ARBORICULTURE
Une campagne déficitaire et aléatoire

Anaïs Lévêque
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ARBORICULTURE / La campagne des fruits en Ardèche s’annonce décevante face aux manques de volumes. Le marché est pour l’heure satisfaisant, bien que les coûts de production soient nettement supérieurs à la normale.

Une campagne déficitaire et aléatoire
Dans de nombreux vergers d'abricotiers ardéchois, comme ici chez Édith Cabello à Saint-Marcel-d'Ardèche, les fruits se comptent sur les doigts d'une main cette année.

 « C’est une saison très compliquée à gérer, aléatoire. Il faut rester optimiste mais la succession des mauvaises années est inquiétante sur l’avenir de l’arboriculture en Ardèche », évalue Daniel Vernol, président de Viva Coop. Dans tout le département, les pertes de récolte dans les vergers sont considérables à la suite des épisodes de gel fin mars. La campagne des premiers fruits a aussi été très compliquée, dans le contexte économique lié au Covid-19, pour les coopératives et les producteurs qui ne vendent pas en direct. Par la suite, les pluies ont dégradé la qualité des fruits en favorisant le développement de la Drosophila suzukii, impactant davantage les rendements de collecte.

Un manque criant de volumes en abricot

Les vergers d’abricot sont les plus touchés par les pertes de récoltes, évaluées entre 60 et 100 % en Sud Ardèche et de 70 à 100 % dans le nord. La coopérative Rhoda-Coop, quant à elle, annonce entre 30 et 50 % de pertes. Ces volumes manqueront cruellement car l’abricot est l’un des produits fruitiers phares de la vallée du Rhône et toute l’Europe a été touchée par des baisses de production. Le marché devrait être meilleur qu’en 2019 mais le manque de volumes est très pénalisant pour les producteurs et les coopératives.

Déficits de récolte et développement de la Drosophila suzukii

En cerise, les volumes sont inférieurs à la normale, en grande partie à la suite du gel qui a engendré jusqu’à 50 % de pertes de rendement dans tout le département. La pollinisation, plus longue que d’habitude, a aussi joué sur ces baisses de volumes. La variété burlat a posé quelques difficultés et nécessitait beaucoup de tri, par manque de qualité à la suite des récentes pluies et au temps humide qui ont favorisé le développement de la Drosophila suzukii.

En pêche aussi, les producteurs qui ont entamé la récolte en Sud Ardèche comme Edith Cabello, arboricultrice à Saint-Marcel-d’Ardèche, se désolent du manque de volumes : « Nous n’avons quasiment rien, elles ont chuté très rapidement. Sur celles qui sont restées, le récent temps humide les a endommagés, elles se conservent très mal ».

En poire et prune, les impacts du gel se concentrent principalement en Nord Ardèche et seront affinés selon la récolte. Les vergers épargnés présentent, quant à eux, de beaux potentiels.

Une saison en avance d’une dizaine de jours

Ces dernières années, les campagnes de fruits étaient globalement plutôt en avance. En 2020, elle est extrêmement précoce, en avance de plus d’une dizaine de jours en Ardèche. Cette précocité va beaucoup peser dans la campagne cette année. Elle est susceptible de bousculer les tonnages, d’engendrer des déficits de production en août et de perturber celle des mois de juin et de juillet. « Nous nous attendons à avoir des pics d’apports qui perturberont l’organisation de la coopérative bien que nous ayons des frigos et la structure pour les gérer », indique le directeur général de Rhoda-Coop, Christophe Claude. La coopérative a récemment battu des records de récolte en récupérant plus de 50 tonnes de cerises en une journée !

Pour l’heure, les consommateurs continuent de privilégier l’achat de fruits français et la confiance qu’ils y accordent est au beau fixe. Les circuits de vente locaux ne désemplissent pas non plus. « Il n’y a pas de souci d’écoulement pour le moment », indique Christel Cesana, vice-présidente de la Chambre d’agriculture et arboricultrice à Orgnac-L’Aven, « mais il faut que la météo soit clémente pour que la consommation se poursuive ainsi ».

Déséquilibre des coûts de production

Les fruits à noyaux ne sont pas aussi touchés par la perturbation des marchés liée au confinement et à la crise du Covid-19 que d’autres filières agricoles. Les prix sont actuellement satisfaisants, estime la profession, mais la baisse des volumes et les coûts de production nettement supérieurs à la normale impactent la trésorerie des producteurs et des coopératives. En cause ? Le recrutement des salariés saisonniers cantonné jusqu’à fin mai à une main d’œuvre locale et moins qualifiée qui ralentit les cadences de récolte. Les chantiers de récolte et chaînes de conditionnement sont aussi soumis à des protocoles sanitaires stricts, induisant des investissements et des retards. « Les gestes barrières et les mesures de protection individuelles que nous avons mis en place (aménagement des postes de travail, masques et gel hydroalcoolique, blouses individuelles, etc.) engendrent des pertes de rendements car le fonctionnement est plus lourd, plus précautionneux, et les coûts de production plus élevés », constate Christophe Claude.

Anaïs Lévêque

Soumis à des protocoles sanitaires stricts, le fonctionnement plus lourd des chantiers de récolte et des chaînes de conditionnement engendre des coûts de production plus élevés, constatent les producteurs et les coopératives, comme ici à Rhoda-Coop.