ÉLEVAGE CAPRIN
Lactation longue : une pratique qui se développe

Étudiée depuis le début des années 2000 par l'institut de l'élevage, la conduite de chèvres en lactation longue fait de plus en plus parler d'elle. Quels sont les bénéfices de cette pratique ? Comment la mener ? On fait le point.

Lactation longue : une pratique qui se développe
La lactation longue est une réelle stratégie d'élevage qui impose également des contraintes, telle que la traite tout au long de l'année.

Proposer du fromage tout au long de l'année, limiter les risques sanitaires liés aux mises bas, gérer plus facilement les fins de carrières des animaux... En élevage caprin, les avantages de la lactation longue1 sont nombreux. « Mais les bénéfices de cette pratique sont à observer au regard des objectifs de chaque éleveur », insiste Renée De Crémoux, chef de projet à l'institut de l'élevage. 

« Ça peut être un élément de souplesse qui permet de tamponner un certain nombre d'aléas », renchérit Aude Pasquet, conseillère d'élevage à Adice. Parmi ces aléas, un manque de débouchés pour les chevreaux suite à la fermeture des frontières en 2020 et 2021. C'est notamment à cette période que la lactation longue s'est fait connaître chez les éleveurs pour limiter les naissances.

Penser au renouvellement

Parmi les éleveurs qui ont sauté le pas, une partie travaillaient déjà de cette manière pour les échecs de reproduction. La maîtrise de la lactation longue leur a donc permis d'améliorer leur productivité en sélectionnant un lot spécifique, trait tout au long de l'année.

Si cette pratique offre de la souplesse, elle implique aussi des traites quotidiennes, et in-fine des transformations, quelque soit la saison. Il faut donc un minimum de bêtes en lactation, pour que cette conduite vaille la peine d'être menée lorsque le reste du troupeau est en gestation. Cela suppose aussi d'avoir un espace suffisamment grand pour pouvoir séparer les animaux pendant la reproduction, le tarissement et la gestation.

Attention, toutefois, à ne pas garder trop de chèvres pour la lactation longue. « Si on met 60 % du troupeau en lactation longue, qu'on ajoute à cela les échecs de reproduction et le nombre aléatoire de chevrettes mises au monde... On risque d'avoir un choix très limité pour le renouvellement génétique du troupeau. 50 à 55 % du troupeau en lactation longue, c'est la limite », avertit Renée de Crémoux. À Adice, Aude Pasquet, conseille de commencer par sélectionner les mères qui participeront au renouvellement du troupeau, avant de choisir le lot qui sera, lui, conduit en lactation longue. 

Quelles chèvres pour la lactation longue ?

Pour autant le choix des animaux menés en lactation longue doit tout de même être réfléchi. La santé de l'animal est, par exemple, un point crucial. Car en cas d'infection, les mamelles ne pourront être assainies sans tarissement. Les chèvres infectées sont donc à banir pour la lactation longue.

Pour savoir si une chèvre va répondre favorablement à la lactation longue, la production laitière est un bon indicateur. Même si les données sont encore peu nombreuses, les bonnes laitières dont la production est stable semble être de meilleures candidates. 

Enfin pour ce qui est de l'âge des animaux, pas de recommandation spécifique. D'un côté, la lactation longue permet d'éviter de réformer des chèvres qui sont encore en capacité de produire mais pour qui la mise bas pourrait se révéler compliquée. Et de l'autre, cette pratique permet de donner davantage de temps aux primipares pour grandir et s'étoffer.

Pauline De Deus

1 Il s'agit d'une lactation longue lorsque la traite se fait quotidiennement au moins pendant 16 mois. Si cette lactation peut parfois se poursuivre pendant plusieurs années, sa durée moyenne dans les élevages caprins est de 2 ans.

Une pratique à l'étude

À Mirabel, la ferme expérimentale du Pradel conduit une partie de son cheptel en lactation longue. Cette saison, il s'agit d'un lot de 64 chèvres. Chez ces animaux plusieurs données sont observées, notamment la courbe de lactation et ses pics, l'évolution des concentrations cellulaires du lait, les effets de l'alimentation et de la monotraite sur la production, et enfin le comportement des chèvres. 
Pour les chercheurs, ce type d'expérimentation est précieux. Après 25 années de travail, beaucoup d'éléments restent à découvrir pour accompagner les éleveurs dans une conduite de troupeau efficace en lactation longue. « On a des chiffres qui nous permettent de décrire les choses mais les données dont on dispose ne différencient pas les lactations choisies des subies, témoigne Renée de Crémoux, de l'institut de l'élévage. On a besoin de retours du terrains pour améliorer nos connaissances. » Des retours qui devraient être de plus en plus nombreux puisqu'un tiers des élevages mènent une partie de leur troupeau en lactation continue et sans mise bas. Un chiffre en augmentation constante dans toute les régions françaises.