TRANSMISSION
Propriétaire ou fermier, comment céder mes terres ?

Mylène Coste
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TRANSMISSION / Que l'on soit propriétaire ou locataire des terres que l'on exploite, il est important de bien connaître ses droits et obligations au moment de partir à la retraite et d'installer un successeur. 10 questions-réponses récurrentes.

Propriétaire ou fermier, comment céder mes terres ?
Que l'on soit fermier ou propriétaire de ces terres, il convient de bien réfléchir à sa succession lors de la cessation d'activité.

1. Je suis locataire de terres que j'exploite en bail rural

Mon propriétaire a-t-il son mot à dire sur mon successeur ?

La cessation d'activité met fin au bail rural. Avant son départ à la retraite, le fermier peut demander la cession de son bail en faveur de ses enfants agriculteurs ou de son conjoint exploitant uniquement. Dans le cas où le fermier a trouvé un repreneur hors du cadre familial, le propriétaire peut établir un nouveau bail avec lui en modifiant les clauses (loyer, clauses environnementales...). Mais il peut aussi refuser le repreneur et choisir un autre exploitant.

Je m'associe avec un tiers en Gaec. Dois-je prévenir le propriétaire ?

Deux possibilités : dans la première, l’exploitant informe son propriétaire qu’il met les parcelles louées à disposition du Gaec. Dans la seconde, il peut, avec accord du propriétaire, inscrire un membre de sa famille comme copreneur au bail.

Il est recommandé d’envoyer les informations par lettre recommandée afin de conserver la preuve de l’information au propriétaire.

Je souhaite installer un bâtiment ou des équipements (filets, clôture...) ou planter des cultures pérennes, dois-je informer le propriétaire ?

Il est obligatoire de demander une autorisation écrite et expresse du bailleur avant d’effectuer tout changement ou amélioration. Le bailleur peut s'y opposer ou bien y participer financièrement.

Je suis en Gaec. Le bail revient-il à mon associé lors de ma retraite ?

Non. Dans le cas où le bail est conclu au nom de l'exploitant qui part à la retraite, le bail se résilie.

Le propriétaire n'a pas d'obligation d’accepter de signer un nouveau bail avec l’associé ou le Gaec. En revanche, si le bail est signé au nom du Gaec, le départ à la retraite n’a pas d’incidence. Le bail survit tant que le Gaec continue d’exister.

Mon propriétaire vend les terres que je loue en fermage. Que se passe-t-il pour moi ?

Le locataire peut faire valoir son droit de préemption et ainsi être considéré comme prioritaire pour le rachat des terres qu'il exploite. Toutefois, s'il ne rachète pas les terres, son bail court toujours avec le nouveau propriétaire, qui doit attendre le renouvellement du bail, pour reprendre les terres sous certaines conditions.

J'exploite des terres abandonnées et le propriétaire, qui vit loin, ne s'est jamais manifesté. Puis-je être considéré comme propriétaire ?

Si un agriculteur exploite pendant plus de 30 ans des terres de manière publique, continue, paisible, non équivoque, il peut prétendre à la propriété. Le tribunal de grande instance devra être saisi.

2. Je suis propriétaire de terres que je loue

Suis-je dans l'obligation de renouveler le bail à mon présent locataire ?

Oui. Le bail rural se renouvelle automatiquement tous les 9 ans sauf si le propriétaire ne s’y oppose. Son non-renouvellement doit être dûment justifié : mauvaise exploitation du fonds, défaut de paiement du fermage, non-respect des conditions d'exploitation par le locataire, départ à la retraite, ou encore dans le cas où le propriétaire ou ses descendants directs deviennent agriculteurs et souhaitent exploiter les terres.

Le propriétaire doit notifier le congé au locataire 18 mois avant la fin du bail par un huissier. Toutefois, l'exploitant peut s'y opposer lorsqu'il se trouve à moins de 5 ans de la retraite. Il a 4 mois pour contester le congé devant le tribunal paritaire des baux ruraux.

Puis-je rompre un bail rural à tout moment ?

Oui. Si les deux parties sont d'accord, la résiliation à l'amiable est possible.

Le bailleur peut aussi saisir le tribunal pour mettre fin au bail dans trois cas : si le locataire a commis une faute (non-paiement, sous-location...), s'il a compromis la bonne exploitation des terres louées, ou s'il a enfreint des clauses visant la préservation des ressources.

Toute résiliation, même à l'amiable, donne droit à des indemnités pour le fermier notamment s'il a apporté une plus-value à la parcelle, ou pour le propriétaire si des dégradations sont constatées.

Le locataire ne me paie pas le loyer. Puis-je résilier le bail rural ?

Le propriétaire doit mettre en demeure le locataire après deux non-paiements du fermage. Le fermier a alors trois mois pour payer l'intégralité des sommes dûes. En cas de non-paiement de toutes les sommes dûes, le propriétaire peut saisir le tribunal paritaire des baux ruraux pour résilier le bail.

Ma parcelle devient constructible, puis-je résilier la location à un agriculteur ?

Le propriétaire doit prévenir le locataire un an à l'avance et apporter la preuve que le terrain est devenu constructible. Le locataire a toutefois droit à une indemnisation.

Cette thématique a été abordée lors d'une journée sur la transmission d'exploitation organisée par la Chambre d'agriculture de l'Ardèche le 2 février. Une autre journée devrait avoir lieu prochainement.

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Bail ou commodat, kézako ?

Le commodat : option la moins sécurisante pour le locataire, le commodat (écrit ou oral) est résiliable à tout moment par le propriétaire (avec un préavis « raisonnable » de six mois). L’absence de contrepartie financière est une condition sine qua non dans ce contrat. Un contrat payant n'est donc plus un commodat mais doit être requalifié en bail.

Le bail rural : oral ou écrit. Le bail rural se caractérise par quatre éléments : une mise à disposition, une contrepartie onéreuse, d’un immeuble agricole, afin d’y exercer une activité agricole. Le loyer est actualisé annuellement conformément à l'indice national des fermages, qui a augmenté de 0,55 % cette année.

Le bail rural est conclu pour une durée minimale de 9 ans avec tacite reconduction, mais il peut être plus long : 18 ans et plus, 25 ans, ou encore de carrière.

L'état des lieux : en commodat comme en bail, il est vivement conseillé d'établir un état des lieux d'entrée et de sortie pour apporter la preuve d'une plus-value à la sortie du locataire, ou au contraire de la dégradation des parcelles et installations mises à sa disposition (état des  terrains, terrasses en pierres sèches, filets antigrêle...)