ÉLEVAGE PORCIN
L’élevage de porc plein air attire de plus en plus de jeunes

ÉLEVAGE PORCIN / Orientée sur de l'élevage en plein air et des structures de petite taille, la filière porcine ardéchoise a tendance à se développer ces dernières années. La charge de travail, les mesures de biosécurité et les investissements relatifs à ce type d’élevage imposent toutefois de bien raisonner son projet avant de se lancer.

L’élevage de porc plein air attire de plus en plus de jeunes
Installée à Berzème depuis 2018, Meddy Guilhon élève en plein air des porcs Mangalitza et des « Porcs plein air du soleil ».

La filière porcine compte une centaine d’exploitations en Ardèche, principalement de petites structures orientées sur des élevages de porcs en plein air, dont de nombreux producteurs fermiers. Face à la demande croissante de produits de qualité, les structures « naisseur-engraisseur », les ateliers de transformation et de vente directe y sont en nette progression. Les diverses entreprises de salaisons ardéchoises permettent aussi de bien valoriser la viande de porc locale. Dans ces conditions, de plus en plus de jeunes agriculteurs s’installent dans cette filière, à l’instar de Meddy Guilhon à Berzème et de Sandra Mollier et Mathieu Comte au Pouzin.

Une production bien valorisée par les structures locales

À Berzème, parmi les élevages ovin, bovin allaitant et volailles plein air du Gaec familial, Meddy Guilhon souhaitait s’installer sur un type d’élevage différent qui lui permette de valoriser des parcelles peu productives, composées de bois et cailloux. Elle trouve dans l’élevage de porcs en plein air de nombreux atouts et s’installe en 2018. En matière de débouchés, sa rencontre avec Christophe Guèze, dirigeant des salaisons éponymes à Vernoux-en-Vivarais, est déterminante. Il transforme et commercialise notamment la viande de porc de race Mangalitza. Séduite par les caractéristiques de cette race, Meddy Guilhon se lance en partie sur ce type d’élevage comme naisseur-engraisseur : avec 5 truies, elle projette de vendre 70 porcs / an, engraissés pendant 24 mois. Elle a créé également un second atelier en partenariat « Porcs plein air du soleil »1, pour lequel elle s’occupe uniquement de l’engraissement des porcs pendant 6 mois sur 2 lots de 100 porcs / an, vendus localement à Sovisal à Saint-Privat.  « Je cherchais un type d’élevage qui s’adapte au milieu, soit moins dépendant aux aides et qui me permette de valoriser une production de qualité avec les structures locales », indique la jeune éleveuse, « ravie » de s’être installée dans la filière porcine de plein air.

Autonomie et équilibre

Au Gaec Ferme du plateau des soies au Pouzin, Sandra Mollier et Mathieu Comte ne regrettent pas non plus leur choix. Naisseurs-engraisseurs depuis 2018, ils élèvent en plein air et en agriculture biologique des porcs de race Gascon, reconnus par le Ligeral2, organisme gestionnaire de la race. « Nous sommes tombés amoureux de cette race, rustique et bien adaptée au plein air, notamment ici où les sols sont calcaires et drainants », indique Sandra Mollier. Avec des porcs engraissés entre 16 et 22 mois, ces éleveurs projettent de vendre 125 cochons / an. Pour l’heure, 200 porcs sont élevés sur 8 hectares de parcs clôturés mais le couple compte utiliser 15 ha supplémentaires sans augmenter leur effectif. Objectifs : créer un système de pâturage tournant et installer 10 à 15 cochons / ha. Sandra Mollier et Mathieu Comte disposent aussi d’un atelier de transformation et de vente directe à la ferme. Ils vendent leur viande de porc, charcuterie sèche et bocaux en magasin de producteurs, via les Stolons, expéditions et dans des épiceries locales. Tant sur leurs pratiques que sur leur vision, « notre objectif est d’être sur une structure et un élevage durable, qui fonctionnent, nous permettant de faire de bons produits et de rembourser nos investissements ».

Des mesures de biosécurité renforcées et obligatoires dès 2021

À la suite de la détection de cas de peste porcine africaine (PPA) en Belgique, des mesures renforcées de biosécurité ont été définies en France, par arrêté ministériel le 16 octobre 2018. Plan de biosécurité, systèmes de circulation des animaux dans l’exploitation, transport, obligations de nettoyage… Toute une série d’instructions techniques ont été précisées en 2019 et devront être appliquées dès le 1er janvier 20213. Pour les élevages de plein air, des clôtures aux normes biosécurité et définies selon les types d’animaux seront obligatoires. Pour les porcs non pubères, une double clôture ou un filet électrifié des deux côtés doit être installé pour éviter l’intrusion de sangliers et leurs contacts groin à groin avec les porcs. Pour les porcs reproducteurs ou pubères, les contraintes sont plus importantes sur la clôture extérieure, avec la présence d’un grillage et d’une clôture électrique (deux fils intérieurs, deux fils extérieurs). Les parcours doivent être protégés des engins agricoles via un passage canadien ou une double barrière. Ceux en rotation doivent être protégés un mois avant la mise en place des porcs.

« Il faut être très vigilant »

Sandra Mollier et Mathieu Comte ont clôturé dès le départ une surface de 8 ha pour démarrer leur élevage et comptent poursuivre ces aménagements sur 15 ha. « Nous l’avons fait par choix, et non par rapport à la réglementation, car en tant qu’adhérents au Ligeral, nous devons éviter tout problème génétique et de maladies avec la faune sauvage. Quand nous avons vu l’actualité en Belgique, nous ne l’avons pas regretté », indique Sandra Mollier. Vu la topographie du site de l’exploitation, « il a fallu faire un gros travail, remettre à plat les terrains à certains endroits, utiliser le brise-roche, bétonner les piquets… Juste en fourniture, cela nous a couté 13 € HT le mètre linéaire ». En main d’œuvre, le travail est immense. Chez Meddy Guilhon aussi, la mise en place de son plan de biosécurité a demandé beaucoup d’investissements et de travail : « J’ai réalisé petit à petit mes clôtures depuis mon installation, ce qui n’a pas été simple avec les sols que nous avons ici. Il y a des SAS sanitaires pour chaque parc d’élevage, qui permettent de protéger tous les animaux en cas de problème sanitaire et d’éviter un arrêt d’activité. J’ai aussi installé les Porcs plein air du soleil et les Mangalitza sur deux sites distincts pour qu’ils ne rentrent jamais en contact et limiter les risques sanitaires », ajoute l’éleveuse qui accueille 100 nouveaux Porcelets plein air du soleil tous les 6 mois, « potentiellement contaminants à la PPA ». Pour les Mangalitza, seul un verrat peut rentrer dans l’élevage, mis systématiquement en quarantaine avant son arrivée.

Membre du bureau du GDS de l’Ardèche, Meddy Guilhon s’investit aussi auprès de la commission régionale porcine du GDS Aura qui a permis la création d’une aide régionale liée à l’investissement des mesures de biosécurité (voir ci-contre). « Avec une filière à petits effectifs en Ardèche, dont 70 % en porc de plein air, les risques liés à la faune sauvage ne sont pas à négliger. Il faut être très vigilant sur les éléments liés à la biosécurité », prévient Meddy Guilhon.

Anaïs Lévêque

1. Démarche équitable de la société Etoile porcine.
2. Association des livres généalogiques collectifs des races locales de porcs, regroupant les races de Porc Pie Noir du Pays Basque, Porc de Bayeux, Porc Gascon, Porc Cul Noir Limousin, le Porc Blanc de l’Ouest et le Porc Nustrale.
3. Les principales mesures sont à retrouver sur le site du ministère de l’Agriculture : https://agriculture.gouv.fr/peste-porcine-africaine-les-mesures-de-biosecurite-obligatoires

Naisseur – engraisseur, transformateur et vendeur en direct, Sandra Mollier et son compagnon Mathieu Comte élèvent des porcs Gascon en plein air et en agriculture biologique au Pouzin.

NOTEZ-LE / Une aide pour la mise aux normes de biosécurité

La Région Auvergne Rhône-Alpes (Aura) propose une aide sur les investissements de mise aux normes de biosécurité à destination des élevages de suidés. Il s’agit d’une aide forfaitaire de 1 000 € par site d’élevage pour les investissements compris entre 5 000 € et 10 000 € liés à la production primaire. Plusieurs départements ont également donné leur accord pour doubler cette aide forfaitaire. La main d’œuvre et le matériel d’occasion sont exclus du dispositif. Le formulaire de demande d’aide est accessible sur les sites Internet d’Interporc et de la Région Aura. Interporc et l’Ipal (Interprofession Auvergne-Limousin) instruisent ces dossiers de demande d’aides à la Région pour le compte des éleveurs.

Plus d’infos et liste (non exhaustive) des investissements éligibles à retrouver sur les sites Internet : https://www.interporcra.fr ; https://auvergnerhonealpes.fr
Fonctionnement et conformité des installations de l’élevage

Fonctionnement et conformité des installations de l’élevage

QUESTIONS À / Anne-France Julia, inspectrice vétérinaire à la DDCSPP de l’Ardèche et responsable des plans d’urgence sur la filière porcine.

Quel est le rôle de la DDCSPP dans le contexte de crise lié à la PPA ?

Anne-France Julia : « Nous suivons l’évolution de la maladie et veillons à l’application des mesures de biosécurité dans les élevages ardéchois de suidés comme le stipule l’arrêté du 16 octobre 2018 pris dans le cadre de la prévention de la PPA. Les inspections relatives au respect des mesures de biosécurité se répartissent sur les quatre années 2020 – 2023. »

Comment se déroulent ces inspections ?

A.-F. J. : « Le choix des élevages inspectés se concentre sur les élevages plein air qui comptent le plus de porcs, là où il y a le plus de risques et où les travaux de clôtures sont essentiels pour se protéger des risques de contamination par les sangliers. Nous évaluons la conformité des installations de l’élevage et son fonctionnement vis-à-vis du plan de biosécurité. Parmi les mesures les plus importantes figurent le SAS sanitaire, situé à l’entrée de la zone d’élevage pour protéger l’élevage des risques de contamination par l’éleveur, et l’aire d’équarrissage, située en zone publique qui présente des risques de contamination par la faune sauvage. Les éleveurs doivent aussi justifier d’une attestation de formation aux mesures de biosécurité. À la suite de l’inspection, nous expliquons à l’éleveur les raisons de non-conformité de son élevage s’il a lieu d’être établi. Nous graduons le niveau de non-conformité en fonction des constations positives que nous relevons sur le terrain. Un manquement n’est pas rédhibitoire. Nous sommes aussi très attentifs sur les moyens mis en œuvre dans les élevages sur les prélèvements et la contention des porcs. »

Comment est surveillée l’évolution de la PPA en France et en Ardèche ?

A.-F. J. : « Les sangliers sont la plus grande source de contamination de la PPA. Une zone neutre a été mise en place sur la frontière avec la Belgique mais nous sommes inquiets actuellement car elle se propage dans les pays limitrophes. Si la PPA arrive en France, nous serons vite au courant. En Ardèche, sa présence serait très préoccupante car nous avons des petites structures. Nous réaliserons prochainement un exercice de simulation du plan d’urgence contre la PPA en Ardèche, pour évaluer la réaction des éleveurs sur la contention de leurs porcs et voir dans quelles mesures nous sommes en mesure de mobiliser les entreprises, pour l’enfouissement des cadavres en cas de besoin ou de contacter le service d’équarrissage. »

Propos recueillis par A.L.