DÉPÉRISSEMENT DU VIGNOBLE
Le choix crucial du porte-greffe

Événement co-organisé par l’Institut rhodanien et la chambre d’agriculture du Rhône, avec l'appui de l’association technique des côtes du Rhône, la matinée du Plan national de dépérissement du vignoble (PNDV) en vallée du Rhône Nord a fait des porte-greffes et de la complantation ses sujets phares.

Le choix crucial du porte-greffe
La matinée PNDV a été l’occasion de visiter une parcelle expérimentale avec des essais de différents porte-greffes. ©CF

Dans le vaste puzzle de la viticulture, le choix du porte-greffe (PG) occupe une place cruciale, comme l’a souligné Coline Goursolle, chargée de missions à l’Institut rhodanien, lors de la matinée du Plan national de dépérissement du vignoble (PNDV) à Ampuis. Avant toute décision, une analyse approfondie du sol s’impose. Coline insiste sur l’importance de réaliser de nombreux prélèvements pour une représentativité optimale, « surtout dans les parcelles où les types de sol peuvent varier ». Cette étape permet d’adapter le choix du PG en fonction des spécificités de chaque zone, notamment en tenant compte du bas de parcelle. Parmi les critères déterminants, Coline met en avant la résistance au calcaire actif, la tolérance à la sécheresse et à l’humidité, ainsi que la vigueur conférée par le PG. Il est crucial de sélectionner des PG adaptés pour éviter des problèmes tels que la chlorose et la mortalité du pied. Des projets de recherche financés, notamment à Bordeaux, explorent de nouveaux PG prometteurs tels que le 196-17 C, Ramsey et le georgikon28. Cependant, les variétés déjà utilisées telles que le 110R, le 1103 et le Ru restent des options courantes. Alors que des projets de recherche examinent de nouvelles variétés de PG, Coline souligne également l’importance de la diversité variétale. Des efforts sont déployés pour recenser les PG disponibles afin de garantir une sélection adaptée à chaque situation. « Le choix du PG est un levier important, mais il ne constitue pas l’unique solution. » La recherche se poursuit pour mieux comprendre et répondre aux défis actuels et futurs de la viticulture, dans un souci constant d’adaptation et d’efficacité.

Les défis de la complantation

La complantation, bien que prometteuse, présente certains défis. Corentin Rondeau, conseiller viticole à la chambre d’agriculture du Rhône a donné un aperçu des bonnes pratiques pour réussir cette opération délicate. Tout d’abord, la préparation du sol : « la propreté du sol et sa texture sont cruciales. Avant la plantation, il est essentiel de s’assurer que le sol soit exempt de végétation indésirable et bien humide ». Les outils tels que la barre à mine et la tarière peuvent faciliter cette tâche. Ensuite, le choix du PG : « optez pour un vigoureux et solide, adapté aux conditions spécifiques de votre sol ». Puis vient la préparation des plants : les plants à racines nues sont souvent privilégiés pour la complantation. « Il est crucial de vérifier la qualité du système racinaire et de s’assurer de la bonne soudure des greffes. » La période de plantation étant de février à fin mai. « Les plants en pots présentent des inconvénients avec les racines en chignon, un besoin en eau plus important mais assurent un taux de reprise supérieur et une meilleure santé sanitaire. » Côté plantation, les plants doivent être réhydratés s’ils ne sont pas directement mis en terre. « Évitez les engrais minéraux et assurez-vous d’un bouchage soigneux des trous de plantation dans les deux heures, suivi d’un arrosage immédiat. » Le tuteurage et la protection des plants sont indispensables pour assurer leur croissance initiale. « Un entretien régulier du sol et une protection phytosanitaire sont également nécessaires pour prévenir les maladies et les adventices », précise le conseiller.

Corentin Rondeau souligne qu’il n’existe pas de solution universelle pour garantir le succès de la complantation, « le but ici est de répertorier les détails qui favorisent la bonne réussite ».

Charlotte Favarel

Fabien Clusel conseille de privilégier des porte-greffes trop vigoureux plutôt que le contraire. ©CF
Expérimentations à Ampuis
Un taux de reprise de 95 % a été observé pour la parcelle d'expérimentation des porte-greffes. ©CF

