AOC CÔTES DU RHÔNE VILLAGES SAINT ANDÉOL
Magnums vieillis : une expérience subaquatique réussie

Pauline De Deus
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Après six mois d’attente, les onze magnums de chacun des domaines de l’AOC Côtes-du-Rhône Villages Saint-Andéol ont été remontés par des plongeurs, mardi 30 avril, des profondeurs du Goul de la Tannerie, rivière souterraine de Bourg-Saint-Andéol.

Magnums vieillis : une expérience subaquatique réussie
Les onze magnums ont été récupérés intacts de leur séjour sous l'eau, prêts pour la vente aux enchères caritatives du samedi 4 mai. ©AAA_MMartin

Une certaine effervescence agitait les abords du Goul de la Tannerie, dans le parc du Château Pradelle à Bourg-Saint-Andéol, dans la matinée du 30 avril. Puis, en un clin d’œil, les vignerons ayant participé à cette expérience insolite ont pris place sur l’étroite passerelle de la résurgence pour créer une chaîne humaine et accueillir les quatre plongeurs, sous l’eau depuis une quarantaine de minutes, arborant fièrement leur trésor : onze magnums immergés depuis le 9 décembre dernier. Un « soulagement » pour le président du club de plongée du Val de Tourne, Michel Comte, inquiet des répercussions des crues du mois de mars sur les bouteilles, reposant dans les abysses de la rivière.

Une plongée dans l’inconnu

Initiée par le syndicat des vignerons des Côtes-du-Rhône Villages Saint-Andéol, cette expérience inédite permet de comparer le vieillissement du vin dans des conditions optimales d’obscurité totale et d’une température constante de 13°C. À environ 110 mètres de l’entrée de la résurgence et à 12 mètres de profondeur, reposaient les onze magnums, soumis à une pression d’environ deux bar. « Il est intéressant de découvrir l’effet de la pression sur le vin et de constater son influence sur ce dernier », glisse Guillaume Archambault, président du syndicat des vignerons des Côtes-du-Rhône du canton du Bourg-Saint-Andéol. Déjà, des expériences ont été menées, dans des lacs, sous la mer et dans des grottes mais très peu en rivière. Guillaume Archambault, détaille la genèse du projet : « Nous sommes un collectif de vignerons atypique, ce qui nous caractérise est notre typicité et notre créativité. Nous avions déjà réalisé un vieillissement du vin dans la grotte de Saint-Marcel, nous souhaitions cette fois-ci, pousser l’expérience plus loin et la partager à travers une dégustation comparative. Cette immersion permet un vieillissement atypique. Nous recherchions un endroit profond mais pas trop. Dans le Goul de la Tannerie, les magnums sont bercés par le courant. Le vin garde sa fraîcheur, son dynamisme. »

En février dernier, le syndicat a renouvelé l’opération, cette fois-ci en immergeant 66 bouteilles - six par domaine - qui seront hissées hors de l’eau d’ici un an, en février 2025. Lors de cette première expérience, les magnums ont été remontés après six mois de vieillissement dans l’eau afin d’être présentés lors des « 1ères Hospices Saint-Andéol », qui ont eu lieu le samedi 4 mai, marquant le début des événements viticoles estivaux. Les magnums, logés dans des écrins uniques en bois de châtaignier, étaient destinés à être présentés lors d’une vente aux enchères caritative.

Un seul manquait à l’appel, réquisitionné pour la dégustation comparative réalisée par Eric Dugardin, vice meilleur sommelier de France. Une dégustation anonyme, où les magnums, uniquement affublés d’un numéro, ont été soumis au tirage au sort.

Une dégustation comparative surprenante

L’objectif de cette expérience était de comparer le vieillissement des vins dans des conditions traditionnelles avec celui des magnums immergés.

Devant lui, Eric Dugardin dispose du magnum vieilli dans les eaux souterraines et d’un magnum témoin, provenant du même domaine et vieilli dans des conditions classiques. La dégustation se réalise en deux parties : pendant que le sommelier goûte aux deux verres de vin directement versés à l’ouverture du magnum, les deux nectars différents ont également été déversés dans deux carafes pour s’oxygéner.

Avec les verres de vin, le sommelier constate tout de suite une nette différence. « Une première interprétation gourmande de fruits rouge et noir, une impression pulpeuse et de la fraîcheur », caractérisent, selon lui, le vin immergé. Tandis que le vin témoin dégage, au niveau aromatique, « un sol dominant d’argiles, calcaires et galets, mais moins expressifs que le fruité. En bouche, le vin est voluptueux, généreux ». Le vin soumis à aération confirmera-t-il cette première impression ?

Avec l’impact de l’oxygène du vin mis en carafe, bien qu’atténué, le sommelier confirme le caractère fruité, pulpeux et gourmand du vin immergé. « Je m’attendais à moins de différence, je suis bluffé », s’étonne le sommelier lillois. « Si cela produit ce résultat dans six mois, qu’en sera-t-il dans un an ou plus ? », s’interroge-t-il.

Une expérience qui met indéniablement un coup de projecteur sur cette appellation encore jeune et reflète l’esprit d’innovation et de recherche de qualité qui anime ce collectif de vignerons.

Marine Martin

Une vente aux enchères caritative réussie !

Samedi 4 mai lors des 1èrs Hospices de Saint-Andéol, au Palais des évêques de Bourg-Saint-Andéol, une vente aux enchères caritative où étaient vendus les dix magnums restants a eu lieu.

5 470 euros ont été récoltés au bénéfice de l'ITEP Pont Brillant de Saint-Marcel-d'Ardèche.

Quatre communes et deux classes de sols différents
Les terrasses surplombant le village médiéval de Bourg-Saint-Andéol. ©AAA_MMartin
APPELLATION

Quatre communes et deux classes de sols différents

En 2017, l’AOC Côtes-du-Rhône Villages Saint-Andéol a été obtenue auprès de l’Inao en vin rouge produit par 4 communes : Bourg-Saint-Andéol, Saint-Marcel-d’Ardèche, Saint-Just-d’Ardèche et Saint-Martin-d’Ardèche.

Entre similitude et singularité, les onze domaines sous appellation Côtes-du-Rhône Villages Saint-Andéol (9 vignerons indépendants et 2 caves coopératives) se partagent une aire délimitée depuis 1977. Un cahier des charges commun, qui n’empêche pas la particularité de chacun. Depuis 600 ans, la vigne existe sur ce territoire ou deux classes de sols se distinguent : un terroir argilo calcaire d’un côté et un terroir de galets roulés. L’identité de l’AOC Côtes-du-Rhône Villages Saint-Andéol reste ses vignes, principalement en Syrah, Grenache et Mourvèdre, qui s’épanouissent entre chaleur tempérée, mistral et fraîcheur des nuits sud ardéchoises.

La superficie de production est d’environ 68 hectares pour un rendement de 2 281 hectolitres par an et un rendement annuel de 34 hl/ha.

Pour atteindre le Graal et la dernière marche des appellations les plus prestigieuses, celle des grands crus, Guillaume Archambault, président du syndicat des vignerons des Côtes-du-Rhône du canton de Bourg-Saint-Andéol depuis 1 an et demi, estime qu’il faut accentuer la « notoriété de l’appellation. Pour se faire connaître de ce côté du Rhône, nous mettons en avant l’appellation, de manière collective et non les noms de domaine de chacun ». Un syndicat dynamique, retranscrit à travers la création des premiers Hospices de Saint-Andéol.

 Les Gouls du Vallon de Tourne
Les plongeurs spéléologues avant de descendre à 12 mètres de profondeur sous la roche karstique du Goul de la Tannerie. ©AAA_MMartin
HISTOIRE

Les Gouls du Vallon de Tourne

Au lieu-dit du Vallon de Tourne, à Bourg-Saint-Andéol, jaillissent deux résurgences de type vauclusien : le Goul de La Tannerie et le Goul du Pont.

Révélant un décor au relief karstique, ces deux Gouls renferment dans leurs eaux souterraines un dédale de galeries descendant très profondément (-185 mètres), dont on ne connaît pas la fin. Les plongeurs spéléologues provenant de tout pays continuent d’explorer ces Gouls afin d’en révéler les mystères. Site mythique classé aux monuments historiques, entre ces deux Gouls se situe le bas-relief du Dieu romain Mithra, daté du IIIe siècle. Ces eaux alimentent une grande partie des foyers de la commune et ces sources donnent naissance au ruisseau de Tourne qui se jette dans le Rhône. « Les parcelles de nos vignes sont alimentées par de très nombreuses résurgences et sources. Cette eau contribue à la typologie de nos Côtes-du-Rhône Villages Saint-Andéol, en leur apportant fraîcheur et couleur », détaille le président du syndicat, Guillaume Archambault. En mariant patrimoine et produits, l’expérience menée par les onze vignerons de l’appellation, contribue à l’histoire d’un paysage vivant.

Photo pour la Une
Photo pour la Une : les plongeurs ont remonté les onze magnums immergés depuis le 9 décembre dernier par les vignerons de l'appellation AOC Côtes-du-rhône villages Saint-Andéol.©AAA_MMartin
Le sommelier Eric Dugardin a orchestré une dégustation comparative entre un magnum immergé et un vin témoin du même domaine, de façon anonyme. ©AAA_MMartin
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Neuf vignerons indépendants et deux caves coopératives ont pris part à l'expérience. ©AAA_MMartin