INSTALLATION
Les Vergers de mon Papé : l'arboriculture baixoise a de beaux jours devant elle !

Mylène Coste
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INSTALLATION / L'agriculture ne faisait pas partie de ses plans initiaux. Pourtant, Joséphine Martin s'est lancée dans l'aventure en reprenant l'exploitation fruitière familiale, à Baix, sous l'œil bienveillant de son père Pascal. Elle s'entoure d'Émilien Nègre et Julien Rouméas pour la gestion logistique et commerciale.

Les Vergers de mon Papé : l'arboriculture baixoise a de beaux jours devant elle !
Joséphine Martin a troqué sa carrière dans le sport pour se consacrer à une toute autre gymnastique qui demande au moins autant d'énergie... Elle est aujourd'hui à la tête de l'exploitation arboricole Les Vergers de mon Papé à Baix.

L'agriculture? « Je n'y avais jamais réellement songé, confie Joséphine Martin. C'est lorsque mon père nous a annoncé son départ à la retraite que tout s'est accéléré. »  Revenons quelques mois en arrière. Au printemps 2019, Pascal Martin réunit ses trois enfants et l'annonce : dans deux ans, il prendra sa retraite et souhaiterait transmettre l'exploitation Taga Fruit à l'un de ses enfants. Mais ni son fils aîné, ni sa fille cadette ne veulent reprendre le flambeau. Finalement, c'est Joséphine, la benjamine de la famille, qui se décidera. Une décision qui a surpris tout le monde, elle la première ! « À l'époque, j'étais installée à Annecy et travaillais depuis 10 ans comme entraineur de gymnastique diplomée d'État, explique l'intéressée. Mais je ne pouvais pas me faire à l'idée que l'exploitation disparaisse ! » La jeune femme projetait aussi de rentrer en Ardèche pour y élever sa fille Olivia, alors âgée de deux ans : « Les deux projets ont coïncidé. En juillet 2019, j'étais de retour à Baix ».

Joséphine Martin ne s'est pas lancée seule dans l'aventure. À ses côtés : Émilien Nègre, qui partage aussi sa vie, et Julien Rouméas, ami de longue date. Le premier avait travaillé à la gestion administrative de Taga Fruit quatre années durant ; le second y a fait les saisons durant près de 15 ans. Ils s'occupent plus particulièrement de la gestion de l'entrepôt et la commercialisation (voir ci-contre).

C'est ainsi que les trois associés ont donné naissance à l'Earl Les Vergers de mon Papé pour la partie production. Le nom ? « Un clin d'oeil à mon grand-père Fernand, mais aussi à mon père, le papi de ma fille Olivia. C'est eux qui ont bâti et fait vivre l'exploitation durant un demi-siècle », explique Joséphine Martin.

Formée sur le tas

Titulaire d'un master en Activité physique adaptée, Joséphine Martin partait de zéro en arboriculture. « Avec un enfant en bas âge, me former en agriculture aurait signifié renoncer à un revenu, et je ne pouvais pas me le permettre. Je le regrette un peu aujourd'hui », confie-t-elle. Elle a toutefois participé à de multiples formations (Chambre d'agriculture, Sefra...), notamment sur l'agroforesterie, thématique qui l'intéresse tout particulièrement. Elle a aussi visité quelques exploitations locales. Mais c'est essentiellement dans les vergers que Joséphine se fait la main petit à petit. Elle peut aussi compter sur l'expérience de son père Pascal. « Il n'est pas toujours d'accord avec tous mes choix, mais il m'aide beaucoup. Cet hiver, nous avons passé beaucoup de temps à tailler, ensemble. »

La jeune arboricultrice s'est aussi engagée au sein de Jeunes agriculteurs (JA) Ardèche, d'abord au sein du canton et désormais au sein du bureau départemental. « Cela m'a permis de rencontrer d'autres agriculteurs, d'échanger sur nos problématiques... C'est un investissement, mais il en faut pour défendre l'agriculture sur certains enjeux cruciaux, comme la question de l'eau. »

Diversification et conversion bio : les deux défis de Joséphine

Si son père produisait exclusivement de l'abricot et du kiwi bio, la jeune agricultrice tout juste installée choisit de diversifier l'exploitation : « Nous avons replanté des pommes, mais également de la figue et de la grenade. Nous envisageons aussi de planter de la poire, un fruit qui a quasiment disparu dans le secteur. Pourtant, Baix a longtemps été la "capitale de la poire" ! »

Elle poursuit: « Avec des aléas climatiques de plus en plus fréquents, il était important de se diversifier pour réduire la dépendance à telle ou telle culture. L'objectif est aussi de lisser la production sur toute l'année et de pouvoir occuper nos trois salariés permanents dans l'intersaison ».

