MARCHÉS
La structuration des filières dans le massif alpin

Ovins, bovins, porcins : les formes collectives d’organisation commerciale sont un gage d’ouverture vers de nouveaux marchés.

La structuration des filières dans le massif alpin
Claire Guyat et Bertrand Cocolon, éleveurs isérois des Viandes agropastorales. ©ID_TD

Instructive et révélatrice, la chambre d’agriculture de Hautes-Alpes a mené une étude pour connaître la nature des approvisionnements en viande de la région Provence-Côte-d’Azur. Elle a été présentée lors du séminaire sur les viandes de montagne. « Il y a du potentiel, des marchés, comme 55 bouchers entre Gap et Sisteron. Ils achètent les bonnes pièces et la restauration scolaire, les autres », détaille Pierre Moreau, conseiller de l’organisme consulaire. Il voit aussi de belles pistes dans la restauration traditionnelle. En revanche, les approvisionnements sont loin d’être locaux. Les bouchers se servent souvent chez Bigard et la restauration commerciale dans les grandes centrales d’achat. En restauration scolaire, Pierre Moreau parle de « flux contraires » puisque, en dépit d’une forte volonté de travailler en local, la viande peut arriver du Massif central quand bien même celle des Hautes-Alpes est vendue hors du département.

Porc structuré

Pour que la viande produite reste au plus près de son bassin de consommation, des filières parviennent cependant à se structurer. C’est le cas de la Sica Montagnard, représentée par son président Denis Eyraud, dont la vocation est « d’organiser la filière porc, la production, le ramassage, conduire les animaux à l’abattoir de Gap et effectuer les livraisons aux bouchers ». L’enjeu est de parvenir à l’équilibre matière et d’éviter les stocks. Ce qui passe par la salaison. Une des ambitions de la Sica Montagnard, dont l’activité est étroitement liée à celle de l’abattoir de Gap, est d’aborder le marché de la GMS. « Pour vendre en grande distribution, il faut des signes de qualité. Nous étudions une IGP porcs des Hautes-Alpes, indique Denis Eyraud. Mais nous ne vendrons pas au détail, pour ne pas concurrencer les bouchers. » Il observe en outre la nécessité d’adapter les ventes à l’évolution de la fréquentation touristique, qui glisse des sports d’hiver vers les quatre saisons.

Aller plus loin

« Je suis convaincu du potentiel régional », assure également Marc Lourdeaux, médiateur commercial d’Échanges Paysans 04 et 05. La plateforme, en organisant la filière viande, a permis d’aborder le marché de la RHD. Le chiffre d’affaires ne cesse de croître. « Mais pour toucher la restauration collective, on se trouve en concurrence avec d’autres structures », constate-t-il. Si les ventes sont encore modestes, il fait valoir le rôle de service apporté par la plateforme, mais aussi de lobby, notamment après des cuisiniers et des élus. « Je suis optimiste, en raison de la relation de proximité et de confiance qu’il y a dans nos territoires. On peut accélérer ensemble », assure-t-il. Florence Reiner, conseillère à la chambre d’agriculture de l’Isère, fait valoir une démarche similaire, engagée depuis dix ans avec la plateforme Manger bio Isère (MBI). Elle souligne surtout « la volonté politique de travailler ces marchés pour les rendre accessibles aux groupements de producteurs ». La structuration des outils locaux, tels que les abattoirs, fait partie de cette dynamique. La rédaction de l’appel d’offres de la part de la collectivité et la capacité d’accompagnement des producteurs pour y répondre sont deux facteurs importants pour que le marché puisse se mettre en place, notamment en restauration scolaire. Christophe Corbière, du conseil départemental de l’Isère, ajoute : « Ce qui coûte cher en restauration scolaire, ce n’est pas la denrée, mais le fonctionnement ». En Isère, le Pôle agroalimentaire (PAA), né en 2018, a permis d’aller encore plus loin dans la recherche des marchés et, enfin, d’aborder celui de la GMS. Trois organismes consulaires, chambres des métiers, d’industrie et d’agriculture, ont mis la main à la pâte « pour repenser les relations des acteurs de la chaîne alimentaire », explique Florence Reiner. Les enjeux : apporter de la valeur aux producteurs et introduire des produits locaux sans changer les habitudes de consommation.

Du champ à l’assiette

« Il y a beaucoup d’étapes du champ à l’assiette », rappelle la conseillère. Travailler sur une filière de proximité nécessite une réflexion sur la production, la transformation et la distribution. Deux collectifs d’éleveurs ont intégré le PAA : les Éleveurs de saveurs iséroises (viande charolaise et limousine) et Provi SA. Mais, face à un ralentissement des ventes, le PAA a lancé des tests pour du petit conditionnement en barquette pour la vente en libre-service. Les conclusions font apparaître que la vente sous vide est plus intéressante que sous skin. De plus, dans une approche globale de la filière et une logique d’équilibre matière, il importe de travailler en collaboration avec une plateforme telle que MBI, capable d’absorber les avants pour la RHD. Enfin, en Isère, l’autre filière viande, dont le marché devance presque sa structuration, est celle de la catégorie des agneaux d’alpages, produite via l’association Viandes agropastorales. D’ailleurs, ces agneaux, qui répondent à un cahier des charges très strict, ne sont pas assez nombreux pour répondre à la demande. Et ce sont plutôt Les agneaux de nos fermes, qui passent plus de temps dans la plaine, qui portent le marché de la GMS (90 %). Toutes ces actions vont être recensées pour la fin de la programmation Viandalpes, l’objectif étant d’en avoir une meilleure connaissance et de leur donner plus de visibilité pour qu’elles soient reconnues et soutenues dans leurs territoires.

Isabelle Doucet