la stabulation dans un autre bâtiment. Le robot suit donc un rail métallique grâce à des capteurs inductifs. Une fois dans l’étable, il se déplace grâce à des capteurs ultrasons. Le robot de la marque Lely offre la particularité de pouvoir s’intégrer dans n’importe quel bâtiment. Nul besoin donc d’investir dans du neuf. Seules conditions préalables, disposer d’une aire bétonnée de 2,50 m de large pour le déplacement du robot et une pente maximale de 5 %. Il faut compter environ trois semaines pour l’installation et la mise en route. Pour acquérir ce matériel à 145 000 €, le Gaec du Bois joli a emprunté sur dix ans et bénéficié de subventions PCAE à hauteur de 40 %.

Bricoleurs, les associés du Gaec n’ont pas opté pour le contrat master de Lely qui donne droit à trois révisions du robot par an. Par ailleurs, ce matériel est conçu pour fonctionner 24 heures sur 24, or il n’est en route qu’environ six mois par an de bout en bout au Gaec du Bois joli. Et Alain Duborjal de préciser : « L’été, les vaches pâturent beaucoup, le robot n’est donc qu’à 30 % de sa capacité de fonctionnement, et l’hiver il tourne environ dix-huit heures par jour. » Selon les équipes du Lely center de Saint-Félix, il faut compter en moyenne entre 4 500 et 5 000 € d’entretien par an pour une pleine utilisation, en comptant le changement des pièces d’usure (roues, couteaux et batteries lithium). Ce coût devrait être ramené à 2 000 € maximum par an pour le Gaec du Bois joli selon ses membres.

« Maintenant on peut prendre le temps de discuter »

En comptant l’emprunt, l’entretien et l’électricité, Alain Duborjal estime à 22 000 € le coût annuel du robot. Un budget non neutre mais pour l’exploitant les rendements sont bien là : « Comme le robot passe régulièrement, la ration est toujours fraîche, il y a donc moins de refus et le concentré est réparti sur la journée, ce qui facilite la digestion. Il a permis de réduire la ration d’un kilo par vache et par jour mais d’augmenter leur production de lait d’1,5 kg par laitière. » Plus important encore, Alain Duborjal et ses associés peuvent aujourd’hui assurer la traite à deux, et prendre le temps de discuter, là où ils ne faisaient que se croiser auparavant. « Aujourd’hui la seule astreinte que nous avons, c’est d’enlever le refus à l’auge lorsqu’il y en a et de remplir le stock une fois par semaine », se réjouit Alain Duborjal. Une qualité de travail non négligeable, d’autant plus qu’Abel Curtenaz devrait prendre sa retraite d’ici quelques mois et ne devrait pas être remplacé. À terme, le Gaec du Bois joli souhaite aménager un autre bâtiment pour permettre au robot de distribuer l’aliment aux veaux de l’année.

Margaux Balfin

1. L’exploitation achète uniquement des formules VL 18 % et VL 26 % en AB pour ses laitières les plus productrices nourries directement au DAC et non au robot.

Alain Duborjal, Cyril Dubuisson et Abel Curtenaz, au côté d’un ami venu donner un coup de main pour la traite. ©MB

Le Gaec du Bois joli

Alain Duborjal, Cyril Dubuisson et Abel Curtenaz élèvent une soixantaine de laitières montbéliardes pour une centaine d’UGB sur la commune de Valserhône. Une partie de leurs 230 ha de SAU est en prairies temporaires et naturelles, et une vingtaine d’hectares sert à la culture de céréales : orge, triticale et méteils (mélanges de triticale, pois, avoine et seigle). En IGP tommes de Savoie, l’exploitation livre son lait AB à la Sica des fermiers, ensuite valorisé à la coopérative de Yenne.

Le grappin connecté au robot ravitaille le bol en fourrages. ©MB