BIOGAZ
« Parvenir à 10 % de gaz verts dans le réseau français d’ici 2030 »

Propos recueillis par Pierre Garcia
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BIOGAZ / En plein essor ces dernières années, les gaz verts trouvent aujourd’hui une place de choix dans le mix énergétique français. Le point avec Didier Saussier, président de l’AFG Auvergne-Rhône-Alpes, syndicat réunissant les professionnels de l’industrie gazière.

 « Parvenir à 10 % de gaz verts dans le réseau français d’ici 2030 »
Le biogaz est utilisé au plus près du site de méthanisation, il peut permettre de faire tourner un alternateur même lorsque le réseau de gaz ne peut être amené jusqu’au site. ©GRDF
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Didier Saussier, président de l'Agence Française du Gaz (AFG) en Auvergne-Rhône-Alpes ©AFG Auvergne-Rhône-Alpes

Biométhane, hydrogène… Qu’entend-t-on exactement par biogaz ?

Didier Saussier : « Quand on méthanise des sous-produits agricoles ou des déchets de stations d’épuration, on obtient ce que l’on appelle du biogaz. Aujourd’hui, l’idée est d’aller plus loin et d’épurer ce biogaz pour obtenir du biométhane qui contient environ 98 % de méthane. L’hydrogène est lui obtenu par un craquage de molécules permettant de se débarrasser du carbone pour ne récupérer que l’hydrogène. Une grande majorité de l’hydrogène utilisé dans le monde est d’origine fossile ce qui lui a donné le surnom de « pétrole en smoking ». Ce qui est intéressant, c’est que l’on arrive aujourd’hui à produire de l’hydrogène vert par électrolyse à base d’électricité renouvelable. C’est de cet hydrogène vert dont on parle tant aujourd’hui et l’objectif est qu’il puisse progressivement prendre la place de l’hydrogène gris. En réalité, le terme générique qui regroupe à la fois le biométhane et l’hydrogène vert est « gaz verts ». »

Quels sont les usages permettant de valoriser ces gaz verts ?

D.S : « Le biogaz est utilisé au plus près du site de méthanisation, il peut permettre de faire tourner un alternateur même lorsque le réseau de gaz ne peut être amené jusqu’au site. Pour autant depuis sept ou huit ans, l’idée est de privilégier le biométhane dès que possible. Il peut être injecté dans les réseaux de gaz et servir pour le chauffage. Il peut aussi être utilisé comme carburant, notamment pour les véhicules lourds de transport local comme les bus et les cars. De plus en plus, le biométhane est l’option retenue dans les appels d’offre car l’écart de prix avec les carburants classiques n’est que de 5 à 10 %. L’hydrogène vert n’est quant à lui pas encore assez mature pour servir dans l’immédiat à la mobilité. Par rapport à des véhicules roulant au gaz, les véhicules à hydrogène sont aujourd’hui 2,5 à 3 fois plus chers. Sur ce marché, l’objectif est d’opérer à court terme une transition vers le gaz tout en développant sur le long terme l’hydrogène vert. Dans dix ou quinze ans, nous pourrons ainsi choisir entre des véhicules compétitifs qu’ils soient électriques, au gaz ou à l’hydrogène. »

Quelles opportunités représente le biométhane pour l’agriculture ?

D.S. : « Le biométhane est un enjeu énorme pour la croissance de l’agriculture. En région Auvergne Rhône-Alpes, nous comptons aujourd’hui treize méthaniseurs reliés au réseau de gaz et même quinze d’ici la fin de l’année. Une centaine de projets sont également en développement. Un site de méthanisation relié aux réseaux coûte suivant sa taille entre 4 et 10 millions d’euros et est généralement rentable au bout de cinq à dix ans. En Auvergne Rhône-Alpes, le développement de la méthanisation et la production de biométhane sont aujourd’hui prioritaires et un soutien financier pouvant aller jusqu’à 700 000 € peut être apporté par la Région. Le système bancaire est lui aussi plus volontaire que par le passé à prêter aux investisseurs. Pour permettre cet essor de la méthanisation, l’agriculture doit d’ailleurs exploiter d’autres pistes comme les cultures intermédiaires. Elles permettent d’enrichir les sols et offrent surtout plus de matière à méthaniser. »

Quelle est la stratégie qui a été définie pour amplifier le développement des gaz verts ?

D.S. : « Aujourd’hui, les gaz verts représentent 3 terawatt-heure soit environ 1 % du réseau de gaz français. D’ici fin 2023, nous atteindrons les 12 terawatt-heure. L’objectif est de parvenir à 10 % de gaz verts dans le réseau français d’ici 2030. D’après une étude de l’Ademe, il est même possible d’atteindre 100 % de gaz verts d’ici 2050 à condition d’exploiter pleinement la production de biométhane, la gazéification des combustibles solides et l’hydrogène vert. Pour développer les gaz verts, nous devrons aussi faire preuve de plus de pédagogie afin d’éviter les blocages de riverains qui, par méconnaissance ou manque de dialogue, craignent des nuisances. Cette industrie est encore jeune et il est indispensable que les porteurs de projets puissent compter sur l’État pour mettre en place des tarifs spécifiques favorisant les investissements. »

Propos recueillis par Pierre Garcia

Une filière régionale de gaz renouvelables en pleine croissance

Avec 155 sites opérationnels et plus de 1 000 projets, le gaz vert est en plein essor en France. La région Auvergne Rhône-Alpes fait partie des moteurs de cette dynamique avec treize sites d’injection en service et plus de cent projets en développement. Sur les 3 500 entreprises gazières que compte notre région, 60 % sont actives sur le secteur du biogaz. En cumulant biogaz et hydrogène, la région Auvergne Rhône-Alpes est même la première région française sur les entreprises de la filière des gaz renouvelables.

AFG Aura et l’IRI lancent une formation de « technicien de maintenance biogaz »

Le 11 septembre dernier dans les locaux de l’Institut des ressources industrielles à Lyon a été présentée la nouvelle formation « technicien de maintenance biogaz » impulsée par l’Agence française du gaz en Auvergne Rhône-Alpes. D’une durée de seize mois, ce parcours de formation permettra à des femmes et des hommes titulaires d’un baccalauréat professionnel, d’un BTS ou d’un DUT et issus de la maintenance, de l’électrotechnique ou du machinisme agricole d’obtenir un diplôme de niveau bac +2 reconnu par le ministère du Travail. Cette nouvelle offre de formation répond à une très forte croissance de l’activité des entreprises des gaz verts qui cherchent aujourd’hui à renforcer leurs effectifs. En 2020, on estime que les filières des gaz renouvelables représentent 5 à 10 000 emplois directs et indirects. À l’horizon 2030, ce sont 20 à 30 000 emplois supplémentaires qui pourraient être créés en France.