ORGANISATION DU TRAVAIL
Les chiens : meilleur ami de l'agriculteur

Deux études parues en 2016 et 2018 et menées par Morgane Ollivier, alors maître de conférences à l’ENS de Lyon, ont montré qu’au Néolithique, les chiens ont accompagné les agriculteurs originaires du Proche-Orient durant leur migration plurimillénaire à travers l’Europe. Tandis que les hommes devenaient agriculteurs, les chiens ont réussi à développer une capacité à digérer l’amidon, preuve de leur qualité d’adaptation. Au-delà d’être devenu un excellent protecteur des troupeaux (rôle volontairement mis de côté lors de la rédaction de ce dossier), le chien s’impose, dorénavant, comme un véritable compagnon de travail pour les agriculteurs.

Les chiens : meilleur ami de l'agriculteur
Pour les trufficulteurs, les éleveurs ou encore les viticulteurs, le chien fait partie intégrante de l’exploitation. ©Domaine de Rion
ITW
Morgane Ollivier est maître de conférences en écobio, écosystèmes, biodiversité et évolution. ©Morgane Ollivier

La doxa selon laquelle les chiens étaient auparavant des loups est-elle scientifiquement vraie ?

Morgane Ollivier : « Cela fait plusieurs dizaines d’années que, d’un point de vue archéozoologique1 et moléculaire, il est possible d’affirmer que l’ancêtre sauvage du chien est bien le loup. Sa domestication a démarré il y a environ vingt-huit mille ans par les chasseurs-cueilleurs, bien avant les autres animaux domestiques du milieu agricole. Cette domestication a été l’œuvre d’un processus graduel : les loups qui partageaient le même environnement et les mêmes territoires de chasse que l’Homme se sont peu à peu rapproché des campements des hommes. Ils ont alors pris de nouvelles habitudes de vie et d’alimentation. Certaines de leurs caractéristiques phénotypiques, physiologiques et comportementales ont par la suite évolué, puisqu’ils ont délaissé la chasse, au profit d’une nourriture proche des campements. »

En quoi la période Néolithique, qui a vu apparaître l’agriculture et l’élevage, a-t-il été un bouleversement pour le chien et son rapport à l’Homme ?

M. O. : « La période Néolithique (-6 000 à -2 300 ans), qui correspond à l’adoption d’une vie agricole et pastorale, a bouleversé les sociétés. À ce moment-là, les chiens vivaient déjà avec les hommes en Eurasie. De premières études suédoises ont montré que le gène qui permet de digérer l’amidon et le gluten était alors présent dans le pancréas des chiens. Plus les chiens possèdent de copies de ce gène, plus ils sont aptes à digérer l’amidon. Les chiens modernes en comptent entre 4 et 34 copies selon les races, tandis que les loups n’en ont que 2. Dans des zones géographiques agricoles, les races de chiens actuelles possèdent de nombreuses copies. En revanche, les huskys et les malamutes, qui tiennent leurs origines de régions non-agricoles, en comptent un faible nombre. Il existe donc un lien entre les caractéristiques des chiens et la présence ou non de l’agriculture dans leur environnement. Il y a douze mille ans, lors de la migration des hommes de l’Europe jusqu’en Amérique du Sud via le détroit de Béring, aucune trace de chiens n’a été retrouvée. Ces derniers sont apparus secondairement vers -5 000 ans, ce qui coïncide avec la migration humaine qui a apporté la culture du maïs. Les populations agricoles ont eu un lien particulier avec les chiens, puisqu’elles les ont emmenés au cours de leurs déplacements et de leurs migrations. L’étude2 à laquelle j’ai participé à l’ENS de Lyon confirme ces résultats. »

Quelle méthode de travail avez-vous utilisée, pour parvenir à ces résultats ?

M. O. : « Nous travaillons avec un réseau d’archéologues qui nous permet d’avoir accès à des squelettes provenant d’Iran, de la Roumanie et également de la France. Afin d’extraire l’ADN, nous broyons les os ou les dents. L’ADN est extrait à partir de la poudre résultant de ce broyage et est ensuite séquencé à haut débit. S’ensuit un travail de bio-informatique, afin de reconstituer les génomes à partir des génomes de référence que nous avons déjà. Nous avons également un partenariat avec des résultats provenant de squelettes de la péninsule ibérique. Nos analyses suivent la voie de la migration des hommes vers le Nord, et celle du Proche-Orient vers l’Europe. »

Serait-il scientifiquement pertinent d’étudier les races de chiens utilisées aujourd’hui dans le milieu agricole ?