Expérimentations à Ampuis

Fabien Clusel, vigneron en côte-rôtie, partage son expérience de plantation de porte-greffe (PG) sur une parcelle de 2500 m2 hors appellation. Ce terrain, situé sur différents types de sols comprenant environ 20 % d’argile, présente une particularité avec la présence de cailloux, notamment sur une bande provenant d’un versant glaciaire alpin. Une couche de 1 m de terre caillouteuse recouvre une couche d’argile rouge plus dense en profondeur. Pour équilibrer ce sol, Fabien apporte du fumier de bovin et du phosphore, obtenant ainsi un sol équilibré, « comme en témoignent les dernières analyses qui révèlent un taux de matière organique de 3,5 % ». Pour contrer l’acidité du sol, un chaulage complémentaire a été réalisé, permettant d’atteindre un pH de 6. L’année dernière, en avril, le vigneron a entrepris de planter différents cépages et PG. Malgré les conditions difficiles, avec beaucoup de pluies, il a observé un taux de reprise de 95 % sur les différentes combinaisons testées, sans arrosage. Parmi les choix de PG, le 3309C, bien qu’autrefois populaire, est jugé moins adapté aux conditions actuelles de réchauffement climatique. Le Gravesac a été préféré pour les zones basses et de mi-hauteur en raison de sa capacité de rétention d’eau. Le 101-14 Mgt a été sélectionné pour ses aptitudes sur les sols argileux, avec une réserve hydrique importante, bien qu’il soit moins présent dans les parties basses de la parcelle. Le 43-53 M, quant à lui, résiste bien à la sécheresse mais présente moins de vigueur, nécessitant une attention particulière et « très sensible à la carence en magnésium ». Le 110R semble moins adapté aux conditions humides et aux sols lourds. Le SO4, utilisé de manière imprévue, semble mieux résister à la sécheresse que le 3309C. D’autres PG ont été testés sur d’autres parcelles, tels que le Fercal, adapté aux sols calcaires, et le 140 Ru, réputé pour sa résistance à la sécheresse. Certains, comme le 333-EM, ont donné des résultats catastrophiques en termes de reprise, mais Fabien souligne « qu’il est trop tôt pour juger un PG sur la seule première année de plantation. Il vaut mieux privilégier des PG trop vigoureux que le contraire car avec un peu d’enherbement, on arrive vite à rattraper les choses ».

C.F.

Plusieurs projets d’aide à la décision

« Le projet PGVignes établit un état des lieux des porte-greffes existants, à la lumière des enjeux d’adaptation au changement climatique », ajoute Thibault Laugâa, responsable de l’équipe viticulture à la chambre d’agriculture du Rhône.

Dans le cadre du projet DECIDEP, Thibault Laugâa expose une approche novatrice visant à évaluer l’intérêt économique des pratiques de curetage et de complantation dans le secteur de Bordeaux. Cette initiative repose sur une analyse statistique des parcelles dépérissantes, avec pour objectif de déterminer leur impact sur le rendement et la rentabilité économique. L’étude s’appuie sur une analyse approfondie de l’évolution du rendement par hectare sur une période de 40 ans. Les résultats mettent en lumière l’efficacité à long terme des pratiques de curetage et de complantation, quel que soit le niveau de sévérité de la maladie et les pratiques mises en place. Le responsable souligne que plus les pratiques de complantation ou de curetage sont importantes, plus elles deviennent rentables. Cependant, il souligne également le temps de latence nécessaire à la complantation avant qu’elle n’entre à nouveau en pleine production. L’objectif ultime du projet est d’aider les viticulteurs à prendre des décisions éclairées en déterminant à quel moment la complantation cesse d’être économiquement intéressante. Thibault Laugâa souligne également les défis liés à l’arrachage précoce des vignes atteintes de maladies telles que l’esca, où la production peut varier d’une année à l’autre. DECIDEP offre une approche globale pour la gestion de la santé des vignobles, où la complantation n’est qu’une des nombreuses pratiques à considérer. L’équipe de la chambre d’agriculture encouragent l’exploration de solutions alternatives telles que le recépage, tout en mettant l’accent sur la durabilité et la rentabilité à long terme des exploitations viticoles.

C.F.

L’étude Climœno

Nicolas Richard, expert œnologue à l’Institut Rhodanien, dévoile les résultats de son étude Climœno, qui se concentre sur les impacts du réchauffement climatique sur les cépages Viognier et Syrah dans la vallée du Rhône septentrionale. Cette recherche met en lumière les modifications sensorielles observées et les risques accrus en matière de microbiologie.

Une première étape a été d’examiner l’évolution temporelle des caractéristiques sensorielles des raisins en fonction de la date de récolte. L’échelle de temps, avec une récolte précoce, moyenne et tardive montre différents résultats : « la récolte moyenne est mieux équilibrée et la récolte précoce a un profil aromatique différent. L’assemblage des dates qui conserve le mieux la typicité est celui de la récolte précoce et moyenne », apprend Nicolas Richard. Ensuite, pour compenser cette perte d’acidité, différentes techniques œnologiques sont envisagées, notamment l’acidification chimique, membranaire et biologique. Est comparé alors une maturité moyenne, une maturité tardive, une maturité tardive sans fermentation malolactique pour augmenter l’acidité et une maturité tardive avec la levure Lachancea pour augmenter l’acidité. Enfin, l’étude explore les défauts sensoriels liés à la montée de la teneur en acide lactique et en volatils, principalement observée pendant l’élevage des vins. Des tests sont en cours pour identifier les souches bactériennes responsables de ces phénomènes et développer des solutions préventives.

C.F.