Fruit à coque
Produire de l'amande : les prérequis

Mylène Coste
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De plus en plus d'agriculteurs s'intéressent à la culture de l'amandier. Une formation à ce sujet, proposée par la Chambre d'agriculture de l'Ardèche, a réuni une dizaine de personnes le 15 novembre à Aubenas.

Produire de l'amande : les prérequis
Féragnès, Ferraduel, Mandaline... La Lauranne reste l'une des variétés d'amande les plus répandues dans le Sud de la France.

Tolérant au sec, productif, adapté au climat méditerranéen... L'amandier présente de nombreux avantages et attire de plus en plus d'agriculteurs dans le Sud de la France. « L'Occitanie et la région Paca se sont lancées dans de véritables programmes de relance de cette production. Dans la Drôme, les plantations d'amandiers se multiplient, et en Ardèche, l'amande connaît aussi un regain d'intérêt », explique Hélina Deplaude, technicienne châtaignes et petits fruits à la Chambre d'agriculture de l'Ardèche.

Quelles variétés choisir ?

Avant de se lancer, il est nécessaire de déterminer ses futurs débouchés. « Le choix des variétés en découle, indique Hélina Deplaude. Certaines sont plus adaptées à la consommation en frais, d'autres davantage plébiscitées par les confiseurs ou pour la transformation. »
La Lauranne reste l'une des variétés les plus répandues dans le Sud de la France. Autofertile, cette variété est à la fois productive et régulière et présente l'avantage de rentrer rapidement en production.
La mise à fruits est plus lente pour la Féragnès, qui présente cependant des rendements légèrement supérieurs à la Lauranne. Cette variété est assez résistante à la tavelure et peu sensible au monilia, et son amandon, assez gros, est apprécié. Autostérile, elle se pollinise avec Lauranne ou avec Ferraduel.
La Ferraduel présente, elle aussi, un bon potentiel productif mais plus alternant. De maturité plus tardive, sa coque très dure présente bien pour la vente en frais.
La Ferrastar est, quant à elle, très vigoureuse et peu sensible aux maladies. Elle est donc plus adaptée à une conduite en bio. Autostérile, elle présente une alternance prononcée.
Autre variété présente dans le Sud, la Mandaline est autofertile, de floraison tardive, mais donne de petits calibres et s'avère assez sensible aux ravageurs du fait de la faible épaisseur de sa gove et de sa coque.

Quelles sont les conditions pédoclimatiques idéales ?

« L'amandier reste une espèce méditerranéenne, peu sensible aux fortes chaleurs, souligne Hélina Deplaude. Cependant, il craint les gelées à moins de 2°C sur fleurs. Pour implanter un verger d'amandiers, il faut a minima une parcelle adaptée pour les abricotiers. » La floraison intervient entre la fin février et la mi-mars, selon les variétés. Les amandiers sauvages, que l'on peut voir en bords de champs, ont une floraison plus précoce (janvier).

L'amandier s'épanouit idéalement sur sols drainants et filtrants et accepte les terrains modérément calcaires. En revanche, il convient d'éviter les sols lourds ou argileux qui risquent d’entraîner une asphyxie radiculaire.

Quid de l'irrigation ? « L'amandier peut tout à fait être conduit en sec, indique Hélina Deplaude. Les rendements sont cependant beaucoup plus importants pour les vergers irrigués, pouvant varier du simple au double ! »

Quelles sont les maladies à éviter ?

Plusieurs maladies et ravageurs peuvent mettre à mal la production d'amande. Le champignon parasite Fusicoccum amygdali en est l'un des principaux, provoquant des chancres sur le feuillage. Il peut engendrer le flétrissement des rameaux, et les chancres peuvent rester actifs durant trois ans. Seul le choix de variétés moins sensibles (Ferraduel ou Ferrastar) et les traitements peuvent éviter son développement.

Eurytoma amygdali, ou « guêpe de l'amandier », est l'autre fléau redouté par les producteurs. Ce micro-hyménoptère peut occasionner jusqu’à 80 % de pertes dans une amanderaie. Il est très difficile de lutter contre ce ravageur en bio, « mais on peut privilégier les variétés à coque dure pour limiter la sensibilité aux ravageurs, et supprimer les amandes attaqués avant la sortie de l'euryptoma », signale Hélina Deplaude.

Si les conditions climatiques sont humides, d'autres maladies peuvent se développer comme le monilia sur les fleurs et rameaux, la tavelure, ou encore le coryneum. La cicadelle peut également endommager la production.

Un bon complément aux cultures d'été

Avec une floraison en mars et une récolte fin août / septembre, la production d'amandes intervient après la campagne arboricole estivale mais avant la récolte de châtaignes, et peut ainsi constituer un complément d'activité intéressant.

Des travaux de taille en hiver sont nécessaires, le but étant de favoriser un ensoleillement sur toutes les parties de l'arbre. Il convient également de favoriser au mieux la fertilité des sols avec une bonne aération et des apports organiques réguliers. Des traitements de protection contre les maladies sont à effectuer en saison.

La récolte d'amandes sèches est mécanisable, réalisée avec des outils semblables à ceux de l'olive : de grandes corolles que l'on déploie autour des arbres ainsi qu'un vibreur pour y faire tomber les fruits.

Une filière promise à de multiples opportunités

Compte tenu des difficultés rencontrées sur d'autres productions fruitières - fragilisées par la concurrence, la réglementation ou les parasites - l'amande a bien des attraits. Sa culture remonterait au XVIe siècle dans l'Hexagone. Mais sa production reste aujourd'hui anecdotique : la France serait seulement le 24è producteur mondial.
Les Français consommeraient pourtant près de 30 000 tonnes d’amandes chaque année, en faisant leur oléagineux préféré. Mais seules 1 000 à 1 500 t d'amandes sont produites en France (notamment en Corse, Occitanie et Paca). La Californie, concentre encore près de 80 % de l’offre mondiale soit 800 000 à un million de tonnes.
L'Espagne est le principal producteur en Europe ; le troisième au niveau mondial après l'Australie (2e) et les États-Unis (1er), qui cultivent tous deux de l'amande à coque tendre (différente de l'amande à coque dure produite en France).

Une diversité de débouchés

Les débouchés sont multiples : vente en frais, industrie alimentaire, pâtisserie, chocolaterie et confiserie, desserts lactés, pâte d’amande... Autre débouché en plein essor : la cosmétique (huiles, crèmes, savons). Un certain nombre de petits producteurs choisissent également la vente en direct. Hormis celle du Mas d'Aguilhon, à Saint-Marcel-d'Ardèche, il existe peu de casseries au niveau local. La coopérative Sud Amandes, située à Garons (Gard) est aussi équipée d'une casserie. Elle transforme et commercialise des amandes à destinations des professionnels confiseurs, chocolatiers ou encore nougatiers.
Globalement, le prix de vente pour 1 kg d'amandons (hors frais de casserie) se situe entre 7 et 11 €, tandis que le cours mondial est autour de 6 €.

Matériel végétal : vigilance sur la provenance !

Le matériel végétal doit être choisi avec vigilance : « Attention aux importations d'Italie ou d'Espagne, avec les risques sanitaires liés notamment à la transmission de Xylella fastidiosa », insiste Hélina Deplaude. Le choix du porte-greffe est également important. Il induit aussi une vigueur plus ou moins forte à la variété et une résistance plus ou moins importante à l’humidité ou à la sécheresse. « Le plus répandu est le GF 677, car l'un des plus vigoureux et des plus adaptés à nos conditions », indique Hélina Deplaude.