M. O. : « Les chiens actuels sont hyper sélectionnés. Nous perdons donc la variabilité ancienne, puisqu’elle est masquée par la sélection artificielle, qui a eu lieu au cours des derniers deux cents à trois cents ans. Nous savons néanmoins que les labris, les border collie ou encore les montagnes des Pyrénées ont, par exemple, un fort nombre de copies de gènes capables de digérer l’amidon. »

Propos recueillis par Léa Rochon

1. L’archéozoologie est la discipline scientifique qui vise à reconstituer l’histoire des relations naturelles et culturelles entre l’homme et l’animal.
2. Cette étude internationale a été menée par des chercheurs de l’École Normale Supérieure de Lyon, du Muséum National d’Histoire Naturelle, de l’Université de Rennes et de l’Université d’Oxford.

Un accompagnement précieux et quotidien
Chiot berger des Pyrénées de l’élevage « De l’Oustaou de Padel », à Beaumont (Ardèche). ©De l’Oustaou de Padel.
TÉMOIGNAGES

Un accompagnement précieux et quotidien

Qu’ils soient chiens de direction, ou encore chiens truffiers, ces animaux sont d’une aide incomparable lorsqu’il il s’agit d’être présents à la ferme, de mener des troupeaux ou encore de partir à la recherche d’or noir. Emplis d’instinct, ils sont au service de leur maître, à condition de les élever en respectant leur nature, de sorte à préserver leurs nombreux atouts.

À la ferme, les chiens servent à diverses tâches : les chiens de garde sont utiles pour surveiller la ferme, face aux vols ou aux attaques ; quand les chiens de troupeau, eux, servent à rassembler les animaux dans les pâtures. Ils sont d’une précieuse aide. Thomas Ballandraud, éleveur de brebis et gérant des Bergers du Beauvoir, à Saint-Christophe-La Grotte (Savoie), possède un border collie : une race reconnue pour sa facilité d’élevage et son énergie débordante. Ce chien bicolore, originaire d’Écosse, est bien connu pour ses capacités de gestion de troupeau, sa solidité et sa rapidité. Et Thomas le reconnaît : « Avoir un chien de troupeau, c’est génial. Il nous évite de parcourir de nombreux kilomètres à pied. Il répond à des ordres précis, il travaille vraiment bien ».

L’importance de préserver son chien

Au-delà de ses atouts, c’est un lien fondamental qui naît entre le chien et son maître. Cela fait déjà six ans que Thomas Ballandraud travaille aux côtés de son fidèle compagnon. « On crée un lien particulier avec son chien, car on est avec lui en permanence. Il fait les déplacements de troupeaux, va récupérer les brebis, les ramène au pré. Il nous aide au quotidien. » Un chien qui ne manque pas d’énergie puisqu’il peut travailler quotidiennement jusqu’à l’âge de 10, voire 12 ans. L’éleveur de brebis précise que pour cela, il est important de le préserver : « C’est un chien très joueur, qui veut toujours être actif. Cependant c’est un chien de travail. Il faut donc veiller à ce qu’il se repose, pour préserver son énergie ».

L’élevage, une affaire de patience

Et pour avoir un chien apte à la tâche, un travail de longue haleine est nécessaire. André Audibert est élèveur de bergers des Pyrénées en Ardèche, à Beaumont, et côtoie cette race depuis cinquante ans. Il confirme : « Selon les chiots, on commence le dressage à partir de 3 ou 4 mois. Cela demande énormément de temps et de travail, mais à partir de deux mois, on saisit le caractère du chien et on sait approximativement comment le dressage va se dérouler. On veille à ce que le chien tourne autour des brebis, qu’il ne les bouscule pas trop, qu’il ne morde pas ». Un ensemble de règles à faire respecter à l’animal, avant de le confier à son nouveau maître. Car pour André Audibert, la suite du processus reste une affaire de lien. « La relation entre le chien et son maître est fondamentale. Le maître doit se faire respecter, le chien doit impérativement obéir à ses ordres. » Une question d’équilibre qui garantira le bien-être du chien et la satisfaction du maître. Mais hors de la ferme, il existe aussi de très bons travailleurs : les chiens sont par exemple des compagnons indispensables pour rechercher de la truffe.

