Sécheresse, tensions géopolitiques, hausse des coûts de production… En 2022, les multiplicateurs de semences d’Ardèche et Drôme ont cumulé les difficultés. Bilan et perspectives.
Entre un été chaud et sec et des coûts de production qui flambent, la saison 2022 a été tendue pour la filière semencière. « Les résultats sont très hétérogènes selon les secteurs, les espèces, les dates de semis et l'accès à l'irrigation », souligne Benoit Vignal, le président sortant des syndicats des agriculteurs multiplicateurs de semences (Sams) de Drôme et d’Ardèche, qui tenaient leur assemblée générale commune le 25 janvier à Étoile-sur-Rhône. .
Pour les potagères bisannuelles, notamment cucurbitacées, le bilan est plutôt positif. En revanche, les potagères annuelles ont souffert des coups de chaud et les résultats techniques ne sont pas au rendez-vous. Si les surfaces en soja continuent d’augmenter, y compris en bio, la campagne 2022 a été compliquée, avec des problèmes de qualité liés au climat. De même pour la betterave, dont les surfaces ont chuté en Ardèche (environ 50 ha) avec la sécheresse et des besoins en eau qui ont explosé. La betterave est également touchée par une forte hausse du prix des intrants, achevant de décourager les producteurs. Pour les semences fourragères, on observe une forte baisse des surfaces. C’est notamment le cas de la luzerne, dont les rendements et les prix ne cessent de diminuer depuis 5 ans. On en compte seulement 20 ha dans la Drôme, contre 400 ha encore en 20218. En Ardèche, les semences de luzerne ont purement et simplement disparu des champs.
Des craintes pour l’avenir du maïs semence
L’année 2022 a été très compliquée en semence de tournesol et 2023 devrait l'être plus encore : avec la sécheresse et les problèmes d’irrigation, la demande en tournesol devrait exploser, générant des problèmes d’isolement mais aussi des tensions sur la disponibilité pour les semis 2023, et plus encore 2024.
C’est d’autant plus vrai pour le maïs semences, très impacté par la sécheresse et dont la production peine à atteindre les 70 % de l'objectif prévu. C’est « la catastrophe », « la pire année jamais connue », signalent unanimement les opérateurs. D’autant plus que le maïs semences connait une vraie désaffection des producteurs découragés : les engagements de surface ont d'ailleurs fortement chuté en 2022. Malgré une forte demande attendue qui devrait tirer les prix du maïs semence vers le haut en 2023 et rebooster l'attractivité de cette culture, beaucoup estiment qu’il est déjà « trop tard ».
« Pourra-t-on irriguer demain » ?
Véritable source d’interrogation pour l’avenir, les tensions sur la ressource en eau ont été au cœur des discussions. « Avec l’explosion annoncée des prix de l’eau et les ressources qui diminuent, pourra-t-on continuer à irriguer demain ? », interroge un opérateur. « Il va falloir réfléchir à des retenues d’eau, sinon on va dans le mur », souligne l’un de ses confrères.
Afin de s’adapter aux changements du climat et au manque, les multiplicateurs de semences tentent aussi de revoir leurs stratégies, en avançant notamment les dates de semis au printemps. « Mais les semenciers livrent les semences trop tard. En 2022, à 10 jours près on aurait pu faire bien mieux », déplore un agriculteur.
Des hausses de charges inéluctables
À la mauvaise campagne 2022 s’ajoute l’inflation que subissent de plein fouet les multiplicateurs de semences. « C’est le prix des engrais qui a le plus fortement augmenté entre 2021 et 2022, soit +80 % en moyenne selon l’Insee, rapporte Emile Chatelin de la Fnams. Mais tout augmente : énergie, gazole, phyto, main d’œuvre (hausse du Smic) … » Bonne nouvelle, le prix des engrais devrait diminuer en 2023. Mais les autres charges devraient poursuivre leur courbe ascendante, ce qui pourrait réduire les marges des producteurs. C’est ce que veut à tout prix éviter la filière, qui craint pour son avenir.
Mylène Coste
Où est passée la main-d’œuvre ?
Si le conflit ukrainien et les aléas climatiques pénalisent la filière semencière, un autre phénomène inquiète les producteurs : la difficulté de recruter de la main-d’œuvre. « Que ce soit en maïs, en tournesol, en oignon… on a vraiment du mal à trouver des saisonniers, même auprès des jeunes et étudiants qui autrefois étaient nombreux dans nos champs, s’inquiète un agriculteur. C’est un problème majeur pour l’avenir de nos cultures ». Au lycée du Valentin, qui avait mis en place depuis plusieurs années une spécialité Système semenciers en BTS, on note également une diminution du nombre d’élèves. Cette spécialité devrait d'ailleurs bientôt disparaître au profit d'une refonte de la formation, orientée vers plus de pratique en accord avec les attentes des professionnels.
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C’est le nombre d’agriculteurs multiplicateurs de semences que compte l’Ardèche en 2022. Ils sont 539 dans la Drôme, chiffre en baisse malgré un relatif maintien des surfaces. Au niveau national, ils sont près de 17 200, contre 19 500 en 2018, soit une diminution de 10 % en 5 ans. Source : Semae.
Benoit Vignal passe le flambeau
Agriculteur à Saint-Vincent-de-Barrès, Benoit Vignal s’est retiré de la présidence des Sams de Drôme et d’Ardèche. Géraud De Premorel, agriculteur à Étoile-sur-Rhône et jusqu’alors vice-président, lui succède. Benoit Vignal conserve toutefois la présidence de la Fnams Sud-Est et devient vice-président des Sams 07/26.