L'Earl Les Vergers de mon Papé s'est lancé un second défi, et pas des moindres : celui de l'agriculture biologique. « Mon père avait déjà converti les kiwis en bio depuis 5 ans. Et à mon arrivée, nous avons tout passé en bio, précise Joséphine Martin. Il me tient à cœur de viser l'agriculture bio, au sens large : réduire les phytos, mais aussi développer l'agroforesterie, les haies fruitières pour attirer les auxiliaires, installer des nichoirs... »

Elle reconnaît cependant : « Il y a ce qu'on apprend, et la réalité. Faire du bio est loin d'être facile, notamment en abricot pour la maîtrise du monilia, ou encore de l'ECA1. Je ne peux pas non plus m'appuyer sur l'expérience de mon père, les itinéraires techniques du conventionnel et du bio étant très différents ». La Baixoise garde toutefois son objectif en tête, et compte bien prendre le temps qu'il faudra pour y parvenir.

Mylène Coste

1.       Enroulement chlorotique de l'abricotier.

 

Julien Rouméas

Julien Rouméas
Après des études d'Histoire de l'art et plusieurs années à explorer les quatre coins du globe, Julien Rouméas a posé ses valises dans son Ardèche natale pour s'associer au projet de l'exploitation baixoise. Il s'occupe aujourd'hui de l'entrepôt, la logistique et la livraison des paniers.

Emilien Nègre

Emilien Nègre
Commercial et négociateur hors-pair, Emilien Nègre a mis ses idées au service du développement commercial de Taga Fruit.

Taga Fruit : des bons produits et un brin d'audace

COMMERCIALISATION / Joséphine Martin, Émilien Nègre et Julien Rouméas ont également donné naissance à « Taga Fruit ». La société achète et revend la production de l'exploitation baixoise, mais également d'autres agriculteurs de la région.

Une fois les fruits récoltés, il faut pouvoir les vendre! C'est à cet effet que les trois associés ont créé la SAS Taga Fruit, qui achète et commercialise l'ensemble de la production de l'Earl Les Vergers de mon Papé... Mais pas seulement !

« Nous achetons également la production d'autres producteurs de Baix et de la région – en fruits et légumes de saison mais également œufs, fromages fermiers, pain et biscuits, ou encore épicerie vrac - pour en assurer la commercialisation, indique Émilien Nègre, chargé tout particulièrement de la partie commerciale. Nous avons fait le choix de ne pas limiter nos approvisionnements à l'Ardèche, pour nous assurer  davantage de régularité et de choix dans les produits. »

Côté débouchés, Taga Fruit a déjà su se constituer une clientèle solide : « Nous vendons environ 40 % des produits sur le marché de Corbas (Lyon), à des magasins spécialisés ou des forains qui font les marchés, précise Émilien Nègre. Nous fournissons également des cuisines centrales de Haute-Savoie, et quelques grossistes pour le marché français. »

Le circuits courts, une recette porteuse

Depuis avril dernier, Taga Fruit s'est également lancée dans la vente de paniers en circuits courts, avec commandes sur le site Internet et retrait dans sept points de livraisons aux alentours1. Lancée en plein confinement, l'initiative a eu un succès fou auprès d'une clientèle qui s'est peu à peu fidélisée. « Les paniers représentent 15 à 20 % de notre chiffre d'affaires, et occupent deux employés à temps plein », se félicite Émilien Nègre.

« Nous souhaitions également développer nos débouchés auprès des cuisines centrales locales. Nous devrions faire un premier pas l'an prochain avec celle de la communauté de communes Ardèche Rhône Coiron », souligne-t-il. Et Taga Fruit ne se ferme aucune porte: « Par la suite, pourquoi ne pas proposer nos produits également à des comités d'entreprises locales ? » Affaire à suivre !

1.       À Baix, Saint-Bauzile, Saint-Lager-Bressac, Cruas, Flaviac, Le Pouzin, Saint-Priest.

 

Les Vergers de mon Papé en chiffres clés

CARTE D'IDENTITÉ /

  • 12 ha d'abricots en conversion bio.
  • 8 ha de kiwi bio.
  • 1,5 ha de pommes en conversion bio.
  • 1 ha de grenades en conversion bio.
  • Une centaine de plants de figuiers bio.
  • 3 salariés permanents et une quarantaine en saison.