Trouver de l’or noir grâce à sa truffe

Armelle Rion, viticultrice et trufficultrice en Côte-d’Or, en Bourgogne-Franche-Comté, a été éleveuse de border collie il y a de nombreuses années. Aujourd’hui, elle élève des lagottos romagnolos, des chiens truffiers d’origine italienne reconnus pour leurs capacités de flair. « On avait la passion de faire travailler les chiens : on s’est intéressés à la truffe. On a fait notre première portée avec le Loof n°1 de cette race. » Aujourd’hui, le Domaine Rion, dirigé par Armelle et son mari, compte six hectares de truffières. « Actuellement, j’ai trois lagottos. Ma fille en a deux. Chacun travaille en fonction de sa forme, mais ils ont tous eu une carrière de truffier. » Un chien qui commence à travailler dès ses deux mois, puisque son instinct lui permet de reconnaître toutes les variétés de truffes, sans pour autant avoir été dressé pour. « Si nous partons en Italie chercher la truffe, le lagotto pourra aisément reconnaître des variétés qu’il n’a jamais senties avant. Son flair peut aller jusqu’à cinquante mètres. »

Et pour qu’un lagotto travaille bien, il y a évidemment des erreurs à ne pas commettre, comme « disputer un chien qui mange un morceau de truffe ». Mais d’après Armelle Rion, ce qui prime, c’est le lien entre le chien et son maître. « Le jeu, l’amour du maître, la complicité, c’est ce qu’il y a de plus important. Il faut regarder son chien, le comprendre », assure-t-elle.

Charlotte Bayon

CONSEILS / Bien choisir son chien et l’éduquer correctement
Avant de prendre un chien, il faut s’assurer que l’on dispose d’un temps minimum à lui accorder quotidiennement. ©Pinterest

CONSEILS / Bien choisir son chien et l’éduquer correctement

« Si n’importe quel éleveur, avec de l’investissement et de la rigueur, peut devenir utilisateur d’un chien de conduite, tous les chiens ne peuvent pas devenir de bons chiens de troupeau ! » avertit l’Institut de l’élevage (Idele) dans sa fiche technique « Bien choisir son chien de conduite ». Alors comment faire son choix ? Le chien de troupeau travaille par instinct. La taille et le sexe n’exerceront aucune influence sur la qualité du travail. S’il est préférable de choisir un chiot de race bergère (border collie par exemple), de nombreuses autres races montrent également de bonnes aptitudes (beauceron, berger des Pyrénées, kelpie australien…). « L’essentiel est de s’assurer que le chiot est bien issu d’une lignée de chiens de travail et non pas de simples chiens de garde ou de compagnie. Il est donc important de voir le père et/ou la mère du chiot intervenir sur l’espèce sur laquelle le chiot sera amené à travailler », conseille l’Idele. Le choix du chiot dans la portée doit se faire entre 8 et 12 semaines. Sachez que l’âge minimum légal de la cession (vente ou don) est de 8 semaines. Jusqu’à cet âge, le chiot a besoin de sa mère pour acquérir les codes sociaux canins. « C’est la clé pour avoir plus tard des adultes équilibrés et bien éveillés psychologiquement », insiste l’Idele.

Quel chiot dans la portée ?

Tout d’abord, assurez-vous que l’état sanitaire de toute la portée soit irréprochable. L’identification du chien (obligatoire avant l’acquisition) devra être effectuée avant qu’il ne quitte son lieu de naissance. « Les chiots doivent être déparasités et vaccinés, avoir l’air en bonne santé et être vifs. S’il est évident que le chiot doit vous plaire, avant de privilégier la couleur de sa robe, il faut plutôt prêter attention à son caractère, à votre caractère et à l’usage que vous souhaitez en faire. Néanmoins, il faut essayer de respecter le standard de la race », explique l’Idele. « Il faut penser à vérifier également les pedigrees des parents, les résultats de détections de tares oculaires et de recherche de dysplasie (ou autres tares génétiques propres à certaines races) » conseille-t-il encore.

Il faut maintenant choisir votre chiot. Comment faire pour ne pas se tromper ? « Demandez au naisseur de sortir les chiots de leur espace de vie habituel pour mieux les observer. Évitez de sélectionner le trop petit ou le trop gros de la portée et ne prenez surtout pas le peureux qui se cache. Préférez celui qui vient vous voir, qui joue avec votre bas de pantalon. Éloignez-vous et baissez-vous, tapez des mains pour voir leurs réactions : un chiot peut être surpris, mais ne doit pas être apeuré. Manipulez les chiots, prenez-les dans vos bras et choisissez celui qui vous semble joyeux, dégourdi et proche de l’homme », détaille l’Idele.

La bonne éducation

L’éducation du chiot est une phase indispensable au dressage. Cette phase s’étale sur quatorze à quinze mois et commence à l’instant même où vous avez votre chiot. L’éducation doit être constante et progressive. La période de 2 à 6 mois est importante, il faut consacrer du temps à son chiot afin qu’il se fixe sur son maître. « Cette phase est primordiale pour créer une relation privilégiée avec votre chien et lui apprendre à obéir. Pour cela, il ne doit connaître qu’un seul maître. » Entre l’acquisition d’un chiot et son utilisation au quotidien, il faut compter environ trois ans. « Cela ne veut pas dire que vous devrez attendre que votre chien ait trois ans pour commencer à le faire travailler. Il sera capable de faire certaines actions à 18 mois, d’autres plus pointues à 2 ans selon ses capacités, sa maturité et son expérience », nuance l’Idele.

Se faire aider

Si vous souhaitez des conseils avant de vous lancer, vous pouvez faire appel aux associations départementales d’utilisateurs de chiens de troupeau. « Ce sont des relais utiles pour répondre à vos questions et vous accompagner dans vos démarches. Elles pourront également vous indiquer des portées à proximité de chez vous, issues de chiens qui correspondent à vos besoins », assure l’Idele. Vous pouvez également suivre une des nombreuses formations dispensées par les chambres d’agriculture ou les organismes d’élevage.

C. D.

Les règles pour acquérir un chien
L’acquisition d’un chiot peut se faire uniquement lorsque ce dernier est âgé d’au moins 8 semaines. ©Maxime THIBAULT de Pixabay
LÉGISLATION

Les règles pour acquérir un chien

Pour acquérir un chien (ou un chat), certaines règles doivent impérativement être respectées. Première règle à observer : pour acquérir un chiot, ce dernier doit être âgé d’au moins 8 semaines, quel que soit le mode d’acquisition. Selon le site officiel de l’administration française, service-public.fr, s’il est retiré plus tôt à sa mère « il risque de présenter des problèmes de santé et/ou des troubles du comportement en raison d’un sevrage trop précoce ». Par ailleurs, l’animal doit obligatoirement être identifié par puce électronique ou tatouage au fichier national des carnivores domestiques (Icad).

Un animal identifié

Cette identification doit être faite par le propriétaire qui cède l’animal et à ses frais. « L’identification de votre animal permet de vous identifier et de vous contacter si votre animal est retrouvé après avoir été perdu ou volé. C’est aussi la garantie de son origine et un moyen de lutter contre les trafic », explique l’administration française. Un document attestant de l’identification doit être remis au moment de la cession. Le cédant a alors huit jours pour s’adresser à l’Icad et adresser le document attestant le changement de propriétaire.

Plusieurs documents

Au-delà de l’attestation d’identification, le vendeur doit obligatoirement fournir : le certificat vétérinaire de bonne santé de l’animal de moins de 3 mois, le carnet de santé et de vaccination du chien : (maladie de carré, hépatite de Rubarth, parvovirose, leptospirose et parainfluenza) et une attestation de vente. Si le chiot est LOF, le certificat de naissance avec le numéro de LOF provisoire ou celui de dossier d’inscription de la portée à la Société centrale canine doit être également transmis. L’acheteur doit, de son côté, signer et remettre au vendeur un certificat d’engagement et de connaissance des besoins spécifiques de l’espèce. « Le certificat d’engagement et de connaissance ne sera valable que sept jours après la date de sa délivrance, le temps de vous accorder un délai de réflexion après lecture des informations contenues dans le certificat. À la fin de ce délai seulement, vous pourrez acquérir votre animal si vous jugez que vous serez capable de répondre à ses besoins durant toute sa vie. »

Source https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F34877