MERCOSUR
Le scepticisme des ministres européens de l’Agriculture

Christophe Soulard
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MERCOSUR / L’Union Européenne et le Mercosur avaient conclu, le 28 juin 2019, un accord commercial qui devait permettre d’augmenter drastiquement les échanges commerciaux entre les deux régions. Plus de 90 % des taxes à l’importation devaient ainsi être supprimées. Mais un an plus tard, rien ne semble plus aller.

Le scepticisme des ministres européens de l’Agriculture
La chancelière allemande Angela Merkel a récemment émis de « sérieux doutes sur l’accord commercial » avec le Mercosur, mettant à l’index la politique de Jair Bolsonaro avec sa « déforestation continue ».

« Nous, les ministres de l’Agriculture (des 27) sommes très très sceptiques [sur la ratification de l’accord]. Et je peux véritablement parler pour pratiquement chacun des ministres présents ici », a indiqué la ministre allemande de l’Agriculture, Julia Klöckner, peu avant l’ouverture d’une réunion informelle des ministres de l’Agriculture et de la pêche des États membres de l’UE, le 1er septembre à Coblence (Allemagne). En cause : la politique de déforestation qui est encouragée et pratiquée de manière massive par le gouvernement brésilien. En effet, selon l’Institut national de recherche spatiale (INPE) brésilien, organisme public chargé de mesurer la déforestation en Amazonie, celle-ci s’est accélérée de 25 % dans la forêt amazonienne au premier semestre 2020. Pas moins de 3069 km² ont été entièrement déboisés, dont 1034 km² dans le seul mois de juin. Pour les défenseurs de l’environnement, l’année 2020 pourrait être la plus dévastatrice pour la forêt amazonienne, « pire que l’année 2019 ». Ces chiffres soulèvent des questions sur l’engagement du chef de l’État, Jair Bolsonaro, à protéger l’Amazonie, dont plus de 60 % se trouvent en territoire brésilien.

Sérieux doutes

« Nous voyons au Brésil que la forêt est brûlée pour laisser place à des terres agricoles aussi rapidement que possible » et dont les cultures « sont alors vendues sur nos marchés […] où nos agriculteurs sont incapables de rivaliser [...] C’est une distorsion de la concurrence », a insisté Julia Klöckner. Une telle politique semble en tout cas incompatible avec les orientations prises par l’Union qui a mis en place, pour son Green Deal, une « Stratégie biodiversité 2030 » et « de la ferme à la fourchette ». Déjà le 21 août, la chancelière allemande Angela Merkel avait émis de « sérieux doutes sur l’accord commercial », mettant à l’index la politique de Jair Bolsonaro avec sa « déforestation continue ». Peu de temps auparavant les parlements belge et néerlandais avaient rejeté l’accord de l’UE avec le Mercosur. L’accord UE-Mercosur prévoit qu’à terme, 91% des taxes à l’importation imposées par le Mercosur aux pays européens seront supprimées, notamment pour les fromages et produits laitiers de l’Union européenne. L’accord prévoit un quota de 99000 tonnes de boeuf par an avec un taux préférentiel à 7,5% de taxes. Il prévoit aussi un quota supplémentaire de 180000 tonnes pour le sucre et un autre de 100 000 tonnes pour les volailles. Le Mercosur s’engage à protéger 357 « indications géographiques » européennes comme le jambon de Parme, le champagne, le Porto ou le whisky irlandais.

Intérêts écologiques

À l’inverse, l’UE éliminera 92 % de ces taxes pour les produits en provenance de pays du Mercosur. Cela concerne notamment le vin (27%), le chocolat (20%), les spiritueux (20 à 35%), les biscuits (16 à 18%), les pêches en conserve (55%), les boissons gazeuses (20 à 35%) et les olives. En l’état, cet accord représenterait une économie de plus de quatre milliards d’euros par an pour l’UE. Concernant les produits agricoles, plusieurs taxes du Mercosur seront éliminées. L’Allemagne qui préside le Conseil des ministres européen durant le second semestre 2020 avait beaucoup à gagner dans cet accord. En effet, ce projet est très favorable à son industrie automobile. Elle semble aujourd’hui vouloir faire machine arrière, au nom des intérêts écologiques.

Christophe Soulard