EGALIM 2
Contractualisation obligatoire en bovins : ce qu'il faut savoir

Thierry Rapin, directeur de la fédération nationale bovine, est venu à la rencontre des éleveurs ardéchois le 4 juillet, pour démêler les grandes lignes de la contractualisation, rendue obligatoire par loi Besson-Moreau (ou Egalim 2). 

Contractualisation obligatoire en bovins : ce qu'il faut savoir
Thierry Rapin, directeur de la FNB

C’est désormais une obligation : pour vendre des mâles et femelles maigres allaitants de moins de 12 mois, les éleveurs doivent contractualiser avec l’acheteur en amont de la vente. Dès janvier 2023, toutes les autres catégories (bovins lait et viande) seront également concernées par l’obligation.  « C’est à l’éleveur de proposer un contrat à son acheteur, quel qu’il soit : négociant, abatteur, boucher, distributeur, restaurateur, éleveur-engraisseur..., indique Thierry Rapin. Il est tout à fait possible de signer des contrats avec plusieurs acheteurs, y compris pour une même catégorie de bovins. Pour les éleveurs en coopérative ou membres d’une organisation de producteurs (OP), les négociations sont menées collectivement. »

Concrètement, le contrat établi par l’éleveur doit comporter plusieurs éléments : la quantité et le type d’animaux (jeune bovin,veau, génisse, etc.), l’origine, la qualité et la période de livraison, en précisant si l’animal est livré ou enlevé à la ferme. Pour chaque élément, par exemple pour la quantité d’animaux à vendre, il est possible de prévoir des marges de variations. Le contrat doit également mentionner les cas de force majeure qui empêchent l’acheteur ou l’éleveur de remplir ses engagements (aléa climatique, FCO ou tuberculose, par exemple) ; les clauses de résiliation et de litige.

La formule de prix, point clé du contrat

Le point crucial du contrat est bien évidemment la formule de prix. L’éleveur a deux options : soit il négocie avec l’acheteur un prix fixe, auquel s’ajoute une modalité d’actualisation du coût de production. Seconde option : opter pour un prix déterminable en fonction du coût de production, du prix du marché, de la cotation abattoir, du surcoût lié aux signes de qualité, la valorisation bouchère et la race, ainsi que la valeur d’enlèvement. « La FNB conseille fortement cette seconde option », insiste Thierry Rapin. Pour établir ce prix, la profession s’est dotée de plusieurs outils de calcul. « Pour le coût de production, l’Idele a mis en place un indice, actualisé tous les semestres et qui a été validé par tous les maillons de la filière, précise le directeur de la FNB. L’acheteur ne pourra pas s’y opposer. Il faut bien mentionner la référence à cet indice dans le contrat. » De son côté, le prix moyen du marché reprend les indicateurs de FranceAgriMer.

Sécurité ou prise de risque ?

S’il opte pour cette seconde formule de prix, l’éleveur devra aussi se mettre d’accord avec l’acheteur sur la part du prix intégrant le coût de production et celle du prix de marché. Par exemple, ils peuvent choisir que le prix dépendra à 70 % du coût de production et à 30 % du prix du marché. Dans ce cas, cela sécurise l’éleveur, qui sait qu’il rentrera dans ses frais. Toutefois, il ne pourra pas faire de bonne affaire dans le cas où le prix de marché exploserait. Les plus téméraires pourront choisir une option plus risquée dans laquelle le prix dépend majoritairement des cours du marché, mais cette option est moins sécurisante en cas d’effondrement des prix. « Le contrat peut également intégrer un « tunnel de prix », soit un prix minimum et un prix maximum en dehors desquels on ne peut pas vendre, souligne Thierry Rapin. Ce tunnel de prix permet d’éviter les variations extrêmes. »

 Des contrats de trois ans minimum

Le contrat s’établit pour trois ans minimum. « L’idée de cette durée minimale est de donner plus de visibilité à l’éleveur et notamment pour les jeunes qui s’installent », explique Thierry Rapin. Mais cette durée ne plait pas à tout le monde : « On n’a pas toujours de visibilité sur les animaux qu’on aura à vendre dans un, deux, trois ans. », lance un éleveur, habitué à négocier au cas par cas, avec des maquignons. « Si l’acheteur est d’accord, il est aussi possible de faire un contrat de 3 ans avant chaque achat, pour 2 bêtes, 3 bêtes, 10 bêtes… », rassure Thierry Rapin. « On fera donc la même chose qu’avant, mais avec plus de papiers », rétorque un éleveur.

Quid des sanctions ?

« Tout contrat est un engagement des deux parties. Le non-respect du contrat expose donc à des sanctions, et notamment à une amende à hauteur de 2 % du chiffre d’affaires, insiste Thierry Rapin. Il rassure : On ne viendra pas vous embêter tous les quatre matins à vérifier vos contrats. La loi est avant tout faite pour protéger les éleveurs. »

J.P.J. et M.C.

« Les intentions sont bonnes, mais il y a des inquiétudes »

Lors de la présentation de Thierry Rapin à Berzème, les éleveurs locaux sont restés sceptiques. « Les intentions sont bonnes mais il y a des inquiétudes », affirme Gaëtan Vernol, éleveur à Saint-Etienne de Boulogne. « Il va falloir être vigilant sur l'écriture des contrats, et en même temps être attentifs aux équilibres locaux, témoigne cet autre jeune exploitant qui reconnait une réelle bonne entente commerciale avec les maquignons du Plateau. Bernard Cholvy, éleveur à Berzème, a aussi des craintes : « En tant qu’éleveur, on n’est pas assez calés juridiquement face aux grands acheteurs de la filière. Bigard, les acheteurs italiens ou la Sicarev auront derrière eux une batterie d’avocats pour tirer profit des contrats ! »

Des exceptions à l’obligation

Sont exemptés de contrats les éleveurs dont le chiffre d’affaires sur une catégorie d’animaux est inférieur à 10 000 €/an. Les éleveurs qui vendent directement au consommateur ou sur les marchés aux bestiaux (gré à gré et cadran) sont également exemptés